« Priez comme si Dieu prenait soin de tout » disait Ignace de Loyolamais et il ajoutait aussitôt : « Faites comme si tout dépendait de vous. » Le théologien basque-espagnol (1491-1556 – un des fondateurs et le premier supérieur général de la Compagnie de Jésus (Les Jésuites) – affirmait aussi dans une de ses lettres : « Ceux qui se chargent d’affaires nombreuses, même avec une intention droite, doivent se résoudre à faire simplement ce qui est en leur pouvoir, sans s’affliger s’ils ne parviennent pas à tout réaliser comme ils le voudraient. »
Il n’est pas sûr que les élus qui ont inauguré au cœur du périmètre d’Euroméditerranée ce jeudi, avec le cardinal et archevêque de Marseille Mgr Jean-Marc Aveline, un collège portant le nom du saint, aient une connaissance approfondie des préceptes édictés il y a plusieurs siècles. Car en notre bonne ville, sous la tolérante protection de la Bonne Mère qui les regarde depuis son promontoire, les politiques n’en finissent pas de se jeter des pierres. Une intifada qui enflera jusqu’au printemps prochain avec la mauvaise foi assumée de ceux qui croient au ciel, comme de ceux qui n’y croient pas.
Les temps pourraient pourtant gagner à apaiser les hommes, les femmes et les âmes, plutôt qu’une fois encore à laisser s’envoler de vaines paroles qui, ici comme ailleurs, se déploient souvent en escadrille. L’imagination n’ayant pour limite que le mur du réel, on aura entendu le candidat RN à la mairie de Marseille Françk Allisio affirmer que « les Marseillais attendent des solutions concrètes, pas des accords de partis » et qu’ils souhaitaient qu’il « remette la ville en ordre ». Nouveau bien sûr.
Martine Vassal présidente de la Métropole Aix Marseille Provence et du Conseil départemental qui a repris la barre de sa canonnière ferry-boat, a reçu l’onction du parti présidentiel pour réaliser elle l’union des droites, à l’exception promis-juré, de « toute collusion avec l’extrême droite ». Benoît Payan le maire a choisi pour sa part de baisser momentanément d’un ton, ce qui lui permet de ne pas commenter les accusations de ses adversaires. Ils le soupçonnent notamment de ménager, dans l’éventualité d’un accord de dernière heure avec les Insoumis, un de ses adjoints Sébastien Barles (ex-Les écologistes). Il les a déjà ralliés, sans être pour autant sanctionné par la majorité municipale. Tout cela, diront certains est d’une banalité affligeante dans une ville où la chicaya est un vieux sport local, les promesses n’engagent que ceux qui y croient et où aux grands maux on apporte la radicalité de gros mots pour amuser les foules et ne guérir personne.
13 novembre : 132 personnes sacrifiées sur l’autel de la barbarie
Cette semaine aurait pourtant mérité un sursaut, si ce n’est des intelligences, au moins du bon sens. Ce 13 novembre on a commémoré une funeste soirée et la nuit qui suivit. 132 personnes sacrifiées sur l’autel de la barbarie, du fanatisme, de l’intégrisme. Au stade de France, sur des terrasses parisiennes, au Bataclan des fous de Dieu ont revendiqué il y a dix ans leur folie meurtrière en tirant à l’aveugle sur des regards tétanisés et innocents.
Une monstruosité qui suivait de quelques mois l’attaque de Charlie, d’un Hyper Cacher et le meurtre sans sommation d’une policière municipale. Ces faits méritaient le respect et le silence. La mairie de Marseille a choisi les deux. Une partie des élus de son opposition ont voulu faire entendre une dissonance en se rendant sur le parvis de la gare Saint-Charles où deux jeunes femmes ont aussi été victimes d’un acte terroriste isolé. A Paris on a inauguré derrière l’hôtel de ville un jardin. Parce que c’est un Marseillais Thierry Reboul qui a mis en scène un spectacle d’une douloureuse beauté, les élus de la droite républicaine marseillaise auraient pu faire l’économie d’un misérable début de polémique. Martine Vassal a pourtant regretté que « la municipalité ou la préfecture n’aient pas organisé un hommage ». 4 millions de Français devant TF1 et France 2 lui ont répondu que c’était inutile.
Une triste actualité permettra peut-être à tous de retrouver de la hauteur. Elle touche avec une violence sans nom un jeune Marseillais, connu et reconnu, pour la noblesse de son engagement, la solidité de son éthique, la justesse de sa vision. Amine Kessaci (1) vient de perdre son jeune frère de 20 ans, Mehdi, abattu par un tireur de quatre balles de 9 mm « en plein jour » comme le souligne La Provence.
Pourtant ce n’est pas le « quand » ou le « où » qui comptent ici mais le « qui » et le « pourquoi ». Amine avait déjà perdu son grand frère Brahim en 2020. On l’avait retrouvé mort et brûlé dans une voiture. Un « barbecue » comme le résument les policiers blasés par les horreurs qui accompagnent le quotidien des narco-trafiquants.
Amine Kessaci : une certaine idée de la société
Et Amine avait pris son bâton de pèlerin, s’engageant à Europe-Ecologie les Verts, avec sa maman à ses côtés dans l’association Conscience (2), pour dire et redire qu’il n’y avait pas de fatalité à la misère qui frappe certains quartiers de Marseille et à la gangrène de la drogue qui tour après tour gagne leurs populations.
Pour l’avoir entendu il y a un an jour pour jour, le 13 novembre 2024, invité par l’association Marseille et Moi – il intervenait aux côtés du magistrat Nicolas Besone et du journaliste Philippe Pujol – on savait que ce talent politique en herbe portait haut une certaine idée de la société, de la communauté dont il était issu, de Marseille. Le procureur Bessone, commentant l’assassinat du frère d’Amine, a affirmé vendredi que c’est « un contrat qui a été exécuté ». Et d’ajouter que c’est sans doute « Amine » qu’on voulait ainsi intimider. Son petit frère se destinait à être gardien de la Paix.
Ce sont des tenants d’une sale guerre qui l’ont assassiné. Amine a choisi de convaincre par la non-violence et la promotion de politiques sociale et culturelle. « La non-violence est une arme puissante et juste, disait Martin Luther King. Elle tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit.» C’est à ce courage qu’à travers l’exemple d’Amine, il faut rendre hommage.
(1) Amine Kessaci est l’auteur d’un livre « Marseille, essuie tes larmes » dans lequel à travers un récit il entame un dialogue post mortem avec son frère, Brahim, lui aussi assassiné. (Editions Le bruit du monde, 212 pages 20€).
(2) Une cagnotte en ligne a été ouverte pour venir en soutien à la famille Kessaci afin de l’aider à faire face à ce nouveau drame.












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