Pourquoi avoir acheté ces immeubles de la rue de la République ?
Florence Roche : Tout d’abord, rappelons que Primonial REIM a acquis ce portefeuille fin 2017. Ce rachat s’inscrit dans la stratégie de diversification de Primonial REIM qui vise à devenir un acteur significatif de l’immobilier résidentiel. Cette acquisition traduit également nos fortes convictions sur la ville de Marseille et le marché immobilier local. Nous avons pour ambition de créer une identité forte pour la Rue de la République en repositionnant la rue et ses commerces dans une logique inclusive. Nous souhaitons développer une offre mixte et adaptée aux habitants et utilisateurs de la rue (familles, étudiants, salariés, touristes…). L’ensemble immobilier que nous gérons pour le compte de nos propres investisseurs comprend 140 actifs, principalement des immeubles mixtes d’habitation et bureaux avec des commerces en pied d’immeuble. Notre portefeuille est majoritairement résidentiel. Il présente un turnover et un donc un taux de vacance très faible. Nous avons engagé depuis notre acquisition d’importants travaux de réaménagement et rénovation des appartements permettant de répondre à la demande locative sur le secteur.
[pullquote]Nous sommes convaincus d’être arrivés au bon moment[/pullquote] Valérie Pares : nous sommes convaincus d’être arrivés au bon moment à Marseille après les moments forts qu’ont été le titre de capitale européenne de la culture en 2013 et l’opération Euroméditerranée qui ont vraiment tiré vers le haut des quartiers jusqu’à présent restés en friche. Marseille recèle un énorme potentiel et la rue de la République en particulier avec son positionnement entre le Vieux-Port et la Joliette. C’est bien plus qu’un simple investissement immobilier. Honnêtement, si nous n’avions pas cru à cette réussite, nous n’aurions pas acheté.
Pourtant, la rue de la République peine toujours à trouver son public et les fonds de commerce abandonnés sont encore nombreux. Comment comptez-vous réussir là où beaucoup d’autres ont échoué ?
V.P : La rue de la République n’est pas un centre commercial à ciel ouvert. C’est peut-être l’erreur qui a été faite par le passé. Nous avons la chance de pouvoir apprendre des expériences précédentes pour orienter nos choix. Il y a déjà beaucoup d’enseignes de prêt-à-porter rue Saint-Férréol et au Centre Bourse d’un côté, et aux Terrasses du Port, qui est un grand succès d’ailleurs, de l’autre. La rue de la République se retrouve au milieu de ces zones commerciales et ne doit pas proposer le même type d’enseignes. Entre les salariés, les touristes et les résidents, il faut offrir davantage de loisirs, de restaurants, de métiers de bouche ou encore des magasins d’équipements de la maison. Il y a 5 ans, il n’y avait pas de raison particulière de remonter la rue de la République jusqu’à la Joliette. Depuis, le Vieux Port a été transformé, les Terrasses du Port ont ouvert avec le succès qu’on leur connait, Euromed I et II sont devenus de véritables pôles tertiaires, le quartier du Panier qui borde la Rue de La République est un lieu de vie en pleine expansion. Nous avons interrogé les commerçants et les habitants de la rue de façon très fine pour connaître leurs besoins et qui se sont exprimés sur des demandes spécifiques selon leur lieu de vie ou de travail près de la Joliette ou du Vieux-Port.
Avez-vous baissé le prix des loyers pour attirer plus de commerçants ?
V.P : Sans pouvoir vous dévoiler les tarifs pratiqués avant notre arrivée, nous avons fait en sorte de proposer un prix au plus juste sur cette rue qui a peut-être été au départ positionnée sur un trop haut standing. Actuellement, les prix varient beaucoup en fonction de la taille du local ou encore de l’activité proposée. Plus la surface est grande, moins le mètre carré est cher. La surface des boutiques varient entre 100 et 150 mètres carrés pour la plupart. Enfin, un restaurant paiera également moins cher qu’un commerce de services traditionnels car son activité n’est pas concentrée sur la journée mais lors du service du midi et du soir et pas sur toute la journée… Aujourd’hui, la moyenne se situe autour de 450 euros le mètre carré mais encore une fois, cela dépend comme je vous l’ai expliqué de plusieurs critères.
Où en-êtes vous de la commercialisation des locaux commerciaux ?
