Dans un rapport d’une soixantaine de pages rendu public au mois d’août (*), la chambre régionale des comptes pointe un grand nombre de dysfonctionnements au sein de la société d’économie mixte du Pays d’Aix, la Semepa. Les magistrats relèvent notamment des activités qui « ne respectent pas toujours les règles de mise en concurrence, ni la préservation de ses intérêts patrimoniaux ».
Après la Ville de Marseille en 2019, la chambre régionale des comptes s’attaque à Aix-en-Provence. Indirectement du moins car les magistrats viennent de révéler un rapport à charge sur la gestion entre 2011 et 2016 de la société d’économie mixte du Pays d’Aix, la Semepa. S’il a été finalisé en décembre dernier, la période électorale a repoussé sa publication car le président de la structure n’est autre que Gérard Bramoullé, premier adjoint de Maryse Joissains et nouveau premier vice-président de la Métropole. Lors du dernier conseil municipal d’Aix-en-Provence, fin juillet, ce dernier ne s’est d’ailleurs pas privé de critiquer le travail des magistrats : « Ils ne savent pas ce qu’est une société d’économie mixte », lâche-t-il.
Petits arrangements sur la Zac de la Duranne
A l’origine, la Semepa est le principal aménageur de la ville d’Aix-en-Provence et des communes environnantes mais son rôle a considérablement changé depuis sa création dans les années 60 : « Les évolutions du droit de la commande publique et du contexte de la coopération intercommunale sur son territoire d’intervention, ont conduit la Semepa à réduire peu à peu son rôle historique d’aménageur public », explique la chambre. Fin 2016, son portefeuille d’opérations ne comprenait plus que deux concessions publiques d’aménagement. La première, sur la ZAC de la Duranne, a été conclue en 1992 et devait s’achever en 2015. Or, « sur les 131 millions d’euros de travaux prévus au programme de l’opération, seuls 39 millions avaient été réalisés fin 2015 », constate le rapport. Un retard dû à une modification du projet adopté en conseil municipal en 2012. Initialement prévus pour accueillir des entreprises, 70 hectares ont été réaffectés à la réalisation d’un nouvel éco-quartier faisant passer le nombre de logements de la ZAC de 2 000 à 4 500 et reportant son achèvement à l’horizon 2022.
De plus, le budget de l’opération a plus que doublé passant de 85 millions à 171 millions d’euros. « De sérieux doutes pèsent sur la légalité d’un tel bouleversement de l’économie. Même si le contrat initial avait été conclu avant 2005, et donc sans mise en concurrence, les règles communautaires relatives à la passation des conventions d’aménagement faisaient obstacle à une telle modification », estime la chambre. Au vu de l’impossibilité de tenir le délai initial, la ville d’Aix-en-Provence a lancé en octobre 2015 un nouvel appel à concurrence remporté finalement par la Semepa : « Trois candidatures ont été reçues, seule la Semepa a déposé une offre, en tous points conforme avec les attentes du pouvoir adjudicateur, qui lui a attribué la nouvelle convention », s’étonne le rapporteur.
De plus, la nouvelle convention signée au mois de juillet 2016 doit s’achever en 2025 avec une rémunération de 500 000 euros par an. « Comparé au contrat précédent, la rémunération de la SEM a donc été augmentée sur la durée du contrat de 1,5 M€ (+ 12 %) en dépit d’un budget prévisionnel de travaux moins important (- 1 %), observe la chambre. Il peut par ailleurs être observé que l’opération a cette fois été conclue aux risques et profits de la Semepa et non de la Ville, ce qui devrait lui permettre de conserver le bénéfice qu’elle dégagera à son achèvement, évalué à ce jour à 2,4 millions d’euros, et qui échappera de fait à la Métropole, qui pourrait être substituée à la ville en tant que titulaire du contrat dans le cadre des transferts de compétences », ajoute-t-elle.
Sextius-Mirabeau : les excédents paient la poste et le conservatoire de musique
La seconde concession d’aménagement, relative à la ZAC Sextius-Mirabeau, devait s’achever fin 2018. Selon la chambre, elle aurait pu se solder par un excédent de 12 millions d’euros devant revenir à la Métropole. Cette dernière a toutefois choisi d’intégrer à cette opération des équipements supplémentaires (poste, office de tourisme, conservatoire de musique municipal). Soit 7,8 millions d’euros de dépenses supplémentaires qui ont été financées plus aisément que si la commune les avait inscrites à son propre budget ramenant l’excédent prévisionnel de l’opération à 4,6 millions d’euros. « Ce rattachement tardif nuit quelque peu à la transparence du coût de revient de ces équipements pour la ville, qui s’est servi du bénéfice prévisionnel d’une opération d’aménagement pour les financer », estiment les magistrats dans leur rapport. Sur ce dossier en particulier, le président de la Semepa Gérard Bramoullé a répondu à la chambre en indiquant que l’excédent réalisé s’est finalement établi à 5,45 millions d’euros « et ce malgré la réalisation de l’ensemble des équipements publics complémentaires soulevé par la CRC. Or, l’opération qui date de 1991 a été réalisée aux risques et périls de la Ville d’Aix-en-Provence. Force est donc de constater la gestion vertueuse de cette opération », conclut-il.
Opérations en propre, transfert des parkings, à lire demain la suite de notre dossier sur la Semepa
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> Retrouvez le rapport de la chambre dans son intégralité
> Le rapport de la chambre régionale à télécharger sur le site de la chambre régionale.
(*) Notre dossier a été publié en avant-première dans Le Digest Hebdo n°153, le 7 septembre dernier.