À Arles, Rémy Brossel, médecin oncologue médical et physicien, travaille sur une nouvelle méthode pour s’attaquer au cancer. Il s’appuie sur les travaux publiés par une équipe californienne en 2005 (M Paszek et col.) qui a démontré que, in vitro, l’augmentation de la pression sur un tissu sain le rendait cancéreux, … et vice-versa ! Depuis cette découverte, un nouveau mouvement est né au sein de la communauté scientifique internationale, la ‘Physical Oncology’ ou Oncologie physique. Aux États-Unis, le MIT, Harvard ou Stanford et d’autres universités prestigieuses ont missionné des équipes pour explorer cette nouvelle piste du traitement du cancer par des signaux mécaniques (et non pas biologiques). À Singapour, un important laboratoire financé par des groupes privés et rassemblant des dizaines de spécialistes travaille également sur le sujet. « En Europe, de plus en plus de scientifiques s’intéressent à cette nouvelle voie mais il n’y a pas encore de liens entre nous. Nous en sommes encore à porter la bonne parole auprès des cancérologues, … et des investisseurs, qui sont si frileux …», explique le fondateur de Cell Constraint & Cancer. Cette nouvelle voie implique également le rapprochement de deux mondes qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble : la biologie et la physique.
Une pression créée par des particules aimantées
Convaincu de l’avenir de l’oncologie physique, Rémy Brossel a créé Cell Constraint & Cancer en 2009 à partir du brevet déposé sur une technologie qui est une innovation de rupture. En gros, il s’agit de faire in vivo (chez l’animal) ce qui a été démontré in vitro (dans des boîtes de Petri) par les Californiens. Cell Constraint & Cancer a décidé d’utiliser des nanoparticules aimantables injectées autour de la tumeur pour exercer une pression sur le tissu cancéreux une fois plongée dans un ‘gradient’ de champ magnétique. Les nanoparticules servent alors à transformer une partie de l’énergie magnétique en énergie mécanique. Après seize mois de travaux et de discussions acharnées, la start-up a finalement publié en avril dernier dans la revue Plos One la ‘Preuve de Concept’ de son traitement in vivo sur une souris : « Ce fut difficile. Il a fallu expliquer des principes physiques à des biologistes mais ce travail de pédagogie nous servira pour la suite », affirme Rémy Brossel. Les résultats très positifs de cette expérience doivent maintenant être confirmés par une « preuve d’efficacité ».
Cette preuve d’efficacité montrera l’action de ce traitement par des signaux mécaniques sur du cancer humain du pancréas greffé dans le pancréas de souris. Pour y parvenir, la société a lancé la production de gros électro-aimants et d’un lot de microparticules aimantables injectables et qui iront se positionner autour de la tumeur. Un premier démonstrateur sera prêt d’ici quatre mois et l’expérience doit donner les premiers résultats avant la fin de l’année.
5 millions d’euros pour arriver au test sur l’homme
Avant de pouvoir imaginer tester son traitement sur l’homme, Cell Constraint & Cancer va devoir trouver les moyens de financer ses travaux. Et notamment un prototype qui utilisera des gros aimants supraconducteurs, un peu comme ceux des IRM. Pour l’instant, la société est parvenue à collecter 500 000 € auprès de particuliers mais elle va devoir réunir encore 800 000 € avant la fin de 2018. Elle est actuellement en contact avec des business angels et des investisseurs privés pour lever des fonds mais, pour faciliter sa collecte, la start-up va entrer sur le Marché Libre d’Euronext au début de l’été : « Cela permettra surtout d’augmenter notre visibilité auprès de potentiels investisseurs », explique Barthélemy Brossel, le P-DG. En tout, il estime à 5 millions d’euros la somme nécessaire pour parvenir à une étude clinique de phase I-II chez le patient atteint de cancer du pancréas d’ici 2020.
Pour commencer, l’entreprise a choisi de s’attaquer à ce cancer qui est pour l’heure un cruel échec de la cancérologie : « En France en 2016, 12 000 cas et 11 000 morts ! De plus la maladie touche tous les pays et augmente d’année en année. Les rares guérisons sont obtenues au prix d’une lourde intervention chirurgicale, la radiothérapie est purement palliative, les ‘nouveaux médicaments du cancer’ souvent appelés ‘thérapies ciblées’ sont des échecs. La seule amélioration récente vient de produits de chimiothérapie dont on connaît les effets secondaires redoutables. Et la seule vraie innovation récente en cancérologie, l’immunothérapie, ne résoudra probablement que partiellement le problème », estime Rémy Brossel. Une fois prouvé l’efficacité de sa technologie, il entend bien se pencher sur les autres formes de cancers car son approche par la mécanique s’adapte à de nombreuses formes de la maladie. Il pense donc aussi aux cancers qui naissent dans le cerveau et le foie qui sont si difficiles à traiter.
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