Par Hervé Nedelec
Ce n’est pas une surprise. Plutôt une fatalité. Le scrutin européen du 9 juin prochain est en passe d’être colonisé par toutes les problématiques nationales du moment, faits-divers, dette, immigration. Il y va pour certains d’une stratégie mûrement préparée, pour d’autres d’une méconnaissance crasse des enjeux, pour le plus grand nombre de régler des comptes, à bon compte. Les sondages témoignent de cet incroyable éparpillement avec un avantage incontestable au parti, le RN, le plus mobilisé pour détourner cette élection de son objet.
Dans ce contexte-là, le parti macroniste, Renaissance, joue une partition d’autant plus difficile à déchiffrer que sa chef d’orchestre,Valérie Hayer, malgré un bon bulletin attestant de son travail passé dans l’assemblée européenne, n’arrive pas à contrôler toutes les fausses notes qui s’échappent de sa propre formation.
MM. Bardella et consorts vous disent sans rougir que l’Europe libérale et mondialiste est la cause de tous les maux qui accablent nos compatriotes. La preuve est à nos pieds dans nos villes, nos campagnes, nos cités, disent les contempteurs de Bruxelles et de Strasbourg. Ils y trouvent la nourriture souvent avariée qui engraissera leurs diatribes.
Vu de Marseille ce spectacle, réputé démocratique, ne manque pas de saveur, si on prend le temps de le décrypter à l’aune des dernières secousses.
Dans ce brouhaha médiatique, on imagine la lippe gourmande de ceux qui ont vu ainsi tomber dans leur écuelle quelques bribes d’information distillées en ces temps électifs, par des ministres ou sous-ministres pressés de se hausser du col. Citons deux exemples récents.
Stanislas Guérini, ministre de la Fonction publique, a ainsi choisi à deux mois pile poil du rendez-vous des urnes, de « lever le tabou du licenciement des fonctionnaires dans la fonction publique ». Pour faire bonne mesure il a pointé « la culture de l’évitement sur ces sujets-là ». Dans l’orchestre Renaissance certains osent dire qu’il a surtout joué à contre-temps. On imagine volontiers comment les représentants de Macron dans les Bouches-du-Rhône bataillent désormais pour trouver les rames qui leur permettront au Conseil départemental, à la Métropole, à la Mairie de remonter le courant. Le pire, c’est que l’impétrant a pointé une des singularités qui agace autant qu’elle crispe. Comment nier dans notre région la rente de situation qui se perpétue au fil des changements politiques et explique en grande partie l’incurie de nos administrations, la gestion catastrophique des ressources humaines, le mille-feuille territorial, l’impunité à perpétuité de ceux que de Marseille à Aix on stigmatise pourtant à longueur de réseaux sociaux, sans résultats. Le Suisse Jacques Necker disait : « On a souvent tort par la façon que l’on a d’avoir raison ».
Autre déclaration ministérielle qui prête à sourire autour du Lacydon et bien au-delà. Le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, veut s’atteler à combattre l’attribution à vie de logements dits sociaux, en tenant compte de l’évolution des revenus des bénéficiaires. On imagine le sourire narquois de tous ceux qui, indument, profitent depuis des décennies des passe-droit qui leur ont permis de profiter de cette manne, instrument clientéliste par excellence. J’ai souvenir d’un fonctionnaire d’Etat, connu pour sa propension à dégainer plus vite qu’il ne négociait et qui se félicitait de la vue imprenable que son logement social lui donnait sur le Frioul. Pour faire bonne mesure ce brave homme m’expliquait que ce privilège lui permettait de louer à bon prix un appartement qu’il possédait dans un autre quartier de la ville. Paix à son âme même s’il n’est pas sûr que nous parlions d’un temps révolu. Courage aux fonctionnaires de M. Kasparian pour distinguer dans leurs futures enquêtes provençales, le bon grain de l’ivraie.
On reconnaîtra à la Macronie le cran de monter au front alors que l’adversaire gagne partout du terrain. Le bravache Général Foch avait eu pendant la première guerre mondiale cette audace : « Mon centre cède, ma droite recule, situation excellente, j’attaque… ». C’est beau comme l’antique, à condition d’être « trois milles en arrivant au Vieux-Port ».
Hervé Nedelec