C’est l’histoire de deux copains du collège aixois Bourbon (rue Cardinale), au milieu du 19ème siècle. Paul est né en 1839, Émile un an après. Lorsqu’ils se retrouvent, à Paris, Émile travaille sur les docks, à deux reprises il a échoué au bac. Paul habite rue d’enfer et apprend le dessin.
En 1861, Cézanne (Paul) tente de brosser le portrait de son ami Zola (Émile). Mais plus il le retouche, moins il s’en satisfait, et veut détruire cette toile mal aboutie.
Tout le monde pense que l’œuvre a disparu. Entre 1939 et 2010, elle gît pourtant au fond d’un coffre de banque.
Cent cinquante ans après sa disparition, ce visage d’un jeune barbu chétif, le regard tourné vers le sol, un tableau plus petit qu’une feuille de papier ordinaire (20cm sur 25) est acheté 400 000 € par le musée Granet. Cette ébauche émouvante de maladresse et d’inachevé laisse peu entrevoir de ce que deviendront l’auteur et son modèle : deux des plus illustres créateurs de l’époque . Le public peut la découvrir pendant douze semaines, de février à avril.
De Picasso à Cueco
Une trentaine d’autres artistes contribuent à cet enrichissement patrimonial proposé place saint Jean de Malte. Une très belle photo de Picasso en chapeau à Arles, signée du regretté Lucien Clergue (1959); des travaux d’Alechinsky ( 1996 et 2009) ou Cueco (2008) et Favier, avec un étrange montage titré “Sciophiligranes” (2011). Aux murs de l’entresol sont fixées des photos d’Aix et de sa célèbre montagne blanche, cadrées par Bernard Plossu, né en 1945.
Le fonds ancien n’est pas oublié. S’y ajoute un Corot de 1834 (Florence vue de l’Arno), et une vue du cloître de Saint-Sauveur réalisée par l’inspirateur de ce lieu, François Marius Granet (1775-1849).
Père de l’art moderne
Revenu à Aix en 1882, celui que Matisse considérait comme “le père de l’art moderne” devint dans le monde esthétique une sorte de mythe vivant. D’où le pèlerinage d’un Maurice Denis ( des Nabis), peignant en 1906 cette “Visite à Cézanne”, l’année même où devait mourir le maître (photo capture d’écran partielle site musée Granet).
Cinquante ans plus tard, Giacometti crayonnera à son tour la figure du promeneur de sainte-Victoire. Et ce dessin est donné au musée par un amateur d’art américain, James Lord. Un homme qui n’a cessé de s’étonner de la quasi absence de Cézanne dans le principal musée de sa ville natale.
Coup de chapeau au festival
Au premier étage de cette exposition, sont évoqués en images quelques temps forts du festival d’art lyrique. Provenant d’un fonds de 12 000 pièces, voici des maquettes de scène d’André Masson pour Iphigénie en Tauride, un graphe de Jean Cocteau lié à La voix humaine… Des projets de décors et costumes pour Carmen… Autant de traces colorées et tangibles de moments éphémères qui font vibrer la Provence depuis bientôt soixante dix ans.
Informations pratiques :
> 10 ans d’acquisitions, 2006/2016, du 30 janvier au 24 avril.
> Fermé lundi, du mardi au dimanche de 12 à 18h
> Site :
> Entrée 4 ou 5 € gratuit aux moins de 18 ans.