Les éditions marseillaises Gaussen viennent de publier le récit de Pierre Fiastre sur la genèse d’Euroméditerranée. Le livre débute en 1989 avec l’élection de Robert Vigouroux grâce à un score inégalé.
Dans son équipe nombreuse et bigarrée, il embarque un polytechnicien et architecte, patron d’un cabinet de conseil en expansion et président du Centre des jeunes dirigeants Pierre Fiastre. Le livre se clôt avec la nomination de Jean-Michel Guénod à la tête d’Euroméditerranée.
Pierre Fiastre raconte comment, conseiller municipal, conseiller du maire, directeur adjoint d’Euroméditerranée, il a impulsé une conception neuve et audacieuse pour le renouveau de Marseille. Il a été au cœur du pouvoir et il ne retient pas sa plume, il remet à leur place tous ceux qui depuis 25 ans revendiquent, sans ADN, la paternité d’Euroméditerranée, révèle le processus qui a changé ce quartier et montre la ténacité et l’ingéniosité qu’il a fallu à ses pionniers pour le mettre sur les rails.
Ce livre est à lire par tous ceux qui prétendent parler, écrire, décider du sort de cet arrière-port. Il est écrit à la première personne et revendiqué comme tel. Il est donc comme Pierre Fiastre, plein d’humour, visionnaire, féroce, révélant les noms de ceux qui ont voulu saboter le projet, comme de ceux qui l’ont fait avancer. Ceux qui ne sont pas cités peuvent respirer. « À titre personnel, écrit-il, l’expérience fut riche et intense j’ai appris beaucoup sur la nature humaine, j’ai abandonné nombre d’illusions et quelques certitudes mais renforcé mes convictions. J’ai perdu des amitiés ou prétendues telles et j’en ai gagné d’autres (…) je me suis énormément amusé. »
Un bilan mitigé : un quartier à deux vitesses
Pierre Fiastre dresse un bilan mitigé d’Euroméditerranée qui « bien sûr, dit il, fait que depuis 25 ans l’enchevêtrement de voies ferrées et d’entrepôts, des ruines, a laissé la place à des immeubles élégants et à des avenues plantées d’arbres » mais il déplore un quartier à deux vitesses où « l’apparence du luxe peine à cacher la réalité et la misère.» Il dénonce la réalisation des Terrasses du port qui ont aspiré le commerce du centre-ville, mais reconnaît aussi que l’objectif de 30 000 emplois nouveaux a été atteint et qu’il sera certainement dépassé.
Euroméditerranée : un « centre de décision d’échanges et de services de dimension internationale »
Pierre Fiastre
Rappelons qu’au départ Pierre Fiastre positionne Euroméditerranée non comme un simple projet urbain d’un quartier d’affaires, mais comme celui d’un « centre de décision d’échanges et de services de dimension internationale » qui profiterait des nouveaux échanges « qui se transforment en multiplication de flux immatériels.»
« Il fallait, disait-il dès 1992, des lieux au sein desquels se décideraient se piloterait et se réaliseraient les échanges et qui constitueraient des plateformes de développement. De tels lieux seraient situés près des ports, la voie maritime étant le mode prépondérant du transport mondial de marchandises ; ils seraient au sein des villes pour bénéficier d’une dynamique métropolitaine. »
Tel était le projet que Pierre Fiastre a toujours défendu et que les journalistes ont découvert lors d’une conférence de presse convoquée à l’hôtel de ville le 22 juin 1992. Robert Vigouroux y distribue la parole à tous les institutionnels de la place qui ne savaient trop que dire de ce qui leur était proposé et Pierre Fiastre a pu exposer le projet qui devait changer l’arrière-port phocéen. De mémoire de journaliste, ce temps est resté gravé, même si ce rendez-vous médiatique, très ennuyeux, manquait singulièrement d’enthousiasme. Et pourtant, c’est l’acte de naissance d’Euroméditerranée.
Un scénario de saga télévisée
Les aléas de la vie politique ont plus que bousculé la naissance et le développement du projet. L’arrivée des équipes Gaudin ouvre une période de guérilla dont les épisodes ont tout d’un scénario de saga télévisée. Jean-Claude Gaudin ne veut ni du projet, ni des hommes qui l’ont porté comme Jean-Pierre Weiss, Pierre Fiastre ou Daniel Carrière. Le directeur adjoint de la mission de préfiguration découvre alors la nature étrange de Jean-Claude Gaudin, Il a dirigé Marseille pendant 25 ans, avec un bilan que personne ne veut endosser mais il reste toujours préservé, candidat aux selfies et narrateur infatigable de sa propre histoire.
Pierre Fiastre dans son chapitre intitulé « La curée » dresse un portrait du retraité de Saint-Zacharie qui est un morceau d’anthologie. Il décrit le maire de Marseille comme une réalité trinitaire : « il était trois personnes dit-il réunies dans une étrange consubstantialité ». Jean-Claude Gaudin sur le devant de la scène, patelin, rond et drôle ; mais dans l’ombre deux autres personnages opèrent avec et pour lui : Claude Bertrand et Henri Loisel. Certains ne voyaient que des conseillers, Pierre Fiastre dénonce l’erreur : « ils étaient Jean-Claude Gaudin aussi légitimement que celui de l’état-civil officiel. Il n’aurait rien été sans eux, ni eux sans lui. Jean-Claude Gaudin n’existait que par cette mystérieuse Trinité dont la pensée était unique et les rôles distincts.» A lire donc.
Lien utile :
L’actualité d’Euroméditerranée dans les archives de Gomet’
L’invention d’Euroméditerranée, 18€, 164 pages aux éditions Gaussen.