Installée depuis 20 ans à Château-Gombert, Provepharm passe un nouveau cap avec l’inauguration d’une unité de production pour développer de nouveaux médicaments. Après le succès de son traitement à base bleu de méthylène, l’entreprise s’apprête à lancer des essais cliniques sur de nouvelles molécules oubliées.
Chez Provepharm, pas question de dépenser des centaines de millions d’euros pour développer des médicaments miracles. Son président et fondateur, Michel Féraud, a choisi une « troisième voie » : réhabiliter des produits connus depuis des dizaines d’années, des « remèdes de grand-mère », et délaissés par l’industrie pharmaceutique. La société a gagné son premier pari avec le bleu de méthylène aujourd’hui utilisé dans le monde entier pour soigner les empoisonnements du sang. Prochaine étape, réitérer l’exploit avec d’autres molécules oubliées.
Provepharm commencera les tests de production de nouvelles molécules en fin d’année
Créée en 1998, Provepharm atteint aujourd’hui une nouvelle étape de son existence. Pour grandir, elle doit étoffer son catalogue produits et pour ce faire, la société doit récupérer la maîtrise du développement et de la production de ses principes actifs. Michel Féraud a investi 9 millions d’euros dans une nouvelle usine sur son site de Château-Gombert, un outil stratégique pour sa croissance : « Jusqu’ici, nous ne pouvions développer de nouveaux produits qu’à l’échelle du laboratoire, en très petite quantité. Avec cette nouvelle unité, nous effectuons un double saut. Quantitatif tout d’abord car nous multiplions notre capacité de production par cent, en passant de 6 à 600 litres. Qualitatif ensuite car nous sommes désormais capables de fabriquer de nouveaux principes actifs et de mener les essais cliniques pour amener les médicaments sur le marché », explique Michel Féraud.
Toujours en phase de test, l’usine occupe 500 mètres carrés dans le Cube 2, le bâtiment jumeau du Cube 1, siège historique de l’entreprise. Pour faire tourner l’équipement, deux techniciens et un ingénieur process ont rejoint la société et trois autres personnes seront recrutés d’ici la fin de l’année. D’ici la fin de l’année, Provepharm lancera la production des premiers litres de produits avec en ligne de mire de nouvelles molécules prometteuses. Le patron reste préfère cependant garder le secret sur l’identité de la nouvelle pépite de Provepharm : « On ne peut pas encore communiquer dessus mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’on a trouvé des pistes prometteuses. Dès cette semaine, nous déposons un dossier « Investigation on new Drug » aux Etats-Unis pour commencer officiellement les travaux. J’espère vous revoir dans un an et demi pour lancer un nouveau médicament », annonce Michel Féraud.
Croissance externe : deux cibles en France et aux Etats-Unis
Toujours dans une optique d’étoffer son catalogue de produits, Provepharm envisage également de racheter d’autres entreprises. En mai dernier, le groupe a réalisé une levée de fonds de 42,5 millions d’euros auprès de Société Générale, BNP Paribas, Banque Populaire Méditerranée et Crédit Agricole Alpes Provence. Cette manne financière lui permet de financer sa croissance organique et d’envisager de nouvelles acquisitions. En octobre dernier, Provepharm a démarré son offensive avec l’acquisition d’une première société, le laboratoire Lexpharm, basé à la Seyne-sur-Mer. Cet établissement discret dispose de six autorisations de mise sur le marché (AMM) parmi lesquelles les seules vitamines injectables sous AMM du marché, ainsi qu’un antidépresseur et un anti-cholestérol. Michel Féraud ne cache pas ses nouvelles ambitions : « Nous avons créé un département business développement dédié à la recherche d’opportunités de croissances externes », précise-t-il. « Nous avons aujourd’hui identifier deux cibles : une société en France et l’autre Etats-Unis. Je vais présenter les deux options à mon conseil de développement avec qui on choisira la plus intéressante », continue le patron.
Si Provepharm cherche à diversifier son portefeuille, il n’abandonne pas pour autant le bleu de méthylène. Après l’empoisonnement du sang, il pourrait servir à traiter d’autres maladies comme par exemple le paludisme. Au début du mois, un comité d’expert réunissant des médecins spécialistes des forces armées du monde entier et Provepharm s’est réuni pour étudier les meilleures pistes thérapeutiques pour le bleu de méthylène, seul ou en combinaison avec d’autres médicaments. La maladie fait encore 500 000 morts par dans les zones tropicales et le défi nécessite d’importantes sommes d’argent pour réaliser les études cliniques pour aboutir à un traitement efficace. « Pour ce sujet, il ne s’agit pas de faire du business. Nous souhaitons développer une solution disponible pour un euros par jour dans les pays en voie de développement les plus touchés », explique Michel Féraud. Le patron doit maintenant trouver des partenaires pour financer le projet. Dans le courant du mois d’octobre, il se rendra aux Etats-Unis pour notamment rencontrer les responsables de la fondation Bill Gates et les convaincre d’apporter leur soutien sonnant et trébuchant. Evidemment, Provepharm travaille sur d’autres indications pour son bleu de méthylène qui lui permettront de booster son chiffre d’affaires mais encore une fois, « on préfère ne rien dire pour le moment », élude Michel Féraud.
L’Amérique latine, un marché à conquérir
En 2018, Provepharm a réalisé un chiffre d’affaires de 38 millions d’euros dont les deux-tiers aux Etats-Unis, son principal marché : « Les prix y sont plus libres qu’en Europe, on y réalise donc des chiffres plus importants », précise Pierre-Yves Leroy, le directeur industriel de l’entreprise. Elle y a d’ailleurs créé une filiale à Philadelphie pour être au plus près des autorités réglementaires, la Food and Drug Administration. Au total, Provepharm vend ses produits dans 30 pays du monde : Europe, Japon, Australie… mais compte bien étendre un peu plus son terrain de jeu. Elle a ainsi des ambitions sur l’Asie mais « c’est un marché compliqué à pénétrer. Il ne faut pas se précipiter », tempère Michel Féraud. L’Inde est également sur la liste des pays à conquérir mais les candidats les plus prometteurs « sont l’Amérique du Sud et le Mexique », annonce Michel Féraud. L’an prochain, Provepharm devrait stabiliser son activité autour de 40 millions d’euros sauf si il concrétise une des opérations de croissance externe envisagées.
Gomet’