En réunissant 58 œuvres sur les 7 000 que représente la collection Oscar Ghez, le centre d’art Caumont, à Aix-en-Provence, offre l’opportunité de découvrir la passion d’un homme pour la peinture figurative moderne et d’admirer des chefs-d’œuvres, certains iconiques et d’autres rarement montrés en France. Regards d’un collectionneur est à visiter jusqu’au 22 mars 2026.
Oscar Ghez a dix ans lorsqu’il quitte la Tunisie pour s’installer, avec sa famille, à Marseille et étudier au lycée Saint-Charles. À dix-sept ans, il fonde avec son frère, ingénieur chimiste, une usine de produits en caoutchouc dans la banlieue de Rome, et épouse Nella Treves, sœur du peintre turinois Dario Treves. Mais la promulgation des lois raciales en 1938 les oblige à fuir l’Italie pour la France. Ensemble, les deux frères reprennent alors une usine du groupe Pirelli dans la région lyonnaise. La Seconde Guerre mondiale les contraint de nouveau à l’exil, cette fois aux États-Unis, où Oscar Ghez devient attaché au ministère de la Guerre à Washington. Ce n’est qu’à la Libération, en 1945, qu’il revient en France pour relancer l’entreprise familiale.
Les années 1950 marquent un tournant. Elles sont, pour Oscar Ghez, celles des deuils successifs – son frère, sa femme, puis sa mère – mais aussi celles de ses premières acquisitions. Parmi elles, et non des moindres, figure en 1957 Le Pont de l’Europe de Gustave Caillebotte, acheté près de dix ans avant que le peintre ne soit pleinement reconnu par le monde de l’art. La toile et l’artiste sont désormais célébrés, mais le nom de leur propriétaire reste largement méconnu du grand public.

À rebours des paysages impressionnistes plébiscités par le marché de l’art, Oscar Ghez privilégie les portraits et les scènes du quotidien, comme La terrasse de Méric de Jean-Frédéric Bazille. Il se montre sensible au travail de la lumière et à l’engagement des pointillistes et néo-impressionnistes, tels Henri-Edmond Cross ou Maximilien Luce. Il s’intéresse aussi à la vigueur colorée de peintres comme Louis Valtat, dont on peut admirer ses Porteuses d’eau.

L’exposition rend également un bel hommage aux artistes de l’École de Paris, et tout particulièrement aux femmes que Ghez choisit pour leur anticonformisme. Les nus de Suzanne Valadon ou de Tamara de Lempicka témoignent de cette attention portée aux créatrices, longtemps reléguées aux marges de l’histoire de l’art.
Oscar Ghez, un humaniste marqué par l’exil
Parmi les artistes exposées figure aussi Nathalie Kraemer, peintre méconnue morte en camp de concentration. Fidèle à sa sensibilité et à son humanisme, Oscar Ghez fera don à l’université de Haïfa, en Israël, en 1978, de 137 œuvres d’artistes juifs ayant péri pendant la Shoah, qui n’avaient pu exposer ni être reconnus de leur vivant.

Peu à peu retiré des affaires pour se consacrer entièrement à l’art et en faire profiter le plus grand nombre, Oscar Ghez acquiert en 1968 le Petit Palais, à Genève, afin d’y installer sa collection – aujourd’hui fermé en raison de coûts d’entretien trop élevés. Depuis, la collection voyage, comme un souvenir d’un destin marqué par l’exil.
Regards d’un collectionneur – exposition à voir jusqu’au 22 mars 2026
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