La Centrale biomasse de Provence (anciennement centrale à charbon), opérée par GazelEnergie (groupe tchèque EPH) sur les communes de Gardanne et Meyreuil, s’apprête à se dévoiler au cours d’une enquête publique d’une très grande ampleur couvrant 17 départements (lire notre précédent article). Camille Jaffrelo, la directrice de cabinet du président de GazelEnergie, Frédéric Faroche, en explique ici les enjeux. Elle revient également sur la reprise de la production en janvier et évoque l’avancée des projets de développement additionnels.
Qu’est-ce que vous attendez de l’enquête publique qui va s’ouvrir autour de l’activité de la Centrale de Provence ?
Camille Jaffrelo : C’est un temps important. Il doit aboutir à la régularisation de l’autorisation provisoire d’exploitation de la centrale. C’est l’aboutissement d’une procédure qui date de presque déjà deux ans lorsqu’il y a eu le jugement du Conseil d’Etat qui nous enjoignait à compléter notre étude d’impact sur les effets indirects. C’est-à-dire que cela ne concerne pas le fonctionnement de la Centrale en tant que tel mais l’approvisionnement de la centrale et le bilan carbone associé. Six modules d’études assez lourdes ont été faits, notamment sur la disponibilité en biomasse sur le territoire, le bilan carbone de l’installation, l’ensemble des pratiques avec nos fournisseurs… Aujourd’hui, nous avons des données massives qui nous permettent d’aller vers le public en expliquant que la centrale n’a pas d’impact dans son approvisionnement sur la forêt.
Centrale de Provence : « La critique historique est rendue complètement caduque »
Comment l’expliquer ?
C. J. : D’abord, le modèle de la centrale a complètement évolué avec un contrat renégocié avec l’Etat qui divise par deux les volumes de production, ce qui divise par deux les tonnages de biomasse. Donc la critique historique qui consistait à dire que nous étions une “giga centrale” de biomasse qui allait raser toute la forêt est rendue complètement caduque.
Ce n’est plus une centrale qui va tourner toute l’année, mais qui va fonctionner en “semi-base” pendant 4 000 heures par an, soit six mois de production. Nous parlons aujourd’hui d’un approvisionnement en biomasse de 450 000 tonnes contre 850 000 précédemment. Au total, 150 000 tonnes seront récupérées sur le port, 60 000 tonnes proviendront de bois-déchets et 240 000 tonnes de plaquettes forestières locales. Ce que l’on va prélever sur la ressource disponible de la région n’atteint que de 4% du total bois coupé (*). Ces chiffres sont étayés par tous les bureaux d’études du pays. Ce qui démontre que notre approvisionnement a un impact minime et ne prive par les autres consommateurs de biomasse sur l’ensemble des 17 départements concernés.
Concernant le bois en provenance du port, quelle est son origine ?
C.J. : Il vient d’Italie et de Croatie et, toujours à ce stade, du Brésil sur des contrats long terme sur les champs d’eucalyptus plantés dans les années 80. Nous ne sommes pas du tout en train d’aller chercher du bois dans la forêt amazonienne. Nous parlons de champs d’eucalyptus plantés à l’époque pour les papetiers. Cette industrie s’étant réduite à l’échelle mondiale, ces champs se retrouvent sans clients. Or, il faut bien des acheteurs pour ce type de biomasse qui remplit les conditions du bois énergie.
Quid du prélèvement de la ressource sur les zones Natura 2000 dénoncé par des écologistes ?
C.J. : La cour administrative nous a en effet enjoint d’aller regarder de façon spécifique ce qui se passait sur les zones Natura 2000. Nous avons décidé dans notre futur plan d’approvisionnement d’exclure ces zones. Nous savons nous fournir sans ces espaces où du bois est coupé par l’ONF notamment en protection des zones incendies.
Concernant le reste du bilan d’impact de la Centrale de Provence, qu’allez-vous présenter lors de l’enquête publique ?
C.J. : On va présenter le bilan carbone global de l’installation. Il a été calculé par Carbone 4 (cabinet de conseil indépendant) et explique clairement qu’entre le fonctionnement au charbon et celui en biomasse, cela a permis de réduire de 80% l’impact carbone du site.
Après le contrat de fourniture d’énergie auprès de l’Etat officialisé en novembre, pour 800 millions d’euros, comment se déroule la reprise de la production ?
