Vous travaillez dans la France entière sur des grandes métropoles. Selon vous, quelle est la particularité du territoire Aix-Marseille Provence ?
Corinne Vezzoni : Comparée aux autres grandes métropoles de France, Aix-Marseille Provence est composée de villes très disparates avec une identité forte. Elles sont toutes marquées par une histoire propre : Marseille et son port, Martigues et l’Etang de Berre, Gardanne et les Mines, Aix et son pôle judiciaire… C’est toutes ces histoires qui, mises ensemble, constituent la Métropole. C’est un atout sur lequel il faut construire. La nature est également l’un des éléments omniprésent du territoire. Entre chaque ville, on découvre des paysages exceptionnels. La Sainte-Baume, les Alpilles, la Côte Bleue… Même au cœur de Marseille, on retrouve des touffes de nature. Les Marseillais continuent de se baigner chaque jour en sautant des roches naturelles qui ont toujours été là. Maintenant, il faut trouver le moyen de relier physiquement chaque communes centres sans abîmer cet exceptionnel patrimoine naturel. Tout le monde sait aujourd’hui que les transports sont le gros point faible de cette métropole. Je penche pour ma part pour la construction d’un réseau de tram-train. Contrairement au ferroviaire classique, il crée de la convivialité entre les populations. Le tramway peut nous amener au plus près de chez nous, il n’y a pas de rupture comme pour une descente en gare. Même dans les villes, on voit que les gens s’y parlent davantage que dans le métro. Il y a quelque chose de moins angoissant que de descendre sous terre. De plus, le tramway permet de mettre en scène les paysages et les lieux.
Vous aviez candidaté à la requalification du Vieux-Port en 2013. Que pensez-vous de ce qui a été fait et comment pourrait-on étendre le projet au centre-ville ?
C.V : Le Vieux-Port est divisé en deux parties : l’ombre et la lumière. Côté mairie, le quai est deux fois plus large car il concentrait la partie commerçante de jour, baignée de soleil. Côté Rive-Neuve, c’est plus étroit. Ça a toujours été le repère de la vie nocturne, des activités illicites. Cette dualité est intéressante et il faut la prendre en compte. J’aimerais voir plus de végétation du côté de la mairie qui pourrait accueillir un mail piéton et planté d’arbre jusqu’au Mucem. Il y accueillerait les terrasses des restaurants ce qui libérerait la façade des immeubles Pouillon. Aujourd’hui, ce n’est ni franchement une vraie voirie, ni une voie piétonne, donc personne n’en profite pleinement. On doit pouvoir faire des tests lors d’événement ponctuels afin d’y aller progressivement. Je pense qu’il faut aller plus loin dans la piétonisation du centre-ville. Si on n’impose pas tout d’un coup, les Marseillais s’habitueront à changer de mode déplacement.
Quel regard portez-vous sur les tours qui redessinent la skyline du littoral marseillais ?
C.V : Les deux tours de la CMA CGM et de La Marseillaise sont très différentes. Il n’y a pas cette uniformisation déprimante que l’on peut retrouver dans d’autres grandes métropoles avec des façades réfléchissantes partout. Ça correspond bien à Marseille qui n’est pas une ville formatée. Il faudra conserver cette idée de panaches de couleurs ou de formes qui donnent une impression de collections de petites sculptures bigarrées. J’attends impatiemment les suivantes car il en faudra un peu plus que deux pour donner un vrai signal fort pour la ville.
Sur le périmètre d’Euromediterranée, il y a de nombreuses friches industrielles. Doit-on tout détruire ou s’inspirer de l’existant ?
C.V : Je suis triste de voir comment Marseille a détruit une grosse partie de son patrimoine architectural. Bien évidemment qu’il faut conserver au maximum l’existant pour s’appuyer dessus. La ville c’est la sédimentation des époques. Marseille est jumelée avec Hambourg qui a très bien su utiliser son patrimoine industriel pour construire de grands équipements stars comme l’Elbphilarmonie. A l’heure des grands enjeux écologiques, on ne peut plus se permettre de détruire sans se poser la question du coût. Les friches sont des structures très modulables avec de grandes portées et peu d’obstacles. Il faut juste apprendre à y faire entrer la lumière naturelle mais sinon, on peut y imaginer ce qu’on veut.
A Marseille, on voit également revenir de manière récurrente l’idée d’un téléphérique. Qu’en pensez-vous ?
C.V : Sur un plan touristique, un téléphérique jusqu’à Notre-Dame de la Garde a du sens car on voit bien que les cars ont du mal à circuler dans les petites artères qui monte en haut de la colline. En plus, ça désencombrerait le quartier d’Endoume. Par contre, je tiens à mettre en garde contre un outil qui permettrait aux touristes de sauter dans une nacelle dès la descente du bateau. On a déjà du mal à les attirer vers le centre-ville, ce serait contre-productif pour Marseille.
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