Telaqua est une jeune société marseillaise qui développe des solutions connectées pour optimiser la consommation d’eau. Fondée il y a quelques mois par deux marseillais, Sébastien Demech et Nicolas Cavalier, et un franco-chilien Nicolas Carvallo, la start-up travaille sur deux secteurs d’activités : l’irrigation connectée et les compteurs intelligents pour une détection fine des fuites d’eau.
C’est au sein du Pôle d’innovation et d’entrepreneuriat social, également appelé le Cloître que Telaqua va installer ses bureaux, mais surtout pouvoir expérimenter et développer son dispositif d’irrigation sur un terrain prochainement exploité par Le Paysan urbain (à lire prochainement sur Gomet’), un autre résidant du Cloître. « Pour nous cela à deux intérêts, c’est aux portes de la ville, c’est de l’agriculture urbaine, et on y croit énormément, c’est même un peu notre passion à côté de Telaqua, c’est le futur. Et puis on croit beaucoup en la réinsertion, ça peut à la fois nous aider, car on recherche des développeurs informatiques, des commerciaux… et les aider à trouver un métier qui a de l’avenir. On pourrait former nos futurs employés… », s’amusent les trois associés.
Comment ça marche ?
L’idée est simple : avoir des capteurs de contrôle pour permettre à chaque plante de recevoir la bonne quantité d’eau, et pouvoir à distance démarrer ou non l’irrigation. « On utilise la technologie dite « bas débit », c’est-à-dire, les nouvelles technologies des objets connectés sur une très longue distance en envoyant de très petites données, c’est donc parfait pour ce que l’on mesure, explique Nicolas Cavalier, directeur général de Telaqua.
Le dispositif fonctionne grâce à des cartes électroniques mesurant les constantes (pression, débit, ouverture ou fermeture d’une valve…). Toutes ces données vont être ensuite agrégées et traitées. « On va mettre un peu d’intelligence dans tout ça pour que ça puisse proposer à l’agriculteur la manière d’améliorer sa consommation d’eau, sa productivité etc…, poursuit Sébastien Demech, président directeur général. Un système plus efficient, plus performant et plus économique. Cela nécessite une moindre consommation d’eau, une moindre consommation d’énergie électrique donc il y a un double gain et réels bénéfices pour l’agriculteur ».
Telaqua, « eau » secours de l’agriculture
C’est dans son garage que Nicolas Carvallo a élaboré le premier prototype. A l’heure actuelle, les premiers capteurs sont expérimentés au Chili. Une trentaine ont été installés en novembre 2017 sur 100 hectares d’un champ agricole de 500 hectares, à quelque 200 kilomètres de Santiago du Chili. Un domaine viticole où la production du raisin n’est pas destinée à la fabrication du vin, mais au raisin de table. « Ils ont des espaces immenses et il faut pouvoir suivre l’irrigation, explique Nicolas Carvallo. Aujourd’hui il n’y a aucun moyen de suivre cette irrigation à part en allant sur place, mais compte tenu de l’espace c’est compliqué, donc ils avaient un besoin de suivi à distance ». La solution Telaqua semble porter ses fruits puisque 70 autres nouveaux capteurs devraient être installés à la fin de l’année 2018.
Pour aider à optimiser son système, la start-up travaille aussi avec Ardépi, l’association régionale pour la maîtrise des irrigations de Provence. Grâce à Ardépi, Telaqua a pu installer d’autres capteurs à Mallemort et chez un maraîcher de Valensole (Alpes-de-Haute-Provence).
500 capteurs d’ici à 2020 à l’international
Dans cette première phase de leur projet, les associés recherchent des partenaires plus que des clients pour les accompagner, notamment dans le développement de la partie électronique, logicielle « et traitement de la donnée qu’il va falloir améliorer. On est en train de se financer pour faire appel à des bureaux d’études pour la fabrication des cartes électroniques ». Telaqua mise sur le « made in France », pour la conception et la production des premières unités (entre 100 à 1000 capteurs) « Il y a une volonté de développer et de fabriquer en France, voire en Europe, et même dans la région », confie le P-dg.
Telaqua vient de lever 150 000 euros de fonds non-dilutifs (prêts d’honneurs et subventions), grâce au Pays d’Aix, à Initiative France, la Caisse d’Epargne ou encore le Crédit agricole. Pour financer leur solution, deux autres levées de fonds sont prévues dans le courant de l’année : la première, sous forme de prêt participatif, puis l’autre avec des business angels ou fonds d’investissements. « On va aussi solliciter la BPI, la Région… ». Le patron mise sur l’installation de 500 hectares d’ici à 2020 à l’international soit 500 capteurs qui permettrait d’atteindre un chiffre d’affaire de 500 000 euros.
Des compteurs intelligents pour détecter les fuites d’eau et « redonner de la valeur à la donnée »
Le temps de développer leurs capteurs, Telaqua a décidé d’investir un autre marché : celui des compteurs d’eau connectés. « On a été contacté par des syndics et des promoteurs immobiliers qui ont des problèmes de fuites d’eau dans leurs immeubles, donc on a lancé une offre de détection de fuites d’eau pour le bâtiment (syndics, offices HLM, promoteurs, entreprises, hôtels, restaurants…), explique Nicolas Cavalier. On installe un compteur d’eau plus précis que ce qui se fait à l’heure actuelle et qui va être en mesure de détecter les fuites, mais aussi les fraudes et le relevé de compteur devenu obligatoire tous les ans maintenant dans les immeubles… » Une installation gérée par une application mobile ou internet du nom de « Telaqua ».
L’offre est en train d’être commercialisée. Un compteur est testé actuellement dans un immeuble du Roucas-Blanc à Marseille. Telaqua mise sur le même processus de financement que pour ses capteurs d’irrigation connectés, avec un plus : les compteurs nécessitent un abonnement mensuel entre 40 et 50 euros, permettant d’assurer des revenus récurrents. « Là on vise 500 compteurs en 2018 ». Si Telaqua apporte son expertise sur le réseau, elle veut également travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs du compteur pour améliorer l’électronique, et optimiser l’application. « On est d’ailleurs en train de sélectionner le meilleur fournisseur, celui avec lequel on pourra le mieux travailler, parmi des Italiens, Estoniens, Allemands, on a aussi un Français et un Américain… »
A terme, à l’heure des scandales Facebook et Google, les trois associés ont l’ambition de redonner la valeur de la donnée à l’utilisateur final; le particulier. « C’est plus qu’une idée, c’est notre rêve. Nous allons générer beaucoup de données appartenant à un particulier, si on l’utilise pour la revendre, ils auront une part qui leur sera reversée et s’ils veulent supprimer leurs données, ils le pourront aussi directement depuis leur application, c’est logique. Ils donnent de la donnée, on l’exploite, c’est normal qu’ils soient récompensés en retour et ça, aucune entreprise ne le fait ».