par Yves Delafon, chef d’entreprise, président d’honneur du réseau Africalink.
Les dysfonctionnements de notre société, le manque de vertu de nos élites, les inquiétudes de notre population sont « remarquablement » stigmatisés par nombre de commentateurs bien-pensants. Ils sont utilisés comme fourrage électoral par une partie de la classe politique dont la pauvreté de pensée n’a d’égal que le cynisme, et exploités comme fonds de commerce par certains médias.
Ils n’ont pas tort, malgré les exagérations et généralisations, de mettre en évidence nos faiblesses, nos erreurs et nos échecs. Toutefois, et à force de s’auto flageller, de se victimiser, de dénoncer, de stigmatiser ad nauseam, le risque est grand de ne plus se voir, de ne plus s’aimer et donc de ne plus aimer ni l’autre ni sa communauté !
Se vautrer dans le misérabilisme et la culpabilisation tartufesque, en s’habillant habilement des concepts initialement vertueux du « woke » (être éveillé en anglais) ou d’insoumission (qui n’est autre, chez les kidnappeurs politiques du terme, qu’une contestation populiste des règles de vie en commun), interdit de reconnaitre ses forces, ses valeurs et ses réussites.
Et ceci nous menace en effet d’un « grand remplacement » !
Mais ce ne sera pas par des hordes d’immigrés, par des cultures ou religions exogènes. Ce sera par nos faiblesses, nos démissions.
Le courage sera remplacé par le confort tiède, le bien commun par l’individualisme, la fierté par la bassesse, l’engagement par la pusillanimité, l’humanité par l’égoïsme, le besoin par l’envie, l’intelligence par l’ineptie rayonnante des « opinions » ! Ce ne serait ni juste, ni acceptable !
La France et plus largement l’Union Européenne forment un espace rare sur la planète, où il fait le mieux vivre. C’est là que l’on trouve les libertés essentielles (d’expression, de choix des dirigeants, de déplacements, d’éducation, de travail, de santé …), la prospérité, la sécurité et les solidarités les plus abouties.
L’attraction de cette zone exceptionnelle en matière de migrations politiques et économiques en est une démonstration factuelle. A l’inverse, les régimes qui contestent cette réalité sont préoccupés, à différents degrés, par le contrôle des sorties de leurs ressortissant plutôt que par les entrées de populations tentées par leur modèle (Chine, Russie, Iran, Corée du Nord, Birmanie, Afghanistan, Biélorussie, …).
Et nous devons l’affirmer avec conviction et fermeté, en tant qu’Européens, en tant que Français.
Oui, nous devons être fiers, malgré ses excès, de notre liberté d’expression individuelle et collective.
Oui, nos systèmes éducatifs sont là pour ouvrir les esprits, introduire le doute et refuser les dogmes.
Oui, l’encadrement législatif de nos économies les pousse à devenir plus vertueuses, sociales et responsables qu’ailleurs.
Oui, nous refusons que les religions occupent l’espace public, orientent le politique et soient utilisées pour nous diviser et nous provoquer.
Oui, nos solidarités nationales sont exemplaires malgré leurs carences.
Oui, l’égalité citoyenne des hommes et des femmes, comme leurs libertés sexuelles, nous qualifient.
Oui, malgré leurs imperfections et insuffisances, nos systèmes judiciaires sont indépendants et appliquent des lois définies par des représentants élus du peuple.
Oui, le racisme, la xénophobie, les ségrégations selon l’origine, la confession ou le genre sont illégaux.
Oui, nos armées obéissent aux Institutions et ont pour objectif la défense de nos Nations et de nos populations, elles agissent dans le cadre de la Loi et de l’honneur.
Oui, l’action des forces de l’ordre s’inscrit dans le Droit, sous l’autorité de l’Exécutif et dans le but d’assurer au mieux les conditions du vivre ensemble.
Oui, l’Union Européenne met les droits de l’Homme au cœur de son fonctionnement, elle assure la liberté de circulation des personnes, des biens et des capitaux sur son espace.
Notre société, incontestablement imparfaite, est le fruit des lumières et des ténèbres de notre Histoire, de nos cultures et de notre niveau de développement économique. Elle nous constitue, mais ne nous autorise en aucun cas à essayer d’imposer son modèle à l’extérieur, ni à poursuivre le moralisme arrogant du passé.
Notre « universalisme » conquérant n’a aujourd’hui plus de sens car il ne peut plus se fonder sur la reconnaissance implicite d’une exemplarité qui n’était en fait que l’expression d’une puissance indiscutée. Il est aujourd’hui contesté, non seulement à l’extérieur, et naturellement, par d’autres visions du Monde, par l’affirmation d’autres conceptions politiques décomplexées, mais aussi et souvent en écho complaisant, de l’intérieur, par des courants de pensées obsédés par ce qui ne va pas, confondant lucidité historique et culpabilisation bien-pensante, privilégiant l’indignation confortable à la difficulté de la réflexion, associant leurs calculs politiques de boutiquiers avec une ambition de lapin ébloui par des phares…
Ce n’est jamais une arrivée, mais toujours un chemin.
Les Droits de l’Homme, comme la démocratie et la souveraineté, ne sont ni des modèles figés, ni des slogans, ni des coups de mentons ! Ce sont des conséquences, les résultats d’un ensemble de choix, d’attitudes, d’organisations et de décisions guidées par des valeurs humaines telles que la liberté, l’effort, la solidarité et l’équité. Ce n’est jamais une arrivée, mais toujours un chemin.
Face à ces remises en causes majeures qui contestent ouvertement les fondements de nos modes de vie (sociaux, politiques, économiques et environnementaux), voire qui les attaquent directement, il devient vital d’identifier les menaces, de nommer les ennemis (“Homme sans ennemis, homme sans valeur” ?) et de reconnaître nos amis, de développer nos défenses en en acceptant le prix et en les assumant dans le cadre d’un Etat de droit qui est la condition du vivre ensemble.
Soyons fiers, sans nous en contenter, de l’état de nos démocraties et de la construction européenne. En soutenant ceux qui souffrent, ici d’inégalités obscènes, et ailleurs parce qu’ils partagent nos idéaux et les défendent, souvent au prix de leurs vies.
Nous avons à choisir entre une résignation confortable et une lucidité exigeante et courageuse. Si nous choisissons de nous résigner, nous aurons le déclin, la dépendance et la honte !
Yves Delafon
Lien utile :
[Tribune] Israël – Palestine, la cohabitation inévitable