A l’origine, tout est parti d’une mauvaise nouvelle. La rocade L2 allait amputer le marché d’intérêt national (MIN) des Arnavaux de 20 % de sa surface. « Tout d’abord, on a été stupéfait », se souvient Roland Blum, vice-président de la Métropole et adjoint aux finances à la mairie de Marseille. Pour celui qui a présidé le MIN pendant dix ans, il restait alors trois choix : « Soit on meurt, soit on déménage, soit on en profite pour tout changer et optimiser la surface ». C’est cette dernière option qui a été prise par le MIN des Arnavaux.
Malgré une surface totale qui passe de 32 à 26 hectares, le marché de gros a trouvé le moyen d’établir un plan pour augmenter la surface de bâti. D’ici 2022, il disposera de 99 000 m2 d’entrepôts contre 65 000 m2 actuellement. Les travaux ont été officiellement lancés jeudi 24 janvier avec la pose de la première pierre du futur pôle de logistique urbaine de 5 000 m2 par la présidente du Département et de la Métropole, Martine Vassal. « Le nouveau MIN fera rougir Rungis de jalousie », promet-elle. Pour soutenir le projet, elle fait jouer les deux collectivités avec un soutien de 25 millions d’euros pour la première et de 10 millions d’euros pour la deuxième.
En fait, la participation de la Métropole va bien au-delà car pour compenser la perte de surface dû à l’arrivée de la L2, elle a versé avec la ville de Marseille une indemnisation de 25 millions d’euros aux professionnels du MIN. Grâce à cette première aide, le marché a pu d’ores et déjà engager son plan de modernisation. Il a rapidement racheté 10 000 m2 d’entrepôts « dont l’activité n’était pas prioritaire », explique Marc Dufour, le directeur général du MIN. En plus, il va lancer la construction de 43 000 m2 de bâtiments tout neufs pour développer de nouvelles activités et les métiers existants.
Objectif : créer 1 500 emplois et atteindre le milliard de chiffre d’affaires en 2022
Aujourd’hui, le MIN des Arnavaux reçoit plus de 480 000 tonnes de produits frais et réalise 520 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 1 500 emplois directs. Son ambitieux plan stratégique prévoit de doubler ces chiffres d’ici trois ans. « Pour chaque emploi créé au MIN, ce sont sept emplois induits qui sont créés sur la région. Ce qui fait plus 10 000 nouveaux postes potentiels en 2022 », annonce le directeur du MIN. Pour ce faire, il va donc s’appuyer sur plus de 50 millions d’euros d’aides publiques mais aussi 32 millions d’euros d’investissements privés.
Le MIN va attirer les promoteurs avec la réalisation d’une grande halle marchande, un hôtel et des bureaux à l’entrée du marché, devant le rond-point. « Nous avons déjà quatre grands groupes qui se sont déclarés intéressés par le projet », glisse Marc Dufour. Le choix devrait être fait d’ici la fin de l’année. Le directeur du MIN rêve également « d’un espace de restauration collective pour les scolaires », annonce-t-il. Mais ce projet devrait arriver dans un second temps. Concernant, la halle marchande, ; Martine Vassal se félicite de l’ouverture au public d’un tel lieu pour faire découvrir les produits régionaux. « D’ailleurs, nous travaillons sur un autre projet de halle en cœur de ville de Marseille. Nous sommes toujours à la recherche du lieu idéal mais j’y tiens », affirme-t-elle.
Logistique urbaine, incubateur foodtech et panneaux solaires
« Cette restructuration est l’occasion pour nous d’imaginer le MIN du futur », affirme Marc Dufour. Le marché de gros a donc misé sur les nouvelles technologies. Dès le mois de mars prochain, le groupe La Poste, via une de ses filiales, va s’installer sur le MIN pour mettre en place un nouveau service de livraison urbain avec des véhicules roulant à l’électricité ou au gaz naturel. « L’agroalimentaire, c’est 60 % des produits qui rentrent dans une ville. Réduire l’impact environnemental de notre logistique est donc primordial », rappelle le directeur. Il souhaite également devenir un laboratoire d’expérimentation pour les start-up. Ainsi, il va créer un incubateur pour les jeunes entreprises travaillant sur les nouveaux moyens de production et de transformation alimentaire.
Le MIN travaille avec Aix-Marseille Université et Supagro Montpellier pour détecter les solutions les plus adaptées à ses problématiques et potentiellement engager des expérimentations sur site. Toujours dans un souci écologique, une grande toiture au dessus du carreau va être réalisée pour installer des panneaux photovoltaïques d’une puissance de 2 MWc, soit la consommation de 1 000 habitants sur une année. Enfin, une nouvelle déchetterie est prévue pour pouvoir recycler l’ensemble des déchets du MIN. « Et aujourd’hui, on ne peut pas penser au développement économique sans volet social », prévient Marc Dufour. Le MIN veut fait la part belle à l’insertion avec l’arrivée de l’association nationale des épiceries solidaires (Andes). La Banque alimentaire va également créer une unité de transformation des denrées alimentaires qui ne sont pas acceptées par les commerces mais restent pourtant consommables.
Renforcer les liens avec les autres MIN
Le Marché d’intérêt national se pose en défenseur des petits producteurs contre les stratégies agressives des grandes surfaces. Pour se développer, il compte diversifier sa gamme de produit avec la création d’un espace de 2 500 m2 pour l’activité de produits carnés dont la moitié a déjà été réservée par l’entreprise Mustapha Slimani. Enfin, le MIN des Arnavaux doit créer de nouvelles synergies avec l’autre marché de gros du département, celui de Chateaurenard. Parmi les projets, un site e-commerce commun mais aussi « un vrai corridor pour relier les deux MIN », demande Marc Dufour. La présidente de la Métropole va même plus loin : « Je lance même un défi à plus long terme à nos deux marchés de gros. Quand nous aurons finalisé la future Métropole, on devra créer des liens avec les MIN des autres territoires comme Nice, Cavaillon et Montpellier. Il faut créer des passerelles pour défendre encore plus le travail des petits producteurs », affirme-t-elle.