Le changement est radical. Pour les entreprises, la prise en compte des critères environnementaux, solidaires et de gouvernances dans leurs projets est désormais très importante. Un virage qui nécessite une adaptation du monde financier. « Nous revoyons tous nos métiers historiques, soit par la mise en place de nouveaux dispositifs comme c’est le cas avec le prêt vert, soit dans la manière d’utiliser ceux déjà existants », expose Camille Schneuwly, chargé de coordination climat au sein de Bpifrance, lors des premières Rencontres de la finance verte et solidaire organisées par Gomet’. