Né à Marseille en 1879, Charles Camoin grimpe à Paris dès l’âge de 18 ans, pour étudier les beaux arts. Dans l’atelier de Gustave Moreau, au bord de la Seine, il va croiser Matisse. Et ils deviendront amis. Ensemble, ils iront peindre Tanger, et , quand surgira la première guerre mondiale, Matisse offrira une bicyclette au soldat Camoin. Durant ce conflit, comme bon nombre d’autres artistes, le peintre sera affecté au camouflage !
Déjà en képi rouge, sous les drapeaux tricolores, ce pioupiou quitte, un soir de 1901, sa garnison aixoise pour rendre visite au vieux , et si talentueux, Paul Cézanne. Le maître n’a plus que cinq ans à vivre, mais il entretiendra avec le jeune barbichu qu’il surnomme “Carlo” ou “Carlos”, une amicale correspondance [heureusement qu’il n’y avait alors ni Facebook ni portable]… Sept lettres manuscrites que le musée aixois rend accessibles et visibles par tous, pour la première fois.
Goût du nu
Ces courriers constitueront pour le jeune homme une sorte d’évangile, de guide de l’esprit et du pinceau, sans oublier les éclats lapidaires que pouvait lancer le visionnaire de Sainte Victoire, du genre : “Les hommes politiques, en France, il y en a plus de mille… Et c’est de la m…. Tandis qu’il n’y a qu’un seul Cézanne !” Le cadet marseillais cherchera, lui, selon ses propres dires, “à ne pas faire emmerdant, ni à s’emmerder”.
Sans prétention révolutionnaire de la palette, il tentera une synthèse entre l’impressionnisme et le fauvisme, ou la puissance des couleurs. Avec un goût marqué pour les scènes de nu ; que l’héroïne soit au jardin, à la plage , ou au bordel. Quelques unes de ces chairs abandonnées cernent le visiteur en haut de l’escalier de la maison Granet. Un peu comme l’antichambre du septième ciel.
Triomphe de l’azur
Deux mille toiles plus tard, Camoin s’éteint en 1965 , il sera enterré à Marseille. S’écartant des modernistes, qui inclinent vers l’abstraction et le cubisme, il maintiendra un regard doux et tropezien sur les bleus, cobalt ou d’outre-mer, vus à travers la verdeur des pins. Camoin ne cessera de restituer sur ses tableaux cette envie de beauté et de bonheur qu’il puise dans la simple observation de la nature méditerranéenne. Le poète Mallarmé évoquera “le triomphe de l’azur”. En 1920, le peintre épouse à Marseille Lola (Charlotte Prost), qui lui donnera une fille, Anne-Marie, treize ans après.
Entre la butte Montmartre et les calanques corses de Piana, autour de Cassis ou du Panier de sa ville natale, cet artiste aura connu quelques moments de doute. L’incitant parfois jusqu’à détruire certaines de ses œuvres. La centaine de survivantes qu’expose le musée Granet pour 16 semaines mérite d’être vue, comme une sortie de l’ombre de celui qui fut baptisé “le fauve du sud”.
Lien utile :
Du 11 juin au 2 octobre, du mardi au dimanche, 12 à 19h, de 0 à 7 euros.
www.museegranet-aixenprovence.fr