Cheveux blonds mi longs et flottant, parfois coiffée à la diable, Françoise Nyssen dirige depuis trente ans les éditions arlésiennes Actes sud. Une maison fondée par son père Hubert, dont elle est l’unique fille. Née à Bruxelles en 1951, elle avale les livres durant toute son enfance, puis se lancera dans la recherche en biologie moléculaire.
Passionnée par les cartes -le C du mot Actes le symbolise- elle travaille quelque temps comme urbaniste au ministère belge de l’Environnement. À cette époque, elle a déjà deux enfants. Avec Jean-Paul Capitani, ingénieur agronome du sud, elle en aura deux autres. Dont “un différent”, qui conduira ses parents à inventer une école d’un genre nouveau, “le domaine du possible”. Sont valorisées ici, au coeur de la Crau, des méthodes alternatives d’apprentissage, fondées sur la coopération et la curiosité enfantines. Une centaine d’élèves y sont accueillis.
Nobel et Goncourt
Elle fut souvent un soutien politique du socialiste Michel Vauzelle mais elle n’est pas connue pour s’être engagée dans un parti. Cette dirigeante aux lunettes tout en rondeur, vécut un glorieux moment en 2015 quand l’éditrice voit un des auteurs qu’elle publie recevoir le Goncourt (avec Boussole de Mathias Enard) et le prix Nobel de littérature, décerné à la mémorialiste biélorusse Svetlana Alexievitch. C’est aussi Actes sud qui permit au lecteur français de découvrir Millenium et Paul Auster, ou encore Imre Kertesz et Nina Berberova. Le catalogue ne compte pas moins de cinq mille titres.
La nouvelle ministre définit son activité comme « un lieu d’engagement, un outil de transmission et de créativité.» Aux origines, en 1978, la famille Nyssen s’installait dans la vallée des Baux-de-Provence. Le transfert vers la rive gauche du Rhône s’opère en 1983. Aujourd’hui, la société emploie deux cents salariés, réalisant (en 2011) un chiffre d’affaires de 65 millions, et un résultat de 4,7 millions d’euros.
Pour conduire la politique culturelle du premier gouvernement Macron-Philippe, la présidente-éditrice devra probablement renoncer à ses actuelles responsabilités de publication. Mais elle ne saurait oublier ni les livres, ni les rivages rhodaniens.