Par Jean-François Eyraud –
Le hangar emblématique, posé sur les quais du Grand port de Marseille dans un périmètre stratégique entre l’hyper-centre et le quartier central des affaires, va connaître vendredi son nouveau destin, avec le choix du groupement lauréat de l’appel d’offres Osez le J1.
Après deux années de transition marquées par le programme culturel porté par l’association MJ1, le hangar édifié au début des années 1920 s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de sa très riche histoire. Vendredi 11 janvier, à l’occasion de la présentation de son bilan 2018, le Grand port maritime de Marseille dévoilera le lauréat de l’appel d’offres « Osez le J1 » lancé en 2017.
Des opérateurs de renom pour le bâtiment star de début 2019
Le projet ? Proposer et dessiner une nouvelle vocation au hangar portuaire et industriel de 25000 m2. Celle-ci devra être économiquement rentable pour le port, mais aussi s’intégrer au mieux à la ville et aux activités urbaines. Après une première sélection, quatre groupements se sont retrouvés à plancher durant l’été 2018 pour présenter à la rentrée leur projet final aux dirigeants du port. Chacun d’entre eux présente une alliance forte entre des architectes ou urbanistes de renom et des opérateurs financier, immobilier ou institutionnel de premier plan : Norman Foster allié avec l’opérateur Quartus et Tangram, Corinne Vezzoni avec Redman et Aix Marseille Université, Bernard Reichen avec Adim (structure de développement immobilier de Vinci Construction) et la Banque des territoires, Jacques Rougerie avec le promoteur DCB et Carta&Associés.
Selon nos informations, tous les groupements, soutenus aussi par de nombreux acteurs et partenaires locaux, ont proposé à la fois des activités de loisirs, de commerces et de bureaux, d’hôtellerie et de restauration. La présidente du directoire, Christine Cabau-Woerhel, au moment de lancer la consultation, résumait ainsi ses attentes : « un projet qui portera une vision forte de la valorisation de ce patrimoine unique et la volonté de mettre en scène un nouvel acte de l’histoire du port et de la cité de Marseille, où ville et port se rencontrent, se complètent et renforcent leur rayonnement culturel et économique de villeport, port-ville, portant notre ambition de visibilité internationale. »
Le point clé de la rentabilité
Mais au final, les candidats n’auraient que très peu proposé d’opérations en lien avec l’activité portuaire proprement dite. Pour le choix final, la différence pourrait se faire sur le niveau de rentabilité proposé au port, une préoccupation affichée dès le départ par le président du conseil de surveillance, Jean-Marc Forneri, lui-même patron de la société financière, Bucéphale Finance. En 2017, ce dernier écrivait, pour attirer les porteurs de projet: « Le J1, cette halle historique en bord de mer, au cœur du quartier d’affaires et à quelques pas du centre touristique, se doit de connaître un autre avenir et s’inscrire dans la modernité sans renier un passé prestigieux ».
Le lauréat devra payer une redevance pour exploiter le site. Entre 150 et 200 millions d’euros de travaux seraient nécessaires pour mettre le nouveau bâtiment totem de Marseille dans sa nouvelle configuration. En 2016, le même Jean-Marc Forneri répondait aux questions de Gomet’ et livrait sa vision avec quelques références et surtout des contre-exemples : « Je ne ferai pas Miami ! On ne veut ni discothèque, ni casino. Nous devons rouvrir cet espace au public tout en conservant son identité maritime (…) il pourrait y avoir un grand hôtel ou un centre de congrès digne de Marseille. J’aime aussi beaucoup le projet de la halle Freyssinet à Paris porté par Xavier Niel. ».
Un nouveau geste architectural ou une reprise a minima ?
L’architecture du projet pourrait aussi compter dans les ultimes arbitrages. Le respect du bâtiment historique tout comme le geste architectural qui pourrait être un signal nouveau dans le prestigieux boulevard Euroméditerranée ont en effet leur importance. Ainsi, quel traitement proposer à la façade du hangar côté ville, amputée en 1971 pour laisser plus de place au viaduc autoroutier ? Quelle direction sera privilégiée : la reconduction a minima de la façade actuelle ou un projet d’entrée plus ambitieux ? De même l’esplanade sud constitue un espace public important du site. Sa vocation peut être très variable. Et quid de l’aménagement des quais ? Quelle utilisation pour les bassins d’eau ?
Pour aider dans le choix de l’équipe finale qui sera dévoilée vendredi 11 janvier en début d’après-midi depuis le siège du port à La Joliette, le GPMM avait annoncé la tenue d’un jury international. La réunion s’est déroulée le 19 décembre dernier au port mais sans les personnalités internationales annoncées. Autour de la table, les présidents des collectivités locales comme Renaud Muselier ou leurs représentants (Gérard Gazay pour Martine Vassal, Dominique Vlasto pour Jean-Claude Gaudin), le président de la CCI Marseille Provence, Jean-Luc Chauvin, Jean-Marc Forneri, un représentant des bâtiments de France et de la Dreal, ou encore un délégué syndical du GPMM.
Un jury à l’avis consultatif
La position du jury, dont les délibérations sont tenues secrètes, ne sera de toutes façons, que consultative. C’est la direction du port, en l’occurrence Christine Cabau-Woerhel qui décidera. Elle était d’ailleurs volontairement absente de la réunion du jury le 19 décembre dernier. Les discussions du jury laissent cependant entrevoir une première hiérarchie. Selon plusieurs sources proches du dossier, le projet DCB-Rougerie-Carta, dont la pièce majeure était la construction d’un grand aquarium, serait hors course malgré le soutien de Martine Vassal, la présidente de la Métropole et du Département. Selon les mêmes sources, le projet Reichen a reçu le plus de suffrages, dont celui de l’adjointe au tourisme de la Ville de Marseille, Domnique Vlasto. Mais les projets Quartus et Redman – ce dernier a engrangé plusieurs votes de poids dont celui de Renaud Muselier – sont loin d’être disqualifiés. Verdict vendredi 11 janvier 2019 aux alentours de 14h30.