La Porte dʼAix, le défi de la jeunesse lancé par Euroméditerranée

Hier encore, lʼautoroute débouchait sur lʼarc de triomphe marseillais et les détritus sʼamoncelaient de part et dʼautre au milieu dʼun gazon éparse. La porte dʼAix, désormais débarrassée de son échangeur, repoussé 300 mètres plus loin, peut enfin être rendue aux habitants et sʼimaginer un nouvel avenir. Lʼétablissement public Euroméditerranée, en charge de lʼaménagement de la Zac (zone dʼaménagement concertée) Saint-Charles, rêve de faire de ce quartier le nouveau cœur de la vie étudiante marseillaise. Non loin de la place Jules-Guesde, la faculté de Saint-Charles accueille plus de 3 000 étudiants, la faculté dʼéconomie et de gestion à Colbert compte également un bon millier dʼétudiants et lʼécole de management EMD prévoit encore de sʼagrandir dʼici 2021. À terme, Euroméditerranée estime que 5 000 étudiants graviteront autour de ce nouveau pôle. « Tout est réuni pour en faire le centre névralgique de la jeunesse. Lʼattractivité de Marseille se renforce auprès des nouvelles générations qui aiment les villes de caractère. Aujourdʼhui, on voit affluer de jeunes touristes qui viennent en train ou en car et débarquent directement sur la porte dʼAix », affirme Hugues Parant, le directeur général dʼEuroméditerranée. Pour attirer ce public, il mise sur la création de nouveaux espaces verts, dʼoffres dʼhébergements adaptés et de lieux expérimentaux en lien avec les envies de renouveau social de cette jeunesse.

IMVT et LabZéro : deux centres de lʼinnovation portés par les jeunes

En plus des écoles et universités déjà présentes sur le site et alentour, Euroméditerranée compte sur lʼimplantation prochaine de lʼinstitut méditerranéen de la ville et des territoires qui regroupera les écoles nationales supérieures d’architecture de Marseille, de paysage Versailles-Marseille et l’institut d’urbanisme et d’aménagement régional d’Aix-Marseille Université. Le ministère de la Culture vient de désigner lʼagence dʼarchitectes NP2F pour la réalisation de cette école. Lʼinstitut sʼétendra sur un total de 13 500 mètres carrés pour un coût estimé à 50 millions dʼeuros et accueillera environ 1 500 étudiants à terme. Le chantier devrait démarrer lʼan prochain pour une ouverture prévue pour la rentrée 2022. Mais dès cet été, lʼécole dʼarchitecture de Marseille prévoit de réaliser sur le site une préfiguration sous la forme dʼun bâtiment éphémère qui servira de base à des événements, des expositions et des expérimentations des trois écoles.
La vie étudiante nʼest pas le seul moyen envisagé pour attirer la nouvelle génération. Quartier populaire par excellence, la Porte dʼAix va être au cœur du projet de LabZéro, le laboratoire dʼinnovation publique de la préfecture. Dans des locaux situés au 16 rue Bernard du Bois, le groupe SOS, la coopérative Plateau urbain et Yes We Camp comptent installer un lieu éphémère autour de lʼhébergement dʼurgence, de la location de bureaux et dʼespaces de loisirs. « Ce projet éphémère permettra dʼutiliser et de mettre en avant la singularité du quartier », affirme Euroméditerranée dans son dossier de présentation. Interrogés en novembre dernier, les responsables du projet chez Yes We Camp compte effectivement sʼappuyer sur les habitants et la vie citoyenne existante pour orienter les activités à développer sur le site. « Pas question de dénaturer le quartier », prévient Hugues Parant. Le directeur dʼEuromed veut sʼappuyer sur lʼexistant pour dessiner le nouveau visage de la Porte dʼAix. « Il est par exemple hors de question de toucher au marché du soleil. Il est pleinement intégré à notre programme comme lʼest le marché aux puces pour les Fabriques », explique-t-il. Sur la vente à la sauvette organisée sur les trottoirs, la présidente, Laure-Agnès Caradec, est moins tempérée : « Ce nʼest plus possible. On doit maintenir lʼactivité existante mais elle doit être réglementée », insiste-t-elle.

