C’est un défi majeur dont tous ont conscience : lutter contre la paupérisation et la dévitalisation des centres-villes. A l’occasion du 3e forum métropolitain Gomet’- Caisse des dépôts, organisé en partenariat avec Les Rencontres de l’Agam, maires, élus, représentants de l’Etat, techniciens et acteurs dans les collectivités des politiques publiques, ont livré leur diagnostic et solutions pour mener à bien cette mission difficile. En préambule des deux tables-rondes, le maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, Sabine Bernasconi, qui accueillait l’événement dans sa nouvelle mairie de secteur, a pris la parole. « Nous partageons tous l’ambition de rehausser au niveau des grands standards économiques les centres-villes, en nous inspirant des grandes tendances qui font les villes de demain. Il y a une nouvelle manière de voir la ville, lire la ville ; vivre dans la ville… ».
Un sujet d’actualité sur lequel le gouvernement a décidé d’investir au travers du programme « Action cœur de ville », lancé par le ministre de la cohésion sociale le 15 décembre dernier. L’Etat doit injecter 5 milliards d’euros sur cinq ans afin de permettre la revitalisation des centres de 222 villes moyennes dont 13 en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La Caisse des dépôts et de consignation, bientôt nouvellement baptisée “Banque des territoires”, est l’un des instruments de cette politique gouvernementale avec un investissement d’1,7 milliard sur le plan national sur les cinq prévus. Cela se traduit par « 700 millions de frais bonifiés aux collectivités territoriales pour l’aménagement, 50 millions pour mener des études, 50 millions pour le numérique, 200 millions pour les commerces en pied d’immeubles, 700 millions d’investissement, pour l’éclairage intelligent, la santé, la transition écologique et énergétique… », détaille Richard Curnier, directeur régional de la CDC.
« Il y a des dispositifs déjà existants dans les métropoles »
Mais les dispositions gouvernementales ne prennent pas en compte les grandes villes et métropoles, au grand regret des divers représentants de collectivités territoriales présents, à commencer par Arlette Fructus. Après la présentation d’une étude menée par les agences d’urbanisme de la région, dont l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam), sur les centres des villes moyennes réalisée dans le cadre de sa convention avec la Région, la conseillère régionale en charge du logement est revenue sur le Sradet : schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. Les grandes orientations de ce document seront votées lors de la prochaine assemblée plénière. « Il a la particularité d’être prescriptif, et s’appuie sur des constats partagés et des études comme celle qui vient d’être présentée avec comme préoccupation majeure, la situation des centres-villes. Aujourd’hui, il faut changer de logiciel, repenser la lecture des centres-villes », assure-t-elle, soulignant le « partenariat solide », entre la Région Sud et les agences d’urbanisme.
Conscient des débats autour de l’exclusion des métropoles du plan « Cœur de ville », Eric Le Grigeois, directeur adjoint de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), en a expliqué la raison principale : « Il y a des dispositifs déjà existants dans les métropoles », citant l’exemple de Gardanne. « Nous avons avec cette ville un contrat de transition énergétique pour traiter du devenir industriel de ce secteur. L’ambition avec ce plan est de donner une nouvelle place aux villes moyennes ». Et l’un des autres acteurs pour y parvenir est l’Etablissement public foncier (EPF), qui intervient sur 35 centres-anciens de la région. Claude Bertolino, la directrice de l’EPF Paca, a insisté, quant à elle, sur la « nécessité d’une cohérence territoriale », « l’importance des opérateurs pour investir in fine » mais aussi sur le retour d’expérience : « C’est long. Il faut partir très vite pour avoir un retour sur investissement dans le cadre des démarches engagées ». Sur la métropole, une réflexion est menée pour permettre de « bien identifier les problématiques avec cet ancrage territorial ». La Ciotat, Marignane et Aubagne sont déjà concernées.
L’identité des villes, clé de la reconquête des centres-villes
Invité de la deuxième table-ronde, justement, le maire d’Aubagne, Gérard Gazay, qui regrette de ne pas être inscrit dans la stratégie de relance de l’Etat, a exposé les deux axes majeurs pour la reconquête du centre-ville. Pour Aubagne, avec son histoire culturelle et patrimoniale, la question de l’identité est primordiale ainsi que « les leviers à court, moyen et long termes. Comment les articuler pour transformer son centre-ville ? ». Déjà à court terme, cette transformation a débuté, en 2014, avec le rachat de logements dans le centre ancien pour lutter contre les marchands de sommeil et y faire revenir des familles en décloisonnant les appartements ; le rachat de commerces pour éviter leur dispersion, le travail sur le marketing pour marquer cette identité. Cela passe également par « la création de 90 places de parking dans le centre, mais c’est un travail de très long terme de revitaliser un centre-ville, il faut une vision et un accompagnement ».
Autre spécificité, autre identité : Vitrolles, ville nouvelle et singulière, avec la particularité d’avoir un centre commercial consubstantiel du centre de la ville. Là encore la question de l’identité est majeure. Et pour Loïc Gachon, le maire, « il y a une erreur de diagnostic de l’Etat sur la situation de la métropole Aix-Marseille Provence. Dans toutes les autres grandes métropoles, il y a un énorme centre qui est un aspirateur à identité et à culture et on converge vers cette grande centralité comme c’est le cas à Lyon ou Toulouse, chez nous on a système réticulaire. Marseille pèse lourd mais ne domine pas de manière aussi puissante qu’à Lyon et on a des villes autour qui sont porteuses d’identité de manière beaucoup plus forte que les villes moyennes des autres métropoles ». C’est le cas d’Aix-en-Provence, Aubagne, Salon… aux référentiels culturels très puissants : « On y associe des valeurs. Quand on est Martégal, on n’est pas tout à fait Marseillais. »
Quand internet change la donne
A Vitrolles, comme dans d’autres communes, la problématique commerciale reste lourde à résoudre. « C’est celle où on se casse les dents et où je ne vois pas de solutions à court terme. Arriver à faire tenir des équipements de proximité est une vraie difficulté », souligne Loïc Gachon : « On voudrait réinventer la commercialité de centre-ville dans les villes moyennes, mais c’est terminé. A l’heure d’internet, on ne la jouera pas de la même manière. Il faut envisager non pas le commerce comme moteur d’attractivité, mais comme un élément d’attractivité générée par autre chose : la culture, le patrimoine… Et dans ce sens les villes doivent bénéficier d’un accompagnement majeur pour ce faire, c’est une question de bien vivre. »
Au regard des différentes interventions, la présidente de l’Agam, Laure-Agnès Caradec, en sa qualité de vice-présidente du Conseil de territoire de Marseille Provence déléguée à l’urbanisme, a précisé que « les problématiques de centres-villes sont inscrites dans les documents d’urbanisme », au premier rang desquelles le PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal). « Il fixe des principes comme éviter que les commerces en pied d’immeubles ne mutent en logements ou parkings, il favorise le socle végétal, valorise également le patrimoine ancien, en étant aussi plus souples sur les règles de stationnement… » Mais pour Laure-Agnès Caradec, la règle « n’est pas toujours la bonne solution. Ce que l’on souhaite faire c’est faire du projet autour de l’environnement immédiat du futur bâtiment ».
Les nouvelles tendances comme les espaces de coworking, le télétravail, les espaces culturels ou encore des commerces de proximité adaptés aux nouvelles habitudes des consommateurs sont également des pistes à suivre pour réussir la reconquête des cœurs de villes moyennes.
Extraits du 3e Forum métropolitain Gomet’ – Caisse des dépôts