Face à une Chine hyperproductrice qui inonde le marché de son acier à bas coût, le géant ArcelorMittal a dû rapidement s’adapter. En 2015, les ventes du groupes se contractaient de plus de 20 % avec des pertes qui ne cessaient de se creuser jusqu’à plus de six milliards d’euros. Une situation critique qui faisait craindre le pire à Fos-sur-Mer, où l’acièriste est le deuxième plus gros employeur industriel de la région. « Nous avons connu une période difficile mais on a réussi à redresser la barre. Les résultats 2017 parlent d’eux-mêmes », annonce fièrement François Sgro, le directeur industriel amont d’ArcelorMittal Méditerranée à la conférence de presse organisée le 6 février. Après deux années consécutives de baisse de sa production, l’usine fosséenne a renoué avec la croissance l’an dernier avec 3,89 millions tonnes contre 3,3 millions en 2016. « Toutes nos usines d’Europe occidentale tournent de nouveau à plein régime », affirme le cadre. Ses performances ont été dopées par la hausse de la demande d’acier qui devrait se poursuivre en 2018. Le site de Fos-sur-Mer ambitionne même de dépasser les 4 millions de tonnes de production cette année, un score jamais atteint depuis dix ans. L’usine s’approcherait ainsi de sa capacité maximale estimée actuellement à 4,4 millions de tonnes.
Entre investissements et réduction des coûts
Outre une conjoncture plus favorable, l’aciériste explique également ses bonnes performances par son plan stratégique « Action 2020 » qui prévoit de dégager plusieurs milliards d’économies dans les deux ans à venir. Si en 2017, son chiffre d’affaires a bondi de 21 % et son bénéfice a été multiplié par 2,5, ArcelorMittal doit rester prudent avec une dette de plus de dix milliards de dollars qui pèse toujours aussi lourd. Pour réduire ses coûts, l’entreprise doit procéder à des cessions d’actifs. A Fos-sur-Mer, elle est en train de céder son activité énergie à Veolia. « Le transfert est imminent et devrait se concrétiser dans les semaines qui viennent », annonce Sandy Poletto, le secrétaire général CGT d’ArcellorMittal à Fos. Ce sont 113 personnes qui vont ainsi quitter le groupe avec autant d’économies sur la masse salariale. Si en fin d’année dernière, les syndicats craignaient encore un possible recours au chômage partiel pour une partie des équipes, ils semblent aujourd’hui rassurés par les résultats de l’entreprise : « Ces craintes sont derrière nous. On regrette que les investissements n’aient pas été réalisés plus tôt pour redynamiser l’usine mais désormais, la tendance semble favorable », avoue le responsable CGT.
Malgré les aléas du marché de l’acier, ArcelorMittal a investi plus de 1,2 milliard d’euros sur le site de Fos-sur-Mer. Deuxième site sidérurgique de France, l’usine est une véritable ville industrielle avec une cokerie, deux hauts fourneaux, un port minéralier, une aciérie avec deux convertisseurs… Autant d’équipements complexes qu’il faut constamment surveiller et réparer. Rien que pour la maintenance, le groupe prévoit de dépenser 200 millions d’euros en 2018, ce qui correspond au rythme annuel. Pour améliorer ses performances, ArcelorMittal a lancé un grand chantier de réfection des trois batteries de la cokerie qui va mobiliser 20 millions d’euros cette année. « Le chantier doit s’étaler sur trois ans pour être opérationnel en 2020 », explique François Sgro. Souvent pointé du doigt pour son impact environnemental (voir encadré), l’aciériste s’efforce également d’améliorer ses performances écologiques. Il prévoit un investissement de 30 millions d’euros en 2018 pour réduire ses émissions atmosphériques, notamment sur sa chaîne d’agglomération : « Nous avons divisé par trois nos émissions de dioxines et de poussières depuis 2005 », assure le directeur du site.
Retour à l’embauche avec 200 recrutements en 2018
Preuve supplémentaire de la bonne santé de l’usine, le groupe annonce une grande campagne de recrutement pour 2018. Toujours dans un souci de réduire ses coûts, ArcelorMittal va internaliser les activités de maintenance mécanique. « Nous avons estimé qu’il était plus rentable de maîtriser ce domaine plutôt que de faire appel à des sous-traitants », explique Richard Pagnon, le directeur des ressources humaines d’ArcelorMittal Méditerranée. L’entreprise va donc proposer une centaine de postes en CDI à Fos-sur-Mer pour composer son nouveau « groupe exécution mécanique » (GEM). Elle recherche activement des mécaniciens polyvalents, des hydrauliciens, des experts en soudure, des chaudronniers… « Ce sont des profils toujours difficiles à dénicher qui attirent de moins en moins les jeunes », regrette Richard Pagnon. Par contre, le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres car certains salariés du voisin Ascométal, en difficulté, ont déjà contacté ArcelorMittal pour intégrer la future équipe de choc. Face à la difficulté d’attirer des compétences industrielles, l’aciériste reste ouvert à toutes les propositions. « Nous sommes intéressés aussi bien par les jeunes diplômés d’un bac pro ou d’une licence qu’une personne sans diplôme mais expérimentée », affirme le DRH. Il tente également d’attirer davantage les femmes dans un univers encore trop dominé par les hommes. « Nos équipes ne sont composées qu’à 11,5 % de femmes. Nous n’arrivons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Il faut encore progresser dans ce domaine », avoue Richard Pagnon.
Une fuite de benzène qui fait bondir la mairie de Fos-sur-Mer
Si le maire de Fos-sur-Mer connaît le poids d’ArcelorMittal en terme d’emplois sur sa commune, il n’en reste pas moins vigilant sur les dangers sanitaires de l’usine pour la population. Dans un courrier daté du 24 janvier, René Raimondi a expressément demandé à Bernard Dehut, le directeur général du site d’ArcelorMittal à Fos-sur-Mer, de réunir en urgence une commission locale d’information et d’échange (Clié) en présence des services de l’État et des associations locales de protection de l’environnement. En cause, la diffusion d’un rapport établissant des dépassements importants de rejet de benzène, un polluant cancérigène, de la part de l’usine de Fos-sur-Mer depuis un incident survenu sur ces chaudières. Une visite d’inspection du 12 juillet 2017 a relevé de nombreuses irrégularités comme des dépassements mensuels depuis juillet 2016 des valeurs limites de rejets de Nox, de poussières et surtout de benzène au niveau des batteries fours à coke n°1, 2 et 3 de la Cokerie supérieure à 1% depuis janvier 2017. Dans sa lettre, René Raimondi se dit « scandalisé » par le silence de l’industriel. En effet, « cela fait donc presque deux ans que vous ne respectez pas les valeurs limites de rejet imposées par la réglementation sans que, ni les élus de la ville, ni les associations locales de protection de l’environnement, ni la population n’en soient informés malgré le risque sanitaire qui en découle ». L’industriel silencieux jusqu’alors a finalement accepté de participer à une Clié qui se tiendra le 21 février prochain à Fos-sur-Mer pour s’expliquer.