Frédéric Collart nous accueille en blouse blanche, un cœur brodé sur la poitrine, dans son bureau situé dans son service de chirurgie vasculaire, au premier étage de l’hôpital La Timone. Ce n’est pas pour parler médecine qu’il nous reçoit, mais plutôt de Marseille.
En effet, outre le cœur de ses patients, le chirurgien vasculaire se préoccupe aussi du cœur de sa ville. Sur son temps libre, c’est donc sur le terrain de la politique qu’il opère, au sein de son mouvement « Marseille à cœur », lancé en 2022. Celui-ci a organisé sa première réunion publique le 26 septembre dernier. Pour Gomet’, il détaille sa perception de la politique et ses ambitions pour Marseille, dans la perspective des municipales de 2026. S’il dit « vouloir dépasser les clivages politiques », il n’en oublie pas de charger l’actuelle majorité municipale, avec laquelle il exprime son désaccord.
Vous êtes chirurgien cardiaque de métier. Pourquoi vous être lancé en politique ?
Frédéric Collart : J’ai toujours été engagé dans le monde associatif, déjà lorsque je faisais mes études de médecine, en tant que représentant des étudiants. En 2014, lors des prémices de la Métropole, celle-ci a récupéré la compétence recherche et enseignement supérieur. Jean-Claude Gaudin m’a demandé si je voulais bien assurer cette mission. Je me suis lancé sur la pointe des pieds, de peur que cela ne prenne trop le pas sur mon activité.
Puis, j’ai fait la campagne des municipales de 2020 aux côtés de Martine Vassal, et celle des départementales en 2021 (Frédéric Collart est conseiller départemental délégué au rayonnement du territoire marseillais, au Laboratoire départemental d’analyses et à la gestion des crises sanitaires, au port et filières pêche et conchylicole professionnelles étang de Berre, ndlr). C’est là que j’ai commencé à mûrir le projet de « Marseille à coeur », pour sortir des partis politiques.
« Il faut sortir des partis politiques traditionnels »
Vous avez tenu la première réunion publique de votre mouvement « Marseille à cœur » le 26 septembre dernier au Dock des Suds. Combien d’adhérents recensez-vous à ce jour? Quelles idées porte le mouvement ?
Frédéric Collart : Le mouvement a été lancé précisément le 22 février 2022, sans élus, seulement avec une trentaine d’amis issus de la société civile. Aujourd’hui, le mouvement compte près de 400 adhérents, mais mille personnes étaient présentes pour la réunion publique, venus d’arrondissements différents. Nous voulons porter un projet d’union pour Marseille, qui aille de la gauche à la droite, pour vaincre les extrêmes. Il faut sortir des partis politiques traditionnels.
Notre projet repose sur un triptyque de mots : justice sociale, remise en ordre et ambition. J’ai pu constater que la première des préoccupations qui ressort est la sécurité. Ensuite, il y a une fracture Nord / Sud très importante à Marseille, à laquelle il faut remédier. Enfin, il nous faut avoir de l’ambition écologique, sociale, culturelle pour redonner l’envie de créer de la richesse.
Concernant les propositions concrètes, il est encore un peu tôt pour en parler. Le livre blanc de « Marseille à coeur » doit paraître au printemps prochain. D’ici là, nous allons réunir des groupes de travail, composé d’experts et de Marseillais, sur douze thématiques. Dans un premier temps, ces groupes de travail s’attaqueront à des questions “marseillo-marseillaises” comme la sécurité, le développement économique, les écoles, l’environnement… Pour participer à ces travaux, il sera prochainement possible de s’inscrire sur le site du mouvement, à condition de joindre une courte lettre d’intention.
« Aujourd’hui, il n’y a pas de personnalité pour incarner l’espoir pour Marseille »
Cela signifie que vous serez candidat lors des prochaines élections municipales ?
Frédéric Collart : Aujourd’hui, il n’y a pas de personnalité pour incarner l’espoir pour Marseille. Renaud Muselier a fait savoir qu’il ne souhaitait pas y aller. Il faut amener du sang neuf J’incarnerai, uniquement s’il y a un consensus entre les différents collectifs qui se joindront à Marseille à coeur.
Je travaille actuellement sur cette incarnation, mais cela peut aussi être à quelqu’un d’autre de le faire. « Marseille à coeur » n’a pas vocation à partir seul dans la course aux élections municipales. Tout le monde est conscient que beaucoup de choses déraillent à Marseille. A un moment, il faudra faire converger les volontés qui se rejoignent.
Quid de Martine Vassal ? Vous joignez-vous à son projet d’union de la droite, avec Renaud Muselier ? Elle n’a pas clairement dit qu’elle ne souhaitait pas se présenter aux municipales…
Frédéric Collart : Martine Vassal m’avait demandé de m’engager à ses côtés lors des municipales de 2020. Aujourd’hui je suis élu (sans étiquette) au sein de sa majorité au Conseil départemental. Elle était par ailleurs présente lors de la réunion publique de Marseille à cœur. Je discute beaucoup avec Martine Vassal, comme avec Renaud Muselier. Nos projets sont complémentaires.
« Je discute beaucoup avec Martine Vassal et Renaud Muselier »
Je me joins à l’idée d’une union, mais je souhaite aller au-delà de la droite pour unir toutes les forces marseillaises. Pour moi, le clivage politique n’est pas justifié au niveau local. Il faut être capable d’écouter tout le monde.