[pullquote] Les projets les plus emblématiques dans les deux ans à venir. [/pullquote] V.P : Nous ne communiquons pas sur les chiffres en cours mais sachez que nous avons de nombreuses demandes en cours d’instruction. Au total, nous avons des dossiers à l’étude qui devraient déboucher prochainement. Ce sont des grandes marques qui regardent notamment autour de la place Sadi Carnot. En fait, nous avons décidé de poser des jalons forts en réalisant en premier lieu les projets les plus emblématiques dans les deux ans à venir. Ensuite, nous serons à même de dérouler l’ensemble des dossiers plus petits sur toute la rue.
En bas de la rue, côté Vieux-Port, de grosses locomotives comme H&M ou Desigual sont parties. Comment comptez-vous les remplacer ?
V.P : Avant de racheter le portefeuille, nous savions déjà qu’elles allaient partir. Déjà installés rue Saint-Férréol et aux Terrasses du Port, elles ne pouvaient décemment pas rester. Ce sont les plus grandes surfaces libérées avec plusieurs centaines de mètres carrés et ces biens sont finalement rares à Marseille. Il y a une vraie demande de nouvelles enseignes sur ces surfaces moyennement grandes. Nous avons déjà des négociations très avancées avec des repreneurs sur des secteurs comme le bricolage/jardinerie ou encore les drugstores de nouvelles générations. Ensuite, cette partie de la rue est la plus fréquentée par les touristes et dispose des trottoirs les plus larges. Nous souhaitons donc y installer plus de restaurants avec des terrasses. Nous sommes à Marseille tout de même où l’on peut manger dehors presque toute l’année.
A l’opposé, vers la Joliette, vous avez une vision différente ?
V.P : Oui, pour cette partie, il y a beaucoup de salariés la journée et une vraie vie de quartier. Il faut pouvoir leur offrir du commerce de bouche de qualité. Où que l’on soit dans le monde, le commerce physique est aujourd’hui durement concurrencé par internet mais il y a des choses que les consommateurs n’achèteront jamais en ligne. En tous les cas, pas au quotidien. Nous envisageons donc de privilégier plus de métiers de bouche sur cette zone comme des cavistes, des fromagers, des bouchers…
Enfin, le tronçon entre la place Sadi Carnot et le boulevard des Dames semble le plus compliqué avec toutes ces devantures murées. Qu’imaginez-vous sur cette partie ?
V.P : Il faut mélanger les enseignes d’équipement de la maison, comme Sophie Ferjani qui marche bien, et les brasseries-restaurants. Il y a d’ailleurs le Babel Community qui a très bien réussi à se faire une place dans le quartier. Nous allons également engager des travaux pour mettre en place des vitrines sur toute la hauteur des rez-de-chaussée/entresols afin de faire rentrer davantage la lumière et rendre les locaux commerciaux plus attractifs. Nous avons d’ores et déjà entamer des discussions avec la mairie pour faire évoluer ces sujets.
Quelles sont vos relations avec la Ville et la Métropole ?
[pullquote] Il faudrait notamment végétaliser davantage la place Sadi Carnot. [/pullquote] V.P : Excellentes ! Nous sentons les élus marseillais vraiment très impliqués dans le projet de la rue de la République. Nous nous retrouvons régulièrement, tous les deux mois environ, avec les associations de commerçants également pour discuter des aménagements possibles et nécessaires. Nous discutons des sujets d’aménagement des trottoirs, de conteneurs à poubelles mieux intégrés dans le paysage, d’un meilleur éclairage… Nous réfléchissons aussi aux moyens de rajouter des espaces verts. Il faudrait notamment végétaliser davantage la place Sadi Carnot. Nous sommes également en train d’élaborer une charte des terrasses pour déterminer l’espace à y consacrer ainsi que leur aspect visuel afin de la proposer à la Ville comme base de discussion.
Vous partagez également la rue avec une autre foncière, Atemi. Comment se passe la cohabitation ?
V.P : Atemi détient essentiellement des immeubles sur le tronçon Sadi Carnot – Boulevard des dames et autour de la Joliette. Nous sommes sur la même longueur d’ondes concernant l’évolution de la stratégie et les cibles clients. Nous croyons au renouveau de la rue de la République et travaillons main dans la main sur chaque grande décision.
(*) Entretien publié lundi 15 avril dans Le Digest Hebdo n°98.