Il est des semaines à Marseille où les réalités se percutent. Sans forcément avoir le moindre rapport ! Quoique ! Ainsi en notre bonne ville que les sondages s’entêtent à qualifier de « destination très sollicitée », une constante : la violence. Elle est historique, sociologique, économique, politique et même culturelle.
A tout seigneur pince-monseigneur, comme s’en amusait le regretté Frédéric Dard, commençons par le Rassemblement National et ses satellites. Nombreux y sont ceux qui nourrissent leur propagande des constats qu’ils bricolent avec une mauvaise foi décomplexée. Avec pour seul objectif de proposer une réalité alternative, puisqu’à leurs yeux les médias ne diffusent que des contre-vérités.
A ce jeu-là, l’inénarrable Stéphane Ravier, ex-Rassemblement national et désormais zemmouriste repenti, tient toujours le haut du pavé qu’il rêve du reste de flanquer dans la poire de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un démocrate. Il eut même ce cri du cœur lors d’un rassemblement de ses admirateurs énamourés : « je t’en foutrais du vivre ensemble ». Il visait les populations qui avaient, en partie, eu la faiblesse de l’élire. Il ne faudra pas compter sur lui pour construire un avenir où les plus pauvres pourront commencer à rêver d’accéder à au moins une part de ce dont bénéficie les plus opulents : un habitat digne, un emploi décent, de vrais lieux de culture.
Qu’on se le dise, pour l’extrême-droite la seule urgence est cette vague submersive venue d’Afrique qui veut s’en prendre à nos valeurs chrétiennes et profiter sans complexe du « confort » du RSA, de la protection sanitaire, des avantages sociaux. Cette même engeance s’est cependant émue toute la semaine de la menace qui pèse sur Marine Le Pen reprise de justesse par les juges qui l’ont prise la main dans le pot de miel européen. Cette manne permettait à des présumées secrétaires, hommes et femmes à tout faire, gardes du corps, d’être rémunérés comme des assistants parlementaires, sans avoir jamais été le moindrement impliqués à Bruxelles ou à Strasbourg.
Comme Jordan Bardella, le sémillant président du RN, les élus marseillais parlent d’un « complot » ourdi par la justice et suggèrent que pendant ce temps-là la vraie criminalité – principalement migratoire – prospère et que les magistrats complaisants ferment les yeux.
A droite, républicains et macronistes entonnent le même refrain en désignant ces zones de non droit où l’économie de la drogue règnerait avec la complaisance des populations au sein desquelles elle ferait consensus. Le prolixe ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, avec un ton quasi jubilatoire pouvait du coup, accompagné sur sa gauche du taiseux garde des Sceaux, Didier Migaud, fondre sur les quartiers nord de Marseille, à l’origine de tous les maux.
Bruno Retailleau et « les narcoracailles »
Les mots du ministre trouvaient des micros complaisants pour diffuser quelques fleurs rhétoriques de son champ lexical : il fallait in petto emboîtait le pas sémantique du Vendéen qui parle de « mexicanisation de la France », de « narco racailles » ou même de « guerre aux gangs de la drogue ». On allait voir ce qu’on n’avait jamais vu dans ces « territoires perdus de la République ».
C’était sans compter sur La Castellane, Plan d’Aou, Frais Vallon, Bel Air, La Cayolle, tous ces espaces abonnés aux faits-divers les plus sanglants où, malgré la proximité trompeuse de la grande bleue, on est très loin de l’iode atlantique chère à Retailleau, comme de l’Histoire à dormir debout des bardes du Puy du Fou.
« Effarés », selon quelques témoins de cette visite éclair, nos ministres ont découvert le présent d’un pays réel, où s’entrelacent la misère sociale, le trafic de stupéfiants, la violence physique et morale et en prime, si l’on peut dire, la désertion des élus ou leur impuissance inavouée.
Un débat, où nos gouvernants auraient trouvé de quoi enrichir leurs analyses bâclées, a permis quelques jours plus tard de tordre quelques idées reçues et d’évoquer le sort d’habitants plus victimes que bourreaux. Il y avait dans un Mundart plein à craquer (1) un procureur de la République, Nicolas Bessone, un écrivain chercheur, Philippe Pujol, un politique associatif, Amine Kessaci, pour dire la complexité d’une situation, la dérision des solutions réductrices, le désarroi et la révolte des plus abandonnés.
Narcotrafic : la responsabilité des consommateurs
Ceux-là attendent que ce pays et cette ville arrêtent de se gargariser des mythologies qui font le sel des dérapages du rap, des scripts de quelques thrillers, ou encore, des pages noires de magazines pressés. La comptabilité tenue par le magistrat marseillais atteste d’une « dérive mafieuse » et questionne ceux qui hésitent à pointer du doigt ces consommateurs qui remplissent, sans état d’âme, les bas de laine de caïds planqués au Maroc, à Dubaï ou en Thaïlande.
« DZ Mafia », « Yoda » et autres « Blacks » n’ont cure, comme eux, de la misère sociale à laquelle ils assignent ceux dont leurs petites mains ont envahi les immeubles. Le malheur n’est pas un avenir. C’est l’urgence à laquelle doivent s’atteler les pouvoirs qu’ils soient locaux ou nationaux.
Pendant ce temps hélas la vie continue à Marseille. Mme Samia Gali explique que le maire Benoît Payan est « la tête de liste naturelle » de la gauche marseillaise. Puisqu’elle le dit, feignons de la croire et de n’avoir pas vu comment l’extrême gauche règne sur les arrondissements perdus par les socialistes. La chanson de Gainsbourg, « Je t’aime, moi non plus ! » n’a pas encore rejoint son cimetière à Montparnasse.
Au Dôme il était question d’une toute autre musique. Les soirées se suivent mais se ressemblent peu. Une lauréate des Victoires de la musique, Zaho de Sagazan, a convaincu ses fans qu’il « faisait toujours beau au-dessus des nuages ». Elle est allée le chanter aux enfants malades de la Timone. Pourtant on est passé de la meilleure au sbire, avec Médine qui sous la même voûte de St-Just est venu vomir son salmigondis lexical. Le pitbull qui aboyait il y a peu encore, « Crucifions les laïcards comme à Golgotha » (Don’t Laïk) y est allé de sa reng-haine pour quelques brayards embrumés.
Ainsi va la culture au pied de la Bonne Mère. Heureusement comme l’aurait dit notre ancien maire, il y a encore le marché aux santons pour les ravis des crèches. Quant à ceux qui, faute de transports en commun efficients sont privés de Canebière, Jean-Claude Gaudin, dans un mélange d’impuissance et d’indifférence, relativisait ainsi : ce n’est pas grave… « tant qu’ils se tuent entre eux ».
(1) : Une soirée débat organisée par l’association Marseille et moi.