Dans le cadre de la stratégie de lutte contre l’habitat indigne et dégradé, la Métropole Aix-Marseille Provence a décidé de mobiliser un nouvel outil : le permis de louer. Il sera expérimenté dans le quartier de Noailles à Marseille. Au-delà du drame de la rue d’Aubagne, ce secteur de l’hyper-centre a été choisi en raison de sa proportion significative de logements potentiellement indignes, d’un taux important de bailleurs privés (80%) disséminés dans des copropriétés présentant des signes de fragilité et d’une faible présence de bailleurs sociaux (4% des résidences principales). Le dispositif, adopté à l’occasion du conseil de territoire Marseille-Provence, mardi 26 février, devra être validé ce jeudi 28 février, en séance du conseil métropolitain, avant sa mise en œuvre prévue au plus tard le 30 septembre 2019.
Quid de l’autorisation préalable de location dit « permis de louer »
Concrètement comment va s’appliquer le « permis de louer » à Marseille ? La loi Elan, promulguée en novembre (revoir le grand débat organisé par l’Adil sur ce sujet), vient rendre plus efficace les dispositifs de déclaration et d’autorisation préalables de mise en location déjà créés par la loi Alur. Sont expressément exclus du dispositif les logements sociaux. Le permis de louer peut revêtir deux formes : soit une simple déclaration de mise en location, c’est-à-dire une simple formalité administrative qui doit être faite dans les quinze jours à l’initiative, soit de l’autorité communale (la Ville de Marseille), soit de l’intercommunalité, ici de la Métropole Aix-Marseille Provence. L’autre régime existant est plus contraignant pour le propriétaire : c’est l’autorisation préalable de mise en location qui, là, subordonne chaque mise en location à une autorisation de l’administration pour mettre le bien en location. C’est pour ce choix qu’a opté la Métropole Aix-Marseille Provence ce qui lui confère bien plus qu’un droit de regard sur le logement.
Une obligation pour tous les nouveaux bailleurs
Dans les faits, les propriétaires qui veulent louer un bien dans le quartier de Noailles auront désormais l’obligation de demander un « permis de louer », c’est-à-dire demander une autorisation préalable de mise en location. Celle-ci est valable deux ans. Si une visite technique est effectuée dans un logement et qu’il s’avère que celui-ci peut porter atteinte à la sécurité ou la salubrité publique, le bailleur peut se voir rejeter sa demande d’autorisation ou attribuer une autorisation soumise à conditions. Dans la Métropole Aix-Marseille Provence, la réception et l’instruction des demandes d’autorisation seront recueillies au sein de l’Espace accompagnement habitat, au 19 rue de la République.
Des amendes allant de 5 000 à 15 000 euros
Chaque décision de rejet devra être transmise aux organismes payeurs du logement, ainsi qu’aux services fiscaux. En cas de non respect de ces formalités, il est prévu des amendes, qui peuvent être ordonnées par le préfet, allant de 5 000 à 15 000 euros, s’il y a des cas de manquement dans les trois ans. La Métropole coordonnera avec la Ville de Marseille, l’Etat, la Caisse d’allocations familiales, parties prenantes, le déroulé du dispositif jusqu’à la mise en œuvre des sanctions prévues.
L’exemple de Châteaurenard
Dans le département des Bouches-du-Rhône, une commune n’a pas attendu pour actionner le « permis de louer ». En 2016, Châteaurenard (16 000 habitants) a décidé de mettre en place ce dispositif qui porte ses fruits. « Lorsque la loi Alur a proposé le permis de louer, nous avons pensé que c’était une manière de pouvoir entrer dans quelques logements, des démarches qui étaient impossibles si le locataire ne vient pas se plaindre », explique Michel Lombardo, premier adjoint, élu à l’habitat à Châteaurenard. Sur 90 dossiers, la ville a effectué trois rejets conservatoires pour lesquels elle n’a pas donné d’autorisation. Elle a accordé des autorisations sous réserves d’effectuer les travaux à une quarantaine de propriétaires.
Pour l’adjoint à l’habitat de Châteaurenard, « le permis de louer est une clé, un tournevis pour lutter contre l’habitat indigne mais si ça ne fait pas partie d’un ensemble de mesures structurées, ce n’est pas la peine de la mettre en place », avertit-il. Il est, pour lui, indispensable « d’être structuré, surtout si vous prenez un organisme pour effectuer les contrôles techniques. Il faut bien déterminer le périmètre car à l’échelle de toute une ville, c’est compliqué ».
Les services de l’État auraient repéré près de 23 000 de ces logements « indignes », à l’échelle nationale autrement dit dangereux pour la santé de leurs occupants, dans différentes zones sensibles où se concentrent ces locations, souvent illégales. La Fondation Abbé Pierre estime, elle, que ces habitations seraient au nombre de 600 000 sur un parc total de 35 millions.