C’est en tant que réalisateur que Reta Kateb s’est rendu il y a quelques semaines à Aix-en-Provence, au cinéma Le Cézanne, accompagné de l’acteur Samir Guesmi pour présenter son premier long-métrage Sur un fil. Le film est sorti dans les salles de la métropole le 30 octobre.
Après avoir endossé plus d’une trentaine de rôles en France et à l’étranger, notamment Le Prophète, Hippocrate, Zero Dark Thirty, Le Chant du loup, Django, et plus récemment Omar la Fraise, Reta Kateb passe derrière la caméra et choisit de mettre en lumière les clowns professionnels qui interviennent dans les services pédiatriques des hôpitaux. Un métier de l’ombre qui apportent des moments de rires et de réconfort aux jeunes malades, aux familles et aux soignants, illuminant leur quotidien.
Librement adapté du livre Le Journal du Docteur Girafe de Caroline Simonds, fondatrice de l’association Le Rire Médecin, le film retrace le parcours initiatique de Jo (Aloïse Sauvage), une jeune acrobate, victime d’une chute, qui va devoir se réinventer. Poussée par ses amis, elle intégre l’association de clowns Nez Pour Rire, où elle est accueillie par le duo Gilles, alias Poireau (Philippe Rebbot) et son complice Thierry, alias Roger Chips (Jean-Philippe Buzaud). Sans expérience dans ce domaine, Jo façonne son clown Zouzou, tandis qu’elle doit apprendre à naviguer entre son attachement croissant pour les enfants et les épreuves bouleversantes auxquelles elle est confrontée. Une aventure humaine qui va la révéler à elle-même…
Un regard humaniste sur le métier de clown
Sur un fil est l’aboutissement d’un long travail d’enquête que Reta Kateb a mené durant six mois dans différents hôpitaux : « C’est vraiment parti de la découverte de ce monde là. Je ne savais pas que le clown hospitalier était un métier. Je pensais que les clowns qui intervenaient dans les hôpitaux étaient bénévoles et je n’avais aucune conscience de cet endroit particulier dans lequel ils sont, au carrefour entre l’art et le soin : de la rigueur et de la méthodologie que cela implique et même du travail sur soi. J’ai senti dans les services hospitaliers pour enfants, à quel point tout était dans le vrai, à quel point ces lieux là et ces situations là agissent comme des révélateurs d’humanité. Je n’ai pas senti de pathos, d’anxiété, ou de stress mais plus la vie dans tout ce qu’elle peut avoir de fragile et de contradictoire avec les rires et les larmes. Il y a quelque chose d’une humanité très forte sans posture et sans déguisement, de vérité en fait. Un bain de vérité que je trouvais idéal pour raconter l’histoire d’une jeune femme qui va changer » explique Reta Kateb.
La dimension altruiste et thérapeutique
Ainsi, lorsque la jeune acrobate débarque dans le milieu des clowns hospitaliers « faute de mieux », elle est loin d’imaginer les émotions intenses qu’elle va vivre avec les enfants, et se trouver elle-même autrement que dans le performance et la valorisation : « J’ai toujours été fasciné par l’impact que pouvez avoir le geste artistique dans la vie, et de son impact, autre que celui d’être admiré et d’être placé sur un piedestal. Ce qui se passe dans une chambre d’hôpital, ce qui a été déclencheur pour moi, c’est que j’y ai retrouvé quelque chose de l’ordre du rituel. C’est le seul endroit où vous avez plus d’acteurs que de spectateurs. Vous avez un enfant et deux clowns, il n’y a pas d’applaudissements; par contre, cela a une sacrée valeur parce que cela change la vie de ces gamins qui sont hospitalisés. D’ailleurs, on a aujourd’hui une littérature scientifique qui montre que, statistiques à l’appui, le rire améliore la réaction au traitement, et que cela réduit les durées d’hospitalisation » ajoute le réalisateur.
Un rôle taillé sur mesure pour la comédienne, chanteuse et circassienne Aloïse Sauvage
Côté interprétation, Reta Kateb ne s’y est pas trompé en confiant le rôle principal à Aloïse Sauvage, comédienne, rappeuse et circassienne, avec laquelle il a joué dans Django et Hors Normes : « Je la trouvais déjà extrêmement singulière, intéressante. Un autre type d’actrice qui nous est proposée. Elle est très actuelle. Je trouve qu’elle incarne bien sa génération, d’autant qu’il y a un peu un déficit de cette réprésentation là. En tout cas, elle était très différente des autres, en plus elle a fait l’école du cirque.»
Un rôle taillé sur mesure donc, pour la comédienne trentenaire qui porte le personnage de Jo avec un naturel et une aisance déconcertante : « J’étais en tournage à l’étranger avec Aloïse sur une série lorsque j’ai découvert ce livre, la projection s’est faite un peu étrangement en même temps que je lisais ce livre. Le week-end, j’écoutais ses chansons et puis j’ai commencé à projeter sur elle sans lui dire tout de suite. » Aux côtés d’Aloïse Sauvage, on ne manquera pas de citer le formidable duo de clowns que forme Philippe Rebbot et Jean-Philippe Buzaud (lui-même membre du Rire médecin depuis longtemps).
Quant à Samir Guesmi qui incarne avec sobriété le père d’un jeune garçon atteint d’une leucémie, le comédien (lui-même père d’un enfant de cinq ans) avoue s’être projeté dans cette histoire pour composer le personnage d’Abdel, tout en intériorité : « Ce sont des projections un peu étranges, on tatonne, on parle avec Réda. Qu’est-ce qu’on donne dans la présence et dans le silence ? On est traversé par une désespérance incroyable qu’on ne doit pas communiquer à l’enfant. Comment on lui donne la force, alors qu’on est complétement anéanti ? Comment on lui communique du positif sans être dans une vérité ? Je pense qu’il y a autant de papas qui accompagnent leurs enfants malades qu’il y a de manières de le faire, il n’y a pas de prototype.» Autant de questions qui font que la présence de Samir Guesmi est particulièrement touchante, y compris dans ses silences.
Avec Sur un fil, Reta Kateb, réussit le challenge d’aborder un sujet grave avec délicatesse et pudeur, tout en offrant de beaux moments de rires qui réjouiront tous ceux et celles qui ont gardé une âme d’enfant.
Lien utile :
L’actualité du cinéma à Aix-Marseille à suivre sur Gomet’