C.J. : Il a fallu en janvier remettre l’installation en fonctionnement après plus d’un an d’arrêt puis nous avons repris la production en pleine puissance à 550 Mégawatts. Il y a parfois des arrêts pour des sujets de maintenance comme la semaine dernière (interview réalisée vendredi 4 avril, ndlr), ce qui est classique pour une installation industrielle de production d’électricité. Nous avons produit durant 1 500 heures depuis le début du mois de janvier, ce qui équivaut à deux mois de production. Il faut que nous arrivions à placer nos 4 000 heures dans le calendrier de l’année, en fonction des maintenances. Mais normalement, la centrale a vocation à s’arrêter sur les périodes d’été.
Sur le mois de mai, on ne sait pas encore. Cela dépend aussi des marchés de l’électricité qui sont très fluctuants. Or, nous essayons de faire fonctionner notre centrale quand les marchés sont plus hauts afin que cela coûte moins cher aux contribuables, car c’est l’Etat qui vient compenser l’écart entre le prix de marché et le prix de fonctionnement (**). Après l’été, la centrale devrait reprendre entre septembre et octobre jusqu’à atteindre les 4 000 heures contractuelles de production annuelle.
Est-ce que ces périodes de production puis d’arrêt ont un impact sur l’effectif de la centrale ?
C.J. : Non, cela ne change pas l’effectif. Les salariés sont déjà habitués à ce type de calendrier. Pour prendre un exemple concernant les centrales à charbon, cela fait des années et des années qu’elles fonctionnent l’hiver. Culturellement, chez nous, ce n’est pas un fait nouveau.
Depuis la reprise de la production, il n’y a pas eu de changement sur le nombre de personnels ?
C. J. : Non, nous sommes toujours à 120 personnes. Sur le site, il n’y pas que des salariés sur l’exploitation, qui concerne un peu plus de 90 personnes. Nous avons aussi des emplois liés au démantèlement. Car nous avons une centrale à démanteler sur le site. Il faut également préciser que l’activité génère du travail pour une centaine d’emplois en sous-traitance. Notre manutention est externalisée, comme une partie de la maintenance. L’activité génère en outre 500 emplois indirects avec l’écosystème forestier et le port.
En parallèle de l’unité Provence 4 B, la centrale de biomasse, est-ce que les autres projets d’activités avancent ? L’ancienne ministre Olga Givernet, lors de sa visite fin novembre pour l’officialisation du contrat énergétique avec l’Etat, avait insisté sur certains sujets, notamment le biogaz. On aimerait aussi en savoir plus sur le projet d’accueillir un data center…
C. J. : Ces projets avancent bien. Nous avons des discussions commerciales en cours avec des data centers, également pour installer des batteries de stockage d’électricité pour désaturer les réseaux dans la région Sud. Nous avons des discussions qui reprennent sur le projet de scierie pour améliorer la structuration de la filière biomasse. Il y a également le projet de l’association des salariés de la centrale de Gardanne qui avance également mais ce n’est pas à moi de communiquer sur leur projet.
Nous avons repris un développement plus serein de notre site car le coeur du développement se fait autour de la centrale biomasse. Evidemment, pour un data center, c’est plus sécurisant quand vous avez une production électrique qui fonctionne. Même si elle ne sera pas raccordée au data center. Tous ces projets avancent plus vite que lorsque la centrale était à l’arrêt. Mais il y a encore un peu de travail.
Ces nouveaux développements nécessiteront-ils de nouvelles procédures d’enquête publique ?
C.J. : D’abord, nous aurons une première étape qui sera le réaménagement du foncier, qui va en effet nécessiter une enquête publique ainsi que des travaux par la suite. Ce qui permettra de libérer un espace d’une trentaine d’hectares pour installer des projets. Le dossier est prêt. Nous attendons d’abord la régularisation sur P4B. Après, c’est à la Dreal (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, ndlr), en fonction des projets et des éventuelles autorisations ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement, ndlr), de décider ou pas d’enquêtes publiques complémentaires.
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(*) Définition de la ressource exploitable : la ressource exploitable désigne la partie de la biomasse forestière qui peut être récoltée de manière durable pour divers usages (bois d’œuvre, bois énergie, bois d’industrie) tout en respectant les capacités de renouvellement de l’écosystème. C’est donc la part du stock forestier qui peut être prélevée sans compromettre l’avenir des forêts ni les fonctions écologiques qu’elles remplissent, explique GazelEnergie, qui fournit également des chiffres sur l’évolution de la fôret ces 30 dernières années dans la région : 50% de volume de bois sur pied en plus et 30% de surface forestière en plus.
(**) Selon l’accord signé en début d’année 2025 avec l’Etat, GazelEnergie vend à un prix fixe à l’Etat, quel que soit le prix de marché. En conséquence, si Gazel vend lorsque les cours sont bas, l’Etat devra payer l’écart entre le “prix de marché” et le “prix de fonctionnement”, ce dernier étant fixé dans le contrat.