Sa mère avait été centenaire. Edmonde Charles-Roux est partie à 95 ans. Il y aura sans doute des pages empressées de regrets pour saluer celle qui fut prix Goncourt en 1966 (avec « Oublier Palerme ») avant de présider cette belle académie.
[pullquote]La femme dans toute sa belle complexité[/pullquote] Tous les hommages ne seront pas forcément sincères, tant cette maîtresse femme a été insoumise et imprévisible. Clivante même. Après une résistance avérée, où elle servit la France libre comme infirmière, elle fit prospérer cette indépendance d’esprit comme journaliste et, à Vogue qu’elle dirigea, osa ce que d’autres ne font pas encore aujourd’hui : dire la femme dans toute sa belle complexité et peut-être affirmer comme Aragon qu’elle est, au moins, l’avenir de l’homme.
[pullquote]Jean-Luc Largardère mieux que Robert Maxwell[/pullquote] Compagne de Gaston Defferre, maire de Marseille, elle amena ce taiseux à donner à la culture la place qui lui revenait au cœur d’une des plus vieilles villes de France. Elle lui fit découvrir aussi, lors d’une soirée à l’ambassade de Russie, un certain Bernard Tapie, lui suggérant de lui confier la renaissance de l’OM. A la mort prématurée de son compagnon, elle fut impitoyable pour ses adversaires politiques, fussent-ils de sa même famille politique, comme Michel Pezet qu’elle contribua à faire qualifier de « parricide ». Elle vendit le groupe Le Provençal à un homme de droite, Jean-Luc Lagardère effrayée par les manières de parvenus du concurrent d’alors (1987), a priori de gauche, un certain Robert Maxwell.
Les conférences de rédaction auxquelles elle participait au Provençal le lundi en fin de matinée, étaient un vrai bonheur pour l’observateur que j’étais encore, en tant que nouvelle recrue du titre. J’ai souvenir des yeux écarquillés de quelques confrères, lorsqu’exhibant un post-it, elle interpellait le directeur de la rédaction avec une précision quasi chirurgicale : « Vous êtes au courant, l’évêque de Canterbury va très mal, mon frère me l’a confirmé de Londres… »
[pullquote]Sa culture était pour quelques-uns une bouffée d’oxygène quasi surréaliste.[/pullquote] Sa culture était pour quelques-uns une bouffée d’oxygène quasi surréaliste à déguster sans modération. Elle avait aussi ses thuriféraires qui couraient après sa sainte parole pour tenter de décrypter un avenir incertain pour le titre. Puis vint la fusion du Provençal et du Méridional et les ronds de fesse de ceux qui dirigeaient désormais la ville pour capter une part d’attention de la présidente du prix Goncourt qui partageait sa vie entre son refuge du pied de Sainte Victoire et le sixième arrondissement de Paris. Je l’ai croisée encore au salon intello-champêtre du livre de Fuveau et j’ai souvenir de ses questions toujours acérées et des réponses couperet qu’elle nous faisait. Que dire encore qui ne serait superfétatoire. Au revoir Madame.
Lien utile :
Le décès d’Edmonde Charles-Roux.