Pour les intervenants de la table-ronde consacrée au thème “Le vélo pour faciliter l’accès à l’emploi et aux études”, organisée par le collectif Ramdam lors de la journée “Le vélo dans tous ses états”, vendredi 22 mars 2019 à la Cité des Métiers de Marseille, le constat est sans appel : les actifs et les demandeurs d’emploi de la métropole Aix-Marseille-Provence prennent encore trop peu le vélo pour aller travailler ou chercher un emploi. La faute aux idées reçues, au manque d’aménagements cyclables et à la faible volonté institutionnelle pour favoriser ce mode de déplacement.
Lorsqu’on est chef d’entreprise, faut-il encourager ses salariés à venir travailler en vélo ? A l’heure où la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et où de nombreux Français luttent pour leur pouvoir d’achat, la réponse semble, a priori, évidente. Et pourtant, à en croire Christian Cortambert, président de Cap au Nord Entreprendre, la réalité est nettement plus complexe. « Aujourd’hui, venir au travail en vélo, c’est difficile, surtout dans les quartiers nord de Marseille. Si j’étais chef d’entreprise, je n’encouragerais pas mes employés à pédaler pour venir travailler », déplore le représentant du réseau d’acteurs économiques de Marseille Nord. Il explique que les zones d’activité du Nord de Marseille manquent cruellement d’aménagements cyclables. Par ailleurs, selon lui, le risque de vols et d’accidents y reste très élevé. Il cite notamment l’exemple d’Oxatis, société de conception de sites Internet, installée au chemin de la Madrague-Ville : parmi les dizaines d’employés, seuls six prennent régulièrement le vélo pour venir travailler et tous ont déjà été victimes d’accidents.
« Le vélo ça ne fait pas rêver »
Pour autant, ce ne sont pas les seuls freins à une utilisation du vélo par les actifs. Il existe également un problème de représentation. « Le vélo est souvent perçu comme un moyen de déplacement de pauvres », constate Christian Cortambert. Sur ce point, il est rejoint par Vincent Jamin du centre des peines aménagées de la prison de Luynes qui vient de signer une convention avec L’association Droit au vélo d’Aix (Adava). Un partenariat qui vise à faciliter la réinsertion et l’accès à l’emploi à la sortie de prison par l’utilisation du vélo. Mais « la prison, c’est la pauvreté, explique Vincent Jamin. Et quand on a été exclu de la richesse, le vélo ça ne fait pas rêver ».
Pour autant, les salariés ou les demandeurs d’emploi ne sont pas les seuls à nourrir des idées reçues sur l’utilisation du vélo dans un cadre professionnel. « Nos conseillères mobilité entendent beaucoup de choses sur le vélo, beaucoup d’a priori. Et ils sont souvent véhiculés par des chefs d’entreprises », nuance Anne-Laure Nardonne, chargée de mission Mobilité Durable à la Maison de l’emploi (MDE) de Marseille. L’usage du vélo serait ainsi réservé aux « bobos » du centre-ville ou aux sportifs et, surtout, il y aurait trop de rues en pente à Marseille pour y pédaler quotidiennement. Par ailleurs, les zones d’activité manquent d’espaces de stationnement sécurisés pour les deux-roues.
Pour Christian Cortambert de Cap au Nord Entreprendre, c’est principalement dû à la faible volonté des institutions. Il fait le parallèle avec les moyens financiers mis en œuvre pour aider les jeunes à passer leur permis de conduire. « On ne dépense même pas le dixième pour les inciter à prendre le vélo », regrette-t-il. Résultat : sur le territoire d’Aix-Marseille-Provence (AMP) 90% de l’accès aux zones d’activité se fait en voiture. D’après des données recueillies par la MDE, seulement 2 % des actifs de la métropole pédalent pour aller travailler,
Le vélo beaucoup plus utilisé par les étudiants d’Amu
Et pourtant, la pratique du vélo semble proportionnellement beaucoup plus répandue chez les étudiants d’Aix-Marseille Université (Amu. Dans le cadre d’un bilan sur les émissions de gaz à effets de serre, la direction de l’université a mené une enquête auprès de 2 500 de ses étudiants. Selon les premiers résultats, 10% utilisent le vélo pour se rendre chaque jour en cours. Ils ne sont que 20% à prendre la voiture.
Pour le reste, 20% viennent en transport en commun et la moitié en marchant. « Nous avons deux types d’étudiants : ceux qui ont quitté le domicile familial et ceux qui vivent encore chez leurs parents. Je pense que la plupart de ceux qui viennent en vélo et en marchant sont parmi la première catégorie, analyse Marianne Domeizel, vice-présidente de développement durable pour Amu. En général, ils vivent en cité universitaire ou louent des appartements à proximité de leur campus. C’est donc plus simple pour eux de venir à pied ou en deux-roues. » L’enquête d’Amu met, par ailleurs, au jour les freins à l’utilisation du vélo par les étudiants. Si certains évoquent la sécurité et la distance, ils sont surtout très nombreux à reconnaître ne pas se sentir concernés. « Cela démontre que nous avons besoin de mener une campagne de sensibilisation », concède Marianne Domeizel.
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