Pour ce qui est de l’incarnation, le souhait de Martine Vassal est de conserver la Métropole. Or, le scrutin municipal étant lié au scrutin métropolitain, il est difficile pour elle d’envisager l’un sans l’autre. D’un autre côté, si elle part au combat pour devenir maire de Marseille, cela l’obligera à lâcher du lest sur la Métropole.
Municipales 2026 : Muselier et Vassal se posent en leaders d’une droite rassemblée
Pensez-vous pouvoir vous mettre d’accord sur l’idée d’une union allant de la droite à la gauche ?
Frédéric Collart : Le raisonnement de Martine Vassal, c’est de commencer par l’union de la droite avant d’envisager un union plus large. C’est ce qu’elle a fait au Département, de même que Renaud Muselier à la Région. Politiquement, nous ne sommes donc pas du tout opposés. Mais j’ai une vision de la méthode de travail différente car je ne souhaite pas créer d’oppositions au niveau local.
Pensez-vous pouvoir passer outre les « chicayas » locaux, qui sont bien implantés ?
Frédéric Collart : D’une manière viscérale, les gens qui font de la politique ne se font pas confiance les uns envers les autres. Or, lorsqu’on raisonne comme cela, on ne peut rien construire ensemble. Il faut rétablir la confiance. On ne peut pas partir au combat sans cela.
La période de campagne devrait être une période saine, où chaque candidat expose son projet et, une fois l’élection passée, tout le monde travaille ensemble. Bien sûr, ça, c’est sur le papier .. Mais je déteste la politique politicienne. Il faut travailler pour le bien commun et pas pour les egos personnels.
Marseille en grand : « Ce plan a été fait « à la marseillaise » mais l’intention était bonne »
Le collectif Une génération pour Marseille organisait vendredi 8 novembre une réunion pour évoquer le plan Marseille en grand, et la critique qu’en a fait la Chambre régionale des comptes. Que pensez-vous du déroulement de ce plan ?
Frédéric Collart : Il est facile de critiquer lorsqu’on n’est pas à la manoeuvre… Effectivement, ce plan n’a peut-être pas suivi le processus classique et fait un peu “fourre-tout” . C’est avant tout l’histoire d’un président amoureux de Marseille. Ce plan a été fait « à la marseillaise » mais l’intention était bonne. Il aurait fallu en restreindre le périmètre car on y a intégré trop de choses – par exemple le plan de modernisation de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM) Copermo, qui était pourtant sur les rails avant le lancement du plan.
Mais le coeur de Marseille en grand, ce sont les transports et les écoles. Mais j’ai tout de même trouvé le rapport sévère car l’actuel préfet Christophe Mirmand a vraiment pris le sujet à bras le corps.
Sur les écoles, il y a énormément de retard et nous avons perdu un an de chamaillerie concernant la gestion de la société publique des écoles de Marseille (Spem). Concernant les transports, il faut souligner que Marseille, par son étendue et ses reliefs, est une ville difficile à mailler. Le défi de la mobilité est avant tout métropolitain : il faut permettre de se déplacer sur tout le territoire, c’est un enjeu en terme d’accès au marché de l’emploi.
Marseille en grand : cohérence, gouvernance… la CRC épingle le plan présidentiel
On perçoit votre désaccord avec la majorité municipale actuelle…
Frédéric Collart : La fonction de maire de Marseille, si elle ne concentre pas toutes les compétences, est fondamentale sur le plan politique. L’accord du maire de Marseille est indispensable pour avancer sur les projets. Or, Benoît Payan n’arrive à travailler ni avec la Métropole, ni avec la Région, et travaille difficilement avec l’Etat. Il a également eu des mots très durs à l’encontre de l’actuel Premier ministre (Michel Barnier, ndlr).
« La piétonnisation de la Corniche une fois par mois et quelques changements de noms de rues, c’est un peu faible comme bilan de mi-mandat »
Lorsqu’on est maire de Marseille, on ne doit plus s’occuper de la politique nationale. Et quel est le bilan de l’équipe municipale actuelle, après quatre ans de mandat, en dehors des coups de communication ? On ne peut pas se contenter d’une piétonnisation de la Corniche une fois par mois et de quelques changements de noms de rues. C’est léger comme bilan de mi-mandat…
Comment vous voyez-vous concilier une éventuelle fonction de maire avec votre métier, déjà très prenant ?
Frédéric Collart : C’est important pour moi de conserver mon activité, c’est ce qui m’épanouit. C’est important de sortir la tête de la politique … Dans la fonction de maire, il y a en réalité beaucoup de temps perdu en représentation. Mais malgré cela, j’ai conscience qu’il me faudra lever le pied si je suis candidat.
Que pensez-vous de la proposition de réforme de la loi électorale Paris-Lyon-Marseille qui pourrait concerner les prochaines élections municipales ?
Frédéric Collart : Cela ne m’intéresse pas. Chaque mode de scrutin a ses avantages et inconvénients. Le problème du scrutin actuel est qu’il favorise les tractations politiciennes et peut fragiliser une majorité. Dans le mode proposé par la réforme (qui consiste à s’aligner sur un scrutin direct classique, comme dans les autres villes de France, ndlr), l’avantage est que la démocratie l’emporte. Mais le problème est que cela favorise la montée des extrêmes. Dans le mode actuel de scrutin, avec un vote par secteur, beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte, comme la taille des arrondissements. Dans le mode de scrutin proposé par la réforme, à l’échelle de la ville, les extrêmes pourraient arriver plus facilement au pouvoir, surtout l’extrême-droite. Nous verrons comment cela évolue et nous nous adapterons en temps voulu.
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