Après une signature à l’échelon national, les délégués régionaux des deux instances Apec et Pôle emploi ont conclu le premier partenariat en province, avec l’objectif de lutter contre les difficultés structurelles d’une catégorie sociale à part sur le marché du travail : les cadres.
La 4e région de France ayant le plus de cadres connaît, depuis quelques mois, une dynamique. Bruno Jonchier, le délégué régional de l’Apec, reconnait que le niveau de création nette d’emploi, dans cette catégorie socioprofessionnelle se rapprochait des meilleurs niveaux atteints par le passé, soit entre 11 900 à 13 000 embauches par les entreprises locales.
Cette augmentation des volumes pourrait atteindre près de 9%. Toutefois, la Provence-Alpes-Côte d’Azur enregistre une statistique moins glorieuse, avec un taux de chômage dans cette catégorie équivalente à 5 % des effectifs contre 3,5% sur l’ensemble du territoire. Et afin de répondre aux attentes d’une catégorie sociale de plus en plus présente dans la région, l’Apec et Pôle emploi ont décidé d’unir leurs forces.
Pour cela, les deux institutions ont fait parvenir, à Marseille, la convention signée au niveau national, le 26 avril dernier pour une ratification régionale. Cette coopération doit permettre de rendre complémentaires les offres de services et renforcer les liens entre les agences de Pôle emploi et celles de l’Apec.
Interview de Thierry Lemerle, directeur régional de Pôle Emploi PACA, et de Bruno Jonchier, délégué régional de l’Apec
Les signataires de l’accord Pôle Emploi APEC
Pouvez-vous nous expliquer concrètement ce que représente ce partenariat ? Thierry Lemerle : Tout d’abord, il concrétise de nombreuses années de collaboration entre l’Apec et Pôle emploi, mais il doit apporter un souffle nouveau en harmonisant mieux notre réseau et notre offre de services. Fort des 60 agences dont nous disposons et des cinq de l’association des cadres, nous allons pouvoir mieux quadriller le territoire. L’Association pour l’emploi des cadres a une excellente expertise et a su développer une multitude d’outils pour ce public. Sur les 20 000 cadres sans emploi, il y en a que l’on va orienter vers l’Apec pour compléter notre offre de service. Cette convention va permettre de mieux les sélectionner, les orienter, de plus chacune des équipes de nos deux entités vont se rendre des visites mutuelles, afin d’apprendre le métier de l’autre. Si on se connaît mieux, il sera plus facile pour nous tous d’être efficace. Il faut savoir que certains chômeurs ont besoin de beaucoup d’aides, et d’autres non. Nous avons maintenant deux réseaux qui déploient toutes leurs énergies au bénéfice des cadres dans le besoin.
Bruno Jonchier: Ce partenariat est là pour harmoniser le réseau et travailler de façon plus complémentaire. Nous voulons nous occuper du mieux possible les cadres et les jeunes diplômés, mais aussi les entreprises qui en ont le plus besoin, à savoir les TPE-PME. L’un de nos objectifs est de permettre aux jeunes des quartiers difficiles de trouver plus facilement un emploi. Pour cela, nous pouvons compter sur nos capacités à mettre en relation ces publics et les entreprises. Nous cherchons aussi à améliorer le retour à l’emploi des cadres au chômage depuis plus d’un an, en rendant plus visible le marché du travail.
Avez-vous des ambitions chiffrées, concernant cette collaboration ?
B.J. : Aujourd’hui, au regard que l’on peut avoir sur le retour à l’emploi des cadres au chômage, l’objectif est d’être autour des 75% pour les demandeurs d’emploi de longue durée, contre 71% à ce jour. Concernant les jeunes diplômés notamment dans les quartiers prioritaires, au travers de l’accompagnement par nos réseaux respectifs, mais aussi par notre capacité à mobiliser les acteurs économiques du territoire tel que le Medef, nous avons la volonté de leur offrir la possibilité de trouver un emploi à hauteur de leurs cursus et de leurs compétences. Notre ambition actuelle est d’être aux environs des 80% d’insertion chez ces jeunes diplômés. Ces ambitions se traduisent par la signature de ce partenariat, mais aussi la capacité de nos équipes à travailler ensemble, et leur capacité à mettre en œuvre des actions innovantes.
Quelles sont ces actions à mettre en place ? B.J. : Nous devons inventer de nouvelles mises en relation et imaginer des temps forts avec les TPE-PME. Ces dernières ont besoin de recruter mais par peur de l’investissement, elles n’osent pas. Nous devons les conseiller en amont, sur leurs besoins. L’idée étant d’améliorer l’efficacité de ce qu’on appelle aujourd’hui les forums et qui deviendront demain des moyens d’intermédiation permettant facilement de recruter les demandeurs d’emploi.
L’Apec semble aider davantage Pôle emploi que l’inverse, qu’en est-il vraiment ? B.J. : On est vraiment sur une logique de complémentarité. Il n’y a pas l’un faisant plus que l’autre. On part de l’expérience « usager », au lieu de parler de services, on va utiliser le terme «parcours relationnel ». L’idée étant de se dire, par rapport à la problématique rencontrée : on va lui apporter des réponses multiformes, et donc construire un contrat de confiance avec cette personne, avec à la fois des services de l’Apec ou de Pôle Emploi, et pourquoi pas d’autres services de partenaires communs, afin d’apporter une valeur ajoutée à ce cadre.
T.L. : L’intérêt réside dans la coordination de nos actions. Par exemple, si un demandeur d’emploi va dans une des agences de l’Apec, nous allons le savoir, et nous éviterons de faire trois fois les mêmes démarches. Nous professionnalisons cette relation pour éviter les doublons et offrir une bonne orientation. On a d’ailleurs prévu de faire des bilans, d’ajuster le partenariat, s’il y a des besoins. Puis il faut le préciser, nous ne fonctionnons pas tous seuls mais avec d’autres partenaires comme le Medef, car sans entreprises derrières nous, tout est plus compliqué.
B.J. : On a cette capacité, par notre ancrage dans le tissu économique, notre lien avec les entreprises, de faire évoluer les schémas de pensée de certains chefs d’entreprise. Pour leur faire prendre conscience, que notre territoire regorge de talents, parfois méconnus, parfois invisible, et dans le même temps il y a des TPE-PME ayant des problèmes d’attractivité. Notre objectif est de faire se rencontrer ces personnes dans un contexte, où les représentations sont fissurées, que les jeunes des quartiers en difficulté soient perçus comme les autres personnes du même âge. Il faut savoir que parfois ces publics ont justement plus de talents car ils ont dû se battre bien plus. Notre rôle est donc de sensibiliser, et faire évoluer les préjugés pour que les entreprises recrutent des compétences que nous avons sur le territoire.
Comment expliquez-vous le taux de chômage plus élevé des cadres dans la région? Est-ce dû en partie par l’attractivité du cadre de vie ? B.J. : Il y a un phénomène propre au sud de la France. On a beaucoup de cadres proches de la retraite, profitant d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement pour venir s’installer dans la région, afin de vouloir finir leur vie ici. Ce flux crée un chômage exogène dans notre territoire, c’est aussi une réalité à prendre en compte. Il n’y a pas seulement un nombre, de demandeurs d’emploi, produit par la Paca, mais qui vient d’ailleurs. C’est un élément non-négligeable pour analyser les chiffres régionaux.