Depuis toujours, les traitements contre la grippe se sont concentrés sur le virus lui-même. La vaccination, meilleur moyen actuel de se prémunir contre la maladie, est malheureusement en baisse chaque année en France. Le public se montre de plus en plus méfiant face au fait de s’inoculer un antigène même affaibli. De plus, les vaccins sont élaborés à partir de virus de l’année précédente n’anticipant pas les mutations et restent inefficaces contre les souches les plus virulentes. En cas de pandémie, le temps nécessaire à la production de vaccins étant de six mois minimum, cela se révélerait dramatique en cas d’infection par un virus hautement pathogène qui se propagerait rapidement. Si l’infection n’a pu être empêchée, restent les antiviraux. Ils s’attaquent à deux types de protéines. Les plus répandus, le Tamiflu et le Relenza, ciblent la neuramidase, une des protéines qui mute le plus. Une autre classe de médicaments antiviraux homologués, les inhibiteurs M2 (amantadine et rimantadine) sont inefficaces contre la plupart des virus de la grippe qui y sont devenus résistants. Cette deuxième catégorie n’est d’ailleurs plus vendue en France. Il semble donc urgent de trouver de nouveaux traitements. A l’hôpital de la Timone, l’équipe de Marie-Christine Alessi, directrice de l’unité de NORT (nutrition, obésité et risque thrombotique), obtient des résultats prometteurs en bloquant directement le récepteur FPR2 sur les cellules touchées.
Une réplication dix fois moins importante du virus
Immunologiste et virologiste de formation, Béatrice Riteau a rejoint l’hôpital de la Timone il y a un an et demi. Elle avait démarré ses travaux innovants sur la grippe au sein d’un laboratoire commun de l’université Claude Bernard de Lyon et de l’INRA. C’est donc tout naturellement qu’elle s’est installée à l’unité NORT, affiliée à l’institut, pour poursuivre ses recherches avec Marie-Christine Alessi. Cela fait plusieurs années qu’elle a commencé à travailler sur la grippe avec cette idée de ne plus cibler le virus mais plutôt la cellule infectée. « On a découvert qu’en bloquant le récepteur FPR2, on pouvait limiter l’inflammation responsable du dysfonctionnement des poumons dans les cas graves mais également et surtout la réplication du virus», explique Béatrice Riteau. Suite à des tests sur les souris, l’équipe a noté une réplication dix fois moins importante du virus. Contrairement aux souris non traitées, les souris traitées avec les inhibiteurs de FPR2 ont survécus à l’infection. De plus, cette approche visant une protéine de l’hôte évite l’émergence de résistance, contrairement aux traitements existants et devrait agir de manière universelle. Les travaux ont également montré que l’administration des molécules sont très efficaces non seulement en traitement thérapeutique mais aussi en prophylaxie, ce qui serait une aubaine en cas de pandémie.
A la recherche de 1 million d’euros pour de nouveaux tests
Les premiers essais ont été réalisés sur les souches virales influenza A H1N1, H3N2 et influenza B mais d’autres études sur d’autres sous-type sont en cours et devraient donner de nouveaux résultats encourageants. Co-développé par Béatrice Riteau et Marie-Christine Alessi, un brevet a été déposé il y a six mois par la société d’accélération de transfert de technologie (Satt) et l’Inra sur la modulation de FPR2. D’autres pourraient bientôt suivre mais, pour aller plus vite, les chercheurs sont en recherche active de nouveaux sponsors. Idéalement, ils auraient besoin d’un million d’euros sur trois ans. « On aimerait trouver un partenaire industriel pour financer de nouveaux tests sur d’autres formes du virus hautement pathogène et potentiellement pandémique », précise Béatrice Riteau. Très active, la chercheuse a d’ailleurs présenté son projet à un pool d’investisseurs en septembre dernier à l’occasion d’Invest in Biomed, un événement organisé par le cluster Eurobiomed.