Le musée Granet expose les œuvres du peintre Tal Coat, dans la foulée de celles de Cézanne at home. Un choix volontaire car le peintre breton a résidé à Aix et arpenté les paysages cézanniens, de 1940 à 1956. Mais grâce aux 180 œuvres exposées, issues de 41 prêteurs différents, l’exposition, intitulée La liberté farouche de peindre, nous propose une très belle rétrospective. À découvrir jusqu’au 11 mars 2018.
Cela faisait vingt ans que Bruno Ely, directeur du musée Granet, voulait faire une exposition sur le peintre Tal Coat, « pour faire découvrir au grand public son œuvre figurative et mieux mesurer l’ampleur et l’évolution du travail du peintre. » Pari réussi. Si on connait généralement les grands formats abstraits de Tal Coat, on s’étonne alors devant ses très nombreux portraits ; beaucoup sont inédits comme celui au lavis d’Alberto Giacometti ou celui d’André Masson, une aquarelle que vont découvrir même les connaisseurs du travail de l’artiste.
Pierre Jacob, de son vrai nom, a commencé à peindre dès l’âge de 15 ans. Il aimait également modeler la terre et sera, en 1924, peintre céramiste à la faïencerie de Quimper, puis, mouleur, quelques temps à la Manufacture de Sèvres, quand il quittera sa Bretagne natale pour s’installer à Paris. C’est à l’occasion de sa première exposition, en 1926, à la galerie Fabre à Paris, qu’il prendra le pseudonyme de Tal Coat, «front de bois» en breton. Pendant ces années dans la capitale, il rencontre d’autres artistes, noue d’importantes amitiés comme celle avec Alberto et Diego Giacometti, Leo et Gertrude Stein… et peint de nombreux portraits. En quelques traits, il exprime son admiration ou son contraire, comme c’est le cas pour Pablo Picasso à travers ce portrait au crayon de 1926.
En 1940, démobilisé, Tal Coat part pour Aix-en-Provence, à pied. Les années qui suivent vont être très difficiles financièrement. Il est pauvre et dans son tableau Les chiens, ceux-ci sont affamés, déchaînés, à l’image d’un tourment intérieur. Mais, c’est aussi une période décisive dans son travail où il gagnera en singularité. Installé au Château-Noir, en parcourant les paysages aixois comme la carrière de Bibemus ou le massif de la Sainte-Victoire, la proximité des motifs qui inspirèrent Cézanne vont l’atteindre, et les toiles exposées à l’étage du musée révèlent ce qu’il ressent au plus profond de soi, ce que Bruno Ely explique comme « cette petite sensation, à la base de tout, au delà de toute virtuosité technique. » C’est aussi dans ces années 1940-45 que l’artiste prend plus de liberté avec l’usage des blancs et de la couleur, et que son trait s’épaissit jusqu’à atteindre la verticalité, les hachures des Profils sous l’eau où « la figure apparaît et disparaît, annonciatrice de la grande mutation de son œuvre. De ce que l’on appellera hâtivement la période abstraite », poursuit Bruno Ely.
Grâce à cette exposition, on sent combien Tal Coat, dès le début de son travail, maîtrise toutes les techniques picturales et connait les courants artistiques comme l’École de Paris mais aussi les codes plus anciens, ceux de l’art médiéval à travers ses vanités sur fond rouge, son interprétation de la Sainte-Victoire proche de l’art oriental… « Tout en dialoguant avec d’autres artistes, il poursuit son chemin avec une volonté très forte. Une vision de la peinture qui déborde de sa période », explique Jean-Pascal Léger, commissaire de l’exposition. La qualité picturale de ses œuvres est immédiate, il est d’ailleurs vite repéré et dès sa première exposition, toutes les œuvres seront vendues. La Galerie de France puis la Galerie Maeght exposent régulièrement son travail. Tal Coat participera aussi aux expositions internationales, le Guggenheim Museum à New York (1953), la Documenta à Kassel (1955, 1958), la Biennale de Venise (1956), celle de la gravure à Tokyo (1962), à la Tate Gallery de Londres (1962)… Le musée Granet peut désormais s’ajouter à la liste.
À découvrir également, jusqu’au 23 décembre 2017, des dessins et gravures de Pierre Tal Coat à la galerie Vincent Bercker.
Informations pratiques
> jusqu’au 11 mars 2018
> du mardi au dimanche, de 12h à 18h (sauf le 25/12 et 01/01)
> tarifs : 5,5 € (normal), 4,5 € (réduit) et gratuit pour les moins de 18 ans et les étudiants de moins de 26 ans
> catalogue de l’exposition : 29 €
> site internet : museegranet-aixenprovence.fr
> Galerie Vincent Bercker – 10 rue Matheron, Aix-en-Provence
> du mercredi au vendredi, de 15h à 19h, et le samedi de 10h à 12h30 et de 15h à 19h