Que pensez-vous de l’initiative de la Métropole et du Conseil de territoire de Martigues qui lancent lundi 28 novembre la plateforme Cinéma et audiovisuel du Pays de Martigues ?
Sabrina Roubache* : C’est une excellente nouvelle que la Métropole, comme la Chambre de commerce, mette en avant la filière cinéma. Cela veut dire que l’on va maintenant travailler de manière fédérée, coordonnée. Je ne connais pas tous les axes du dossier mais c’est très positif.
Vous venez d’être élue à la Chambre de commerce. Quel sera votre rôle ?
S. B : Oui, Jean-Luc Chauvin est venue me chercher car il m’a dit l’importance qu’il accordait à nos activités. Le rôle qu’il m’a attribué est de fédérer l’ensemble des acteurs de la filière qui ne s’arrête pas qu’au cinéma. On parle bien de l’ensemble des industries créatives. Il s’agit du cinéma, de l’audiovisuel, du digital et du numérique.
Il existe pourtant déjà le cluster Primi, n’est-ce pas suffisant ?
S.B : C’est différent. La démarche à la Chambre est de faire travailler tout le monde ensemble, pas de remplacer telle ou telle structure. Je suis moi-même adhérente à Primi. Ils ont un fait un travail très important sur le transmédia et le digital par exemple. L’objectif est de travailler avec Primi comme avec Les producteurs associés par exemple. On a un objectif commun : fédérer la filière, travailler ensemble et développer le business. Pour nous c’est une révolution d’avoir à la CCI un porte-parole. Tout le monde est derrière. On n‘est pas là pour rigoler.
S.B Quels sont les autres acteurs avec lesquels vous souhaitez travailler ?
S.B : Tous ! À la Région, il y a le bureau du cinéma avec Elena Koncke (ex-responsable du protocole sous la mandature de Michel Vauzelle, NDLR) qui a remplacé Chantal Fischer. Ce sont les fonds régionaux. Après, on a la mission cinéma à la Ville de Marseille avec Stéphane Rizzo, son patron. Et à la Ville il y a un élu chef de file, c’est Didier Parakian en charge de l’attractivité qui a récupéré la mission cinéma. En parallèle, Serena Zouaghi est notre élue de référence. Au total, il y a une politique très volontariste sur la filière. Il faut s’en féliciter.
On a l’impression que le lancement de la plateforme de Martigues est le prélude à la constitution d’un véritable cluster. Est-ce votre sentiment ?
S. B : Oui, c’est le prélude, avec tout l’engagement d’Olivier Marchetti de Provence Studios. C’est un ami. Avec des gens comme lui ou comme moi qui prenons des risques, on peut aller loin. Nous, on joue la chemise tous les jours. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous sommes des entrepreneurs. Martigues, Marseille, c’est pareil. Il n’y a personne qui se tire la bourre. Je lui renvoie des tournages, il me renvoie des tournages. Quand on ne peut pas faire une prestation, on la dispatche.
C’est une bonne idée de faire ce lancement à Martigues ?
S. B. : Oui. C’est un état d’esprit généreux. On donne la primeur à Martigues. Et après on va revenir à Marseille. Car Marseille, c’est la deuxième ville de tournage en France, la deuxième place de production de programmes derrière Paris. On entraîne Martigues avec nous. Et donner la primeur à Martigues, je trouve que c’est du beau jeu. Dans l’état d’esprit, ça me va très bien. C’est comme ça que je travaille.
Quels sont les grands enjeux pour la filière alors qu’elle semble de plus en plus reconnue aujourd’hui ?
S. B : Continuer à structurer les missions cinéma, continuer à améliorer l’accueil des tournages, continuer à créer des ponts avec les investisseurs. Moi, quand je monte mon fonds d’investissement, je m’adresse à eux. Et ils viennent parce qu’ils croient aux programmes que je propose. Donc créer des ponts, faciliter les échanges, décloisonner. Avec l’université aussi. On a des choses à dire à Aix Marseille Université aussi. Sur les programmes de formations à nos métiers, on n’est pas bien doté.
Concernant la politique d’attractivité internationale, que faudrait-il faire ?
S.B : Quand je fabrique une série comme Marseille pour Netflix, on n’est pas juste « on fabrique une série digitale » ; en fait on fabrique une série diffusée dans le monde entier : 80 millions de téléspectateurs potentiels. C’est une force de frappe considérable. Les plateformes se multiplient. Je suis en train de travailler sur un programme avec Fullscreen, la petite sœur de Netflix. On a démontré qu’à Marseille, on est capable de produire des programmes à dimension internationale. La saison 2 de Marseille commence au mois de mars. Elle sera réalisée dans de meilleures conditions encore. Et il faut saluer l’engagement de notre maire Jean-Claude Gaudin qui nous a beaucoup aidé pour la saison 1. On a pu filmer à la mairie !
Qu’est-ce qui manque encore sur le territoire ?
S.B : Il nous manque des pépinières de producteurs, il nous manque un endroit qui va fourmiller. Nous, les producteurs, il faut que l’on puisse se retrouver et partager nos expériences. Il va y avoir la cité de l’innovation. Il faudrait faire la cité de la production.
Le pôle média à la Friche, ce n’est pas cette cité de la production ?
S. B : J’en profite pour rendre hommage à Plus belle la vie. C’est là que tout a commencé. C’est un fabricant de compétences. Hubert Besson, le producteur, a fait depuis 12 ans un travail incroyable. Et il nous a fait gagné 10 ans. Quand j’ai réalisé le tournage de Marseille pour Netflix, pratiquement tous les techniciens étaient passés par cette école. Le pôle media, ça devient trop petit. C’est complet. Il faut faire encore plus et créer d’autres lieux. La demande est très forte. Il y a de plus en plus de producteurs qui veulent tourner à Marseille, et plus généralement en Paca. Le marché est porté par les diffuseurs. Quand Netflix arrive, Amazon riposte et crée sa plateforme digitale. Puis Apple réagit, etc. Avant, on travaillait avec TF1 France 2 et France 3. Maintenant, on a le digital. C’est pour cela que je dis que ma filière c’est aussi le numérique. On fabrique de plus en plus de séries digitales. On a de plus en plus de producteurs digitaux. Et donc ça multiplie les possibilités de programmes.
Les chiffres clés :
> En 2014, le chiffre d’affaires du secteur, toutes activités confondues, était de 40 millions d’euros selon Sabrina Roubache. En 2015, il a atteint 55 millions.
> En 2016, « je pense que l’on explose les plafonds » confie Sabrina.
> 3 000 intermittents sont recensés à Marseille.
(Photo Jean Yves Delattre)
* Sabrina Roubache a récemment reçu le prix coup de coeur à l’occasion des Women’s Arward de La Tribune