Mélenchon et la soupe de poissons
On en était resté à Jean-Luc Mélenchon préparant, dans sa cuisine, une salade de quinoa, devant l’objectif du magazine Gala. La Provence nous a révélé cette semaine un maître queux trois étoiles Michelin, expliquant pourquoi un de ses adversaires du premier tour de la Présidentielle n’avait rien compris à la recette qui aurait pu faire gagner la gauche. En résumé, nous explique Mélenchon : « Hamon se ralliait, j’étais président, et il était Premier ministre ». Ah, on n’écoute jamais assez les experts en tambouille. C’est vrai que Mélenchon s’y connait, lui qui est passé en son temps par le Sénat où il a siégé trois longs mandats. Pour ceux qui regardent la politique d’un peu loin, il faut rappeler que les sénateurs sont élus par des grands électeurs, c’est-à-dire, très majoritairement, des élus locaux. Pour siéger au palais du Luxembourg, il a fallu qu’il sache maîtriser les bonnes vieilles recettes qui permettent – encore aujourd’hui – d’y accéder. Un petit peu de rose, un soupçon de rouge, une pincée de vert et éventuellement une goutte de bleu. C’est ainsi que vous pouvez vous rassasier pendant 24 ans à une des meilleures tables de Paris. Bon tout cela c’est du passé et Mélenchon, désormais député marseillais, jure par tous les saints et Jupiter qu’il ne mettra pas sa louche dans la bouillabaisse politique locale, même si elle a un très long manche. Pour preuve, sa première visite de courtoisie fut réservée à Jean-Claude Gaudin, pour qui il ne cache pas son admiration. On est prié de le croire, même si ses affirmations ne manquent pas de sel.
L’isolement de Muselier
Il y a plus de vingt ans (1994) Renaud Muselier s’était retrouvé bien seul au milieu de quelques dockers, le rouant de coups. Il avait manifesté, un peu trop bruyamment à leur goût, sa solidarité avec les chefs d’entreprise et acconiers du Port soumis depuis des décennies aux diktats incessants de la CGT. Les images, diffusées au 20h, de cet élu marseillais tentant d’échapper à la meute enragée avaient choqué la France. Le premier des Français, Jacques Chirac, avait manifesté dans un communiqué retentissant son soutien à celui qu’on ne surnommait pas encore « Muso ». Jean-Claude Gaudin avait été pour sa part très en deçà de cette compassion élyséenne, et le fait que son adjoint, portant une minerve, tint pendant plusieurs jours le devant de la scène et des Unes ne laissait de l’agacer. Depuis le couple la joue comme au cinéma, « je t’aime, moi non plus ». Et dans une manœuvre dont il partage le secret avec sa garde la plus rapprochée, Gaudin a réussi à isoler un peu plus celui qu’il veut voir partout – y compris dans un ministère – sauf dans son fauteuil. Peut-être qu’un jour, lassé de tant d’opprobres, Muselier livrera les raisons de ce désamour en prenant la plume, comme il le fit, il y a quelques années, pour dénoncer le système Guérini. En attendant l’ancien secrétaire d’État qui avait dit à propos de celui dont il dépendait – Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères – « il fait tout, je fais le reste », doit, jour après jour, slalomer entre les mines que Gaudin a mis sur sa route. La plus meurtrière fut bien sûr d’avoir désigné son frère siamois en politique – le sénateur Bruno Gilles – comme son possible successeur. « Muso », une fois encore, a surréagi oubliant, comme le disait naguère le prince Poniatowsky, qu’en politique « on ne blesse pas, on tue ».
De Dieudonné à sainte Boyer
Le maire de Marseille s’est rapidement dépêtré d’une affaire embarrassante. Les responsables du Dôme qui sont sous son autorité, n’avaient rien trouvé de mieux que de programmer à l’automne un certain Dieudonné, bien connu de ceux qui luttent en France contre l’antisémitisme. Le très ambigüe saltimbanque a été prestement retiré de l’affiche et Jean-Claude Gaudin n’a désormais qu’à rechercher, discrètement, l’ignare qui a commis la boulette d’offrir une des plus grandes salles de spectacles marseillaises au sulfureux humoriste. Mais dans le genre comique, la cité n’était pas au bout de ses peines cette semaine, puisqu’une fois encore la députée Valérie Boyer (photo), députée des Bouches-du-Rhône, est montée au créneau pour dénoncer la « censure » d’une marque de yaourt. Elle s’est même fendue d’un courrier pour regretter « la disparition des croix chrétiennes sur certains produits de la marque Carrefour, notamment sur les paquets de yaourts brassés à la grecque ». L’ancienne porte-parole de François Fillon montre là toute l’étendue de sa vigilance et le sérieux qu’elle apporte à son travail parlementaire. Si avec un tel zèle les électeurs de la 1ère circonscription ne sentent pas le puissant souffle républicain qui balaie leur territoire, c’est qu’ils n’ont pas de « sens commun ». On croyait qu’il n’y avait qu’une bonne mère à Marseille. Il faudra s’habituer, il y en a désormais deux.
Marseille est attirante et repoussante
Les touristes n’évitent plus Marseille. Certains chiffres attestent même que, peu à peu, la ville s’impose comme une destination estivale obligée. Tant mieux la ville, sa beauté, son histoire, ses talents le méritent amplement. Il y a néanmoins encore de la marge pour approcher les scores qu’enregistrent des cités comparables à la nôtre. On peut ainsi imaginer un accueil plus performant sur un territoire très étendu, où la carence de points d’information est patente. Il faut inciter toujours plus les professionnels de la restauration à se rapprocher des réflexes professionnels que l’on voit ailleurs. C’est insupportable lorsque vous demandez un café sur une terrasse de l’Escale Borély, d’entendre en début d’après-midi « on a arrêté le chaud ». Et tout autant sur le cours Julien ou sur le Vieux-Port de se voir refuser une carte bleue. Il est enfin urgentissime d’améliorer la salubrité de nos rues et places. La ville de Metz s’y est attelée avec succès. Cela coûte de l’argent mais le retour sur investissement est immédiat selon les élus lorrains. La rue Paradis par exemple, dans sa partie intelligemment remodelée, est déjà d’une saleté repoussante alors qu’elle pourrait être un joyau commercial. Marseille sera ville olympique en 2024, on attend que le seigneur des anneaux nous prouve que ce n’est pas une utopie.
Fog dans le brouillard
Franz Olivier Giesbert, quelques semaines après son arrivée à La Provence, doit affronter une motion de défiance de la rédaction (la moitié des journalistes s’est exprimée) qui a approuvé les reproches formulés par le Syndicat national des journalistes. Comment en est-on arrivé là entre l’ancien patron des rédactions du Nouvel Obs, du Point, du Figaro, l’homme de télé, l’écrivain prolixe, l’intervieweur aussi talentueux que craint, et la rédaction du journal issu du mariage contre nature, en 1997, du Provençal et du Méridional ? Les réponses sont multiples et il n’est pas sûr qu’une domine. La Provence est en effet née d’une fusion, mais aussi d’une confusion. Jean-Luc Lagardère était convaincu, lorsqu’il a mis fin à l’existence des deux titres, nous le citons, qu’il avait « abattu un nouveau mur de Berlin ». L’absence de ligne éditoriale claire fut fatale dans une ville et une région qui aiment la « castagne ». Un ancien dirigeant de la rédaction confiait, alors lorsqu’il évoquait ses propres éditos, « si vous saviez ce que je me retiens ». Après Hachette, on est passé par Hersant, avant de s’en remettre à Tapie pour tendre vers un horizon incertain, à défaut d’avancer avec de vrais projets éditoriaux. Les journalistes ont légitimement peur de fragiliser ce qui reste et FOG a fait l’effet à la rédaction d’un chien dans un magasin de porcelaine. FOG n’a jamais été un grand chef d’orchestre, mais seul devant un clavier, il est capable des plus incroyables fulgurances.
Sisley : l’expo qu’il ne faut pas manquer
Vous avez jusqu’au 15 octobre pour vous laisser impressionner. L’Hôtel de Caumont propose à Aix une exposition remarquable Alfred Sisley l’impressionniste. Le public ne s’y est pas trompé, et ce centre d’art magnifique, fiché au cœur du quartier Mazarin, ne désemplit pas. Sisley triomphant dans la patrie de Paul Cézanne, voila un juste retour de l’histoire. Contrairement, en effet, aux Pissarro, Monet, Renoir, Van Gogh, et Cézanne justement, Sisley n’a pas eu de son vivant le succès de tous ceux qui ont initié ou participé au mouvement impressionniste. Il en est pourtant un des maîtres les plus subtils. Il y a dans son travail une pugnacité étonnante. L’artiste, aux origines en partie anglaises, s’évertue cent fois sur l’ouvrage à parfaire son approche picturale. Henri Matisse le traduit bien dans ce jugement : « Un Cézanne est un moment de l’artiste, tandis qu’un Sisley est un moment de la nature ». Tout est dit, ou presque, et les tableaux accrochés aux cimaises d’Aix racontent combien précieuse et rare est l’œuvre de Sisley. Paysagiste hors pair, il sait appréhender l’instant figé d’un monument, comme le mouvement fébrile d’un ciel changeant. La neige, le vent, l’eau sont autant d’alibis à sa vision du monde, dans lequel il pose son chevalet. Contrairement à nombre de ses pairs, Sisley n’achevait pas ses toiles en atelier, mais il se mesurait avec un entêtement fécond au sujet, qu’il immortalisait à Pontoise, Bougival, sur les bords de Seine. Le redécouvrir corrige l’injustice que son temps lui a fait. En cet été indien, la lumière de Sisley est un bonheur à déguster sans modération.