Un parc pour faire respirer le quartier

Euromediterranée espère donc préserver lʼâme du quartier tout en l’embellissant, en rendant son espace public plus agréable et la clé de voûte de son projet en est la réalisation dʼun grand parc de plus dʼun hectare. Porté par le paysagiste alsacien Alfred Peter, ce nouvel espace doit rajouter un peu de verdure sur lʼancien rond-point autoroutier. Au cours de ses études, lʼétablissement est parvenu à dégager près de 8 000 m2 dʼespaces verts de pleine terre pour planter 300 nouveaux arbres de haute tige. Les anciens arbustes (50 environ) ont été préservés sur le talus Ouest en contrebas des immeubles Turenne. Si la grande majorité du parc sera végétalisée, des chemins de circulation et des enrochements sont prévus ainsi quʼun terrain multisports en stabilisé. Les travaux ont déjà démarré et une première tranche sera livrée à la fin de cet été. « Jʼespère même organiser une inauguration avec des concerts et des expos dès la rentrée », annonce Nicolas Mattei, le directeur de la Zac Saint-Charles. En bordure de cet espace naturel, il a imaginé un bâtiment symbolique de la volonté de mixer les activités et les usages : l’îlot sur le Parc. Les études sont encore en cours pour connaître la destination finale de lʼimmeuble qui longe lʼavenue Camille Pelletan mais Euromed a déjà sa petite idée : « Un tiers lieu ouvert sur le parc avec une crèche, des espaces partagés pour les étudiants et les créatifs et de lʼhébergement de type auberge de jeunesse », avance Nicolas Mattei.

Lʼhôtellerie et le logement social sont le troisième volet phare de la transformation de la porte dʼAix. « Les opérateurs multiplient dans les grandes villes du monde les opération de type auberge de jeunesse et il yʼa un véritable engouement pour Marseille », promet Hugues Parant. En janvier, lʼagence dʼarchitecture Atelier Fernandez et Serres présentait sa future résidence sociale pour étudiants de 83 logements. Baptisée Sens, elle verra le jour en 2019 à côté du Toyoko Inn sur lʼavenue Général Leclerc. Lʼhôtel japonais qui va ouvrir ses portes le mois prochain semble miser lui aussi sur le développement de ce quartier car il a dʼores et déjà programmé une extension qui proposera au rez-de-chaussée des boutiques, des restaurants et une offre culturelle. « Toyoko est une marque leader au Japon qui doit faire rayonner lʼimage de Marseille dans ce pays mais également séduire un jeune public occidental friand de cette culture », estime Hugues Parant. En 2020, la Logirem livrera également le programme Faubourg des Fiacres qui proposera 100 logements sociaux et 22 appartements en accession. Devant ce nouvel ensemble de logements, Euromed souhaite voir des cafés et des restaurants sʼinstaller et va, pour ce faire, déplacer la sortie de métro Jules Guesde de quelques mètres : « Une opération coûteuse qui a été difficile à vendre à la Métropole mais cʼest indispensable pour rendre vie à la place », explique Nicolas Mattei.

Le pari de la jeunesse pour faire bouger Marseille

Lʼinstallation de nouveaux commerces est le pari le plus compliqué pour accompagner cette opération de rénovation urbaine. Ni Euromed ni la Ville ne peuvent intervenir sur le choix des services et des boutiques à installer mais lʼétablissement public semble faire confiance à la nouvelle génération de commerçants installés : « Il y a quelques années, on avait du mal à discuter avec les propriétaires de magasins. Ils semblaient réfractaire à toute nouveauté mais il y a une nouvelle génération qui est en train de prendre la succession et ils sont très partants pour tenter de nouvelles expériences », constate Nicolas Mattei. Euromed mise gros sur ce chantier qui va lui coûter environ 12 millions dʼeuros mais doit générer beaucoup plus dʼinvestissements. Laure-Agnès Caradec sait que sa réussite est étroitement liée aux autres programmes en cours à Marseille : « Ce nʼest pas une seule opération qui va changer le visage de la ville et du quartier. Il faut un effet masse, mettre la porte dʼAix en lien avec le centre-ville qui connaît lui aussi une vague dʼinvestissements sans précédent avec lʼarrivée du cinéma Artplexe, lʼîlot des Feuillants, le nouveau Noailles et la rue de la République qui commence à bouger », prévient la présidente dʼEuromediterranée.