« Cette fois on va gagner! ». Lorsque Antoinette, ancienne soixante-huitarde, prend le micro à la Nuit Debout de Marseille, elle déclenche une salve d’applaudissements enthousiastes et unanimes. Samedi 9 avril, où plutôt 40 mars selon le calendrier du mouvement, Nuit Debout a occupé une nouvelle fois le Cours Julien. 600 personnes, peut-être plus, se sont données rendez-vous ce soir après la manifestation contre la loi travail. Depuis plusieurs soirs, le mouvement tente de s’implanter ici. Ce 40 mars, Nuit Debout était censé s’internationaliser, s’implanter en Espagne, en Belgique et en Allemagne notamment. À Marseille, il est encore embryonnaire, même s’il rassemble du monde. Aucun drapeau de syndicat ou de parti politique bien sûr. Au gré des prises de parole, les fantômes de Mai 68 semblent flotter sur un mouvement encore fragile, en quête d’une identité et d’un souffle fort.
Plus qu’un rejet de la loi travail
« La loi travail, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». « Il faut combattre cette loi, mais plus largement le système ». C’est ce sentiment de ras-le-bol généralisé qui motive les manifestants, la plupart jeunes, à se rassembler. Beaucoup sont venus entre amis, avec packs de bière et bouteilles de vin. Tous en rond, assis pour les plus proches, debout pour les autres, ils se passent le micro et prennent la parole tour à tour.
Autour d’une agora improvisée, les participants recopient les modes d’expressions du mouvement, eux-mêmes inspirés de ceux des Indignés espagnols. Portés par la sono posée sur une voiture rose, les discours s’enchainent. Certains sont plus timides, d’autres ont du mal à respecter la règle des deux minutes maximum, mais tous s’écoutent. Ils dénoncent « le capitalisme », « l’Etat », « le système », « l’école de la République » et « les médias » sans réel fil conducteur. Certains parlent même de « lutte des classes ». On discute aussi d’initiatives solidaires, de démocratie participative mais cela semble encore confus. Plus bas sur la place Paul Cézanne, le film au titre évocateur « Je lutte donc je suis » est projeté sur un drap blanc tendu entre deux arbres devant une quarantaine de personnes.
Besoin de s’organiser
« Petit point logistique » s’exclame l’un des étudiants qui gère les temps de parole. « Il faut créer des commissions, inscrivez-vous sur la liste ». Les commissions « convergence des luttes », « communication » et « logistique » sont les premières à voir le jour. Chacun est libre de proposer celle qu’il veut voir naître. Un autre besoin apparaît rapidement. Pour que le mouvement perdure, il faut l’élargir. Pour l’instant, les revendications éparses sont trop brouillonnes et sans réel débat. Certains appellent à l’intégration des quartiers populaires, « il faut les faire descendre des collines » lance l’un d’entre eux, « les intéresser » approuve son voisin.
D’autres mentionnent le besoin de mener des actions. La crainte d’essoufflement est palpable. Pour expliquer ces difficultés à mobiliser, une manifestante explique que « depuis mai 68, les services publics et les grandes entreprises ont été cassées avec le recours systématique à la sous-traitance. Avec ça, ce sont les syndicats qu’on a détruit ». On évoque un nouveau rassemblement sur le Cours Julien samedi prochain. En attendant, Nuit Debout est revenue dès le dimanche 41 mars au métro des Réformés.