par Yves Delafon
Les députés sont-ils nommés, et le sont-ils à des fonctions honorifiques ? Non bien sûr. Ils sont élus au suffrage universel direct, sur la base d’engagements personnels et collectifs. Ils représentent le Peuple qui leur confie l’exercice de sa souveraineté pour une durée de cinq ans. A ce titre, ils votent les lois et contrôlent le gouvernement. Ce qui est tout, sauf honorifique. Lors des législatives, il y a formation d’un contrat entre le député élu et les électeurs. Si le premier promet son temps et son énergie pour l’objet et la durée de la mission qui lui est confiée, les seconds acceptent de ne pas contester la légitimité du mandat qu’ils lui donnent, majoritairement, librement et consciemment, pour le temps de la législature. C’est ainsi que fonctionne notre démocratie.
[pullquote]Comment comprendre l’abandon d’une mission basée sur la confiance de citoyens[/pullquote] Que penser alors des parlementaires qui ont, ou vont, déclarer leur candidature aux municipales de 2020 ? Il s’agit d’une pratique ancienne, un « nomadisme électoral », dont la fréquence nous en fait oublier le caractère parfaitement immoral.
En effet, comment qualifier autrement la rupture unilatérale d’un contrat, même (surtout ?) s’il est moral ? Comment comprendre la programmation, confortable, d’abandon d’une mission basée sur la confiance de citoyens qui, eux, ne peuvent y mettre un terme légalement ?
Par ailleurs, et au-delà d’un choix qui ignore la responsabilité et l’éthique, comment accepter qu’un élu à plein temps puisse envisager de consacrer 8 à 12 mois à une campagne électorale durant laquelle il ne pourra exercer pleinement son mandat (à moins de considérer que ce dernier serait un passe-temps de dimanche après-midi…), tout en en conservant les avantages ?
La première loi majeure du quinquennat fut celle de la moralisation de la vie politique. Son sens profond, comme la nécessité de rétablir la confiance entre les élus et les citoyens, sont remis en cause par ces pratiques d’un autre temps.
Les parlementaires élus en 2017 sur le programme porté par Emmanuel Macron doivent être particulièrement sensibles à cette dérive. A la fois parce que leur élection était, pour la plupart, personnellement « circonstancielle » et qu’ils doivent en conserver une certaine humilité, mais aussi, et surtout, parce qu’ils se sont engagés dans un programme de réformes révolutionnaires qui ne pourra aboutir qu’avec une détermination affirmée et une attention exclusive de toute autre préoccupation.
[pullquote]La chose publique est exigeante et son exercice doit devenir vertueux[/pullquote]Mesdames et Messieurs les députés, la chose publique est exigeante et son exercice doit devenir vertueux. Seules des raisons exceptionnelles, accompagnées d’une démission de l’Assemblée Nationale dès l’ouverture de la campagne, sont susceptibles de justifier l’abandon du mandat majeur qui vous a été confié.
Sauf décision du Président de la République, vous avez encore presque 40 mois de législature. C’est sur ceux-là que vous serez jugés. C’est sur ceux-là que vous justifierez la confiance qui vous a été accordée. C’est avec ceux-là, et en conséquence, que vous serez véritablement acteurs de la rénovation d’une société dont le lien montre aujourd’hui une fragilité inquiétante.
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Yves Delafon est président de l’association « Citoyens Acteurs »