Il n’y a pas que l’argent dans la vie. Une entreprise, c’est aussi des hommes, une vocation citoyenne, une responsabilité environnementale… Alors comment prendre en compte ces éléments qui ne ressortent pas dans le capital exclusivement financier d’une société ? L’Institut national de l’économie circulaire (Inec) et le cabinet Compta durable espèrent résoudre ce problème avec le programme « Care ». Le député de la 10ème circonscription et président de l’Inec, François-Michel Lambert, a poussé l’idée à l’Assemblée nationale et auprès du gouvernement de lancer une grande expérimentation en région Paca pour tester un nouveau mode de comptabilité auprès des entreprises. L’idée : transposer les méthodes conventionnelles gestion du capital aux ressources naturelles et humaines.
Obliger les entreprises à préserver leur capital humain et environnemental
Légalement, le capital d’une entreprise de doit pas baisser au-dessous de son seuil de départ : « On veut appliquer cette même règle pour le capital humain et environnemental », explique Hervé Gbego, le fondateur du cabinet Compta durable. Avec la méthode Care, une entreprise se verrait donc dans l’obligation d’engager une somme équivalente à la dégradation de son capital environnemental de départ. Par exemple, une société d’agriculture qui exploite une terre pour faire pousser ses légumes doit prendre en compte le sol comme une ressource indispensable à son développement. Ainsi, la qualité du terrain d’origine sera évalué à un indice de départ qui ne devra pas baisser sous peine de devoir réparer les dégâts. Mais parfois, les entreprises les plus vertueuses peuvent même améliorer ce capital naturel : « On cherche ainsi un moyen de rémunérer la préservation de l’environnement. Cela pourrait passer par un système de subventions mais elles ne seraient que temporaire, le temps pour l’entreprise de créer de la richesse pour absorber le coût », avance Hervé Gbego.
Cette nouvelle forme de comptabilité prend aussi en compte l’aspect social. La première ressource d’une entreprise étant ses équipes, elle doit s’assurer du bien-être de ses salariés pour être performantes. Ce cercle vertueux serait pris en compte noir sur blanc dans les écritures comptables. Même principe que pour l’environnement, « on peut imaginer un seuil de stress, par exemple, à zéro et l’entreprise devra se fixer un objectif pour l’améliorer, ou du moins, le maintenir sinon la ligne psycho-social du bilan comptable sera négative », explique Hervé Gbego. Les entreprises ont également un impact sur la vie de leur territoire. Le programme Care a développé un outil pour mesurer l’ancrage territorial des sociétés qui prend en compte la création d’emplois, le soutien aux associations ou encore l’accompagnement d’initiative sociale pour les habitants. « Ici, si l’entreprise a des rapports conflictuels avec les riverains, il faut trouver un moyen pour les améliorer », poursuit Hervé Gbego.
Premiers bilans dans un an
Contrairement aux méthodes anglo-saxones comme l’Integrated reporting capitals (IRC ou reporting des capitaux intégrés), Care ne dissocient pas les capitaux financiers des autres capitaux. Le principe est de réunir l’ensemble des éléments au sein d’une seule comptabilité pour que l’entreprise puisse les valoriser auprès d’éventuels investisseurs : « Ils seront rassurés avec une preuve de l’absence de risques environnementaux et sociaux », affirme Hervé Gbego. Les équipes du programme Care sont en phase de recrutement des entreprises qui participeront à leur expérimentation. Ils espèrent attirer une dizaine de PME de 10 à 250 salariés issus de divers secteurs (industriels, tertiaires…) pour avoir un panel le plus représentatif possible. Ils restent tout de même ouverts aux éventuelles propositions de grands groupes. Des discussions seraient en cours avec Pernod-Ricard. L’Inec et Compta Durable prévoit de présenter les premiers résultats de ce test dans un an. Il espèrent ensuite l’étendre à d’autres régions de France comme l’Occitanie qui est sur les rangs. Prochaine étape, inscrire cette nouvelle forme de comptabilité dans la loi. Le modèle Care a d’ores et déjà été recommandé dans le cadre de la mission « Entreprise et intérêt général » qui viendra alimenter le projet de loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).