Jeudi 27 septembre se tenait au Palais du Pharo à Marseille le Congrès des Régions de France. La table ronde « Pacte ferroviaire, nouvelles mobilités : la révolution des transports » a été l’occasion d’aborder l’ouverture à la concurrence des TER. Sud-Paca se positionne en pointe avec son appel à manifestation d’intérêt lancé en décembre dernier et les auditions qu’elle a menées les 4 et 5 octobre avec les huit opérateurs qui se sont manifestés. Philippe Tabarot, le vice-président du Conseil Régional, en charge des Transports, fait le point.
Dans le domaine du transport ferroviaire, quel message retenez-vous du Premier ministre lors de son discours au Congrès des Régions ?
Philippe Tabarot. Edouard Philippe a annoncé que les textes d’application les plus urgents seront pris avant la fin de l’année pour préparer l’ouverture à la concurrence. C’est un message fort envoyé par le gouvernement : concernant le quatrième paquet ferroviaire, l’Etat est disposé à passer la seconde. Nous étions l’un des seuls pays d’Europe où des entreprises nationales captaient des marchés de transport ferroviaire à l’étranger mais n’acceptaient pas la réciproque sur leur territoire. Donc c’est un premier pas, mais la réussite de cette ouverture à la concurrence sera déterminée par le contenu de ces décrets d’application et par les discussions, dans le cadre des accords de branche, entre l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) et les syndicats. Il ne s’agit pas à présent de se retrouver bloqué dans la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence, par des contraintes en termes d’exploitation ou par un trop grand nombre de personnels transférés, qui limiteraient le champ d’action d’un nouvel opérateur.
Pourquoi la Région est-elle si volontariste ?
P.T. Nous sommes des pragmatiques, pas des idéologues. Nous avons les plus mauvais chiffres au niveau des TER. La Région Sud détient le record de France du plus mauvais transport ferroviaire régional : en 2016, 1 TER sur 4 était annulé ou supprimé. Notre réseau a besoin d’être modernisé, d’où le projet Ligne Nouvelle, qui prévoit le doublement de la ligne littorale existante. Mais nous avons aussi besoin d’opérateurs plus efficaces que la SNCF, ou d’une SNCF réformée et compétitive. C’est tout l’objet du bras de fer entre l’opérateur historique et la collectivité. Nous avons cessé de payer aveuglément les devis que nous fournissaient la SNCF, qui facturaient les trains qui ne circulent pas ! Nous payons à présent uniquement le service rendu. L’obligation de service public inscrite dans le droit européen permet en effet à la collectivité de prescrire unilatéralement des obligations de service public à son opérateur. Chaque année, l’investissement de la Région pour les TER est de 285 millions d’€, quand la SNCF en réclamait en 2017 35 millions de plus.
Qu’espérez-vous de l’appel à manifestation d’intérêt (A.M.I) que vous avez lancé en décembre dernier ?
P.T. Il nous permet de mieux connaître les opérateurs qui s’intéressent à notre réseau et d’appréhender les solutions novatrices en termes de sécurité, de distribution, de qualité de service et d’accueil. L’objectif étant de mettre au point un cahier des charges le plus précis possible, en vue du futur appel d’offres de 2019 : sur quelles lignes l’ouverture est-elle possible, et dans quelles conditions ? Nous souhaitons ouvrir à la concurrence dans les meilleurs délais et dispositions possibles.
Quelles sont les prochaines étapes ?
P.T. Nous avons sélectionné huit opérateurs. Parmi eux, six exploitants ferroviaires : RDT13, la Régie départementale des Bouches-du-Rhône, qui opère déjà sur des lignes de fret ; Arriva, la filiale française de la Deutsche Bahn ; RATP Dev ; Thello, filiale de la Trenitalia et de Transdev, qui propose déjà aux abonnés TER en Paca ses dessertes entre Nice et Vintimille ; Regiorail et Transdev. Mais également le constructeur ferroviaire et aéronautique canadien Bombardier et Alpha Trains, une société de leasing de matériel roulant. La SNCF n’a pas présenté de dossier, ce qui montre que l’entreprise ne se met pas en position de concurrence à ce stade, même si cela ne présage en rien de sa participation au futur appel d’offres. Nous avons auditionnés les opérateurs les 4 et 5 octobre. Les entreprises nous ont présenté leurs propositions et nous les avons interrogées sur le périmètre envisagé, le matériel, les aspects de maintenance –envisagent-ils ou non d’établir des conventions avec les ateliers de la SNCF ?- et les délais de mise en œuvre. La rapidité est l’une de nos priorités.
En termes de tarifs, cette mise en concurrence va-t-elle changer quelque chose pour l’usager ?
P.T. Concurrence ne rime pas forcément avec augmentation tarifaire ou dégradation du service. Le transport ferroviaire est conventionné : c’est la Région qui détermine le nombre de dessertes et les tarifs. Certaines collectivités profitent de cette ouverture pour se désengager, ce n’est pas notre volonté puisque l’investissement régional pour les TER restera le même. Les économies réalisées seront réinvesties dans la modernisation des réseaux. L’opérateur historique sera obligé de suivre le pas de l’innovation, avec plus de transports, à un coût identique. La gamme tarifaire appliquée sur les lignes des nouveaux opérateurs sera d’ailleurs la même que celle appliquée sur les lignes restantes à l’opérateur historique.
Quelles lignes sont concernées ?
P.T. Pour le moment, la Région a fixé trois lots, représentatifs des spécificités du territoire : la deuxième ligne la plus fréquentée après l’Ile-de-France (Nice-Vintimille), la « ligne des Alpes » (Briançon-Marseille) et la ligne transfrontalière (Nice-Breil-Tende). Mais la collectivité reste ouverte aux propositions des transporteurs. La prochaine étape est donc à présent la constitution de l’appel d’offres, qui interviendra dès que les décrets le permettront, probablement fin 2018 ou début 2019. Ensuite, deux ans de procédures sont nécessaires avant l’ouverture effective à la concurrence.
Qu’en est-il de l’articulation avec la route ?
P.T. Le train doit redevenir un moyen de transport connecté aux autres en matière d’intercommunalité. Jamais les demandes en transport en commun n’ont été aussi nombreuses. Nous devons être en capacité d’ y répondre. La Région porte bien évidemment ses réflexions sur la rationalisation de l’offre globale de transport. Le meilleur moyen de transport, c’est celui qui est le plus fiable. Les modes doivent être adaptés en fonction des infrastructures et de la disposition des départements. Mettre en place quatre trains plutôt que 75 cars reste pertinent. Maintenir des trains thermiques vides dans certains secteurs, non. Surtout au vu du taux moyen d’occupation d’un TER au niveau national : 30%.