Si l’on suit la dramaturgie annoncée dans Gomet’ pour les élections municipales de Marseille, nous venons de vivre un acte romanesque et dramatique qui laisse un acteur majeur hors-jeu, trois acteurs transformés en figurants et le retour sur scène, en majesté d’un héros déchu. L’intrigue est relancée et les oracles s’opacifient. Tout s’est renversé avec le dîner présidentiel du restaurant l’Éden.
Flash-back. Chez les Républicains nous avions deux candidats en lice Bruno Gilles déclarés et fonceur, Martine Vassal pugnace mais non déclarée. Renaud Muselier veillait au loin depuis la place Jules Guesde. Les Européennes n’avaient pas ou pu mobiliser ce beau monde qui pensait sauter l’échéance pour se consacrer à l’essentiel : Marseille. Martine Vassal faisait même distribuer par des salariés de son agence de pub, en pleine campagne européenne, des flyers vantant la restauration des églises phocéennes. Le résultat à 8% fut donc glaçant.
La crampe d’Yves Moraine
Il fallait récupérer d’urgence ces électeurs partis chez Macron. Ce fut l’opération séduction et alliance. Il fallait s’allier avec LREM, mais sans son référent, social-démocrate maudit, sans ses députés, trop à gauche, sans ses troupes tantôt inexistantes, tantôt embarrassantes. La main tendue n’était pas là pour être saisie mais pour afficher une ouverture, une ouverture brève car Yves Moraine avouait déjà avoir une crampe au bras. Depuis l’éviction de Jean-Pierre Serrus ex-Républicain de la gouvernance de Métropole, l’affaire était pliée chez les stratèges Républicains. Mais il a fallu faire « comme si » en utilisant les failles de la République en marche, les ambitions des uns, la naïveté ou la maladresse des autres.
Jean-Claude Gaudin que l’on croyait définitivement éclipsé par l’affaire de la Rue d’Aubagne sent bien le risque d’effacement pour son camp. Il cisèle son propos dans une interview condensée à France bleu et remet les pendules à l’heure. Bruno Gilles est prié de replier son plan de campagne : « Quand on est le chef, il faut parfois faire des sacrifices » lance Raminagrobis (1). Et il donne son imprimatur à Martine Vassal, pas en son nom mais au nom des Marseillais : « Je rencontre énormément de Marseillaises et Marseillais qui m’ont dit approuver et soutenir la volonté de rassemblement et d’unité que Martine Vassal a développée ces jours-ci. C’est une chose indispensable.» La visite de Brigitte Macron a semé le trouble et certains milieux en général « bien informés » ont fredonné la petite chanson d’une bénédiction présidentielle de cette stratégie.
La visite inattendue, dans ses rendez-vous, d’Emmanuel Macron à Marseille a rebattu les cartes. Il n’adoube personne, mais reçoit une trentaine d’acteurs de la société civile, il laisse clairement comprendre que rien n’émerge du débat pour l’instant, et qu’il n’a pas aperçu un candidat à la hauteur. Il s’exprime sur le parvis du palais du Pharo. Voici le verbatim de ses propos, chaque mot est pesé. Emmanuel Macron rappelle sa conviction que « le clivage se fait entre démocrates, progressistes, et nationalistes ». Puis, il précise : « La clef c’est d’avoir de l’ambition et du projet pour cette ville. Le rassemblement se fera autour de celle ou de celui qui portera l’ambition, le projet pour Marseille, d’en faire une véritable capitale culturelle, écologique, entrepreneuriale, méditerranéenne. Elle en a toutes les potentialités, mais il faut profondément lancer une impulsion nouvelle. Et le rassemblement se fera derrière. » (24 juin 2019 au Pharo)
Les Macronistes sous tension
Exit donc, pour l’instant, les trois candidats déjà évoqués de la LREM (d’un côté le député Saïd Ahamada seul candidat déclaré, de l’autre les universitaires Yvon Berland et Jean-Philippe Agresti) qui sont loin de cocher les cases énoncées. Exit la solution Vassal et associés qui semblait séduire jusqu’au Premier ministre. Emmanuel Macron ne veut pas comme Jean-Claude Gaudin ou Martine Vassal reconstruire les Républicains ou un parti de droite, il souhaite un camp des progressistes et démocrates qui s’organise et s’implantent à toutes les élections. Donc à la fin de cet épisode, la candidature Vassal pour la droite républicaine est de plus en plus certaine, mais en solo, sans alliance. Et le camp des macronistes est en tension pour être à la hauteur de cette vision qui place la barre très haut « avoir de l’ambition et du projet pour cette ville ». Le casting suivra en son temps.
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(1) Je ne résiste pas à ce retour à La Fontaine.
“C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas. (…)
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : « Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. »
L’un et l’autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu’à portée, il vit les contestants,
Grippeminaud, le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.”