Tout a commencé quand le Dr Tâm Mignot, parti à Berkeley étudier l’Anthrax, s’est pris de passion pour la Myxococcus xanthus, une bactérie venue du sol. Convaincu d’avoir là un modèle bactérien particulièrement intéressant, il était d’accord de rejoindre le laboratoire de chimie bactérienne, chemin Joseph Aiguier à Marseille, à la condition, précise-t-il, « de bénéficier d’équipements nécessaires pour élucider le mécanisme de la motilité de cette bactérie ». C’est ainsi qu’en 2011, après avoir été auditionné par le conseil scientifique de la Fondation Bettencourt Schueller, il est devenu l’un des quatre lauréats du Prix Coup d’élan de la Fondation. La dotation de 250 000 euros qui lui a été attribuée a permis à son équipe de déménager sur un étage entièrement rénové du bâtiment N du CNRS. Et dans ces locaux flambants neufs, ont pris place un microscope à fluorescence ainsi que d’un appareil de type Akta pour purifier les protéines.
Aujourd’hui, le pari est gagné puisque l’équipe Mignot a réussi à mettre au point « des techniques de microscopie nouvelle pour visualiser les protéines clés de ce mécanisme de motilité. La Myxococcuss a la formidable capacité à former des groupes de cellules, un peu comme des bancs de poissons, qui se comportent de manière coordonnée en interaction avec l’environnement. Et ce mouvement coordonné est central à la génèse d’un organe fonctionnel, ainsi que lors des déplacements pathologiques comme la formation de métastases cancéreuses ». Pour Laura Ferri-Fioni, responsable du mécénat scientifique de la Fondation : « Nous sommes fiers d’avoir contribué à l’installation de toute l’équipe dans de meilleures conditions et, par la même, à la réussite de cette découverte fondamentale ». Et au Dr Mignot de conclure : « Le succès de cette expérience montre que de jeunes équipes d’excellence peuvent être installées en France et trouver le soutien nécessaire pour être positionnées favorablement dans une contexte international extrêmement compétitif. » Ce que ne démentira pas la Fondation Bettencourt Schueller, bien au contraire.
Quant au laboratoire de chimie bactérienne (UMR 7283), il regroupe douze équipes, dont celle de Tâm Mignot, ce qui représente environ une centaine de personnes qui se penche quotidiennement sur le « monde merveilleux des bactéries », comme le définit avec humour son directeur, le Pr Frédéric Barras. Et la liste est conséquente puisqu’elle comporte l’entérobactérie Escherichia coli, les bactéries du sol Bacillus subtilis, Clostridium et Myxococcus, la bactérie marine Shewanella, les cyanobactéries des eaux douces et marines, les bactéries acido-résistantes Thiomonas et Acidothiobacillus, des magnéto-bactéries marines, et des bactéries pathogènes des plantes, Erwinia chrysanthemi, ou de mammifères, Salmonella. « Nous exploitons les bactéries, nous les traquons, nous décryptons les génomes… afin de comprendre comment les bloquer. Nous avons aussi l’idée de pouvoir peut être un jour remplacer les antibiotiques par des virus pour les combattre ». Les applications de ces recherches concernent la résistance aux antibiotiques mais également la bioénergie et la biomasse.
Reste en tout cas à l’équipe Mignot d’entamer un nouveau chapitre, qui courra sur une bonne décennie certainement, pour élucider cette fois « la nature du signal que reçoivent les bactéries pour coloniser et parasiter un organe comme dans le cas des foyers métastatiques. À ce jour, c’est un grand mystère ».
REPERES
> La Fondation Bettencourt Schueller remet, chaque année, quatre prix scientifiques dont le prix Coup d’élan pour la recherche française qui récompense quatre laboratoires publics (deux de l’Inserm et deux du CNRS). D’un montant de 250000 euros par lauréat, cette dotation est destinée à optimiser les infrastructures et les conditions de travail des chercheurs.
> Le laboratoire de chimie bactérienne (LCB) dispose d’un budget annuel de 1,2 M€ dont 300 K€ de tutelles (CNRS, Université), reçoit le soutien de l’Agence nationale de recherches (ANR), de l’Europe et de l’Université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC) et développe une collaboration avec Total.
> Le Dr. Tâm Mignot vient de co-publier, dans la revue de référence Nature, l’article “The mechanism of force transmission at bacterial focal adhesion complexes”, avec d’autres chercheurs du CNRS.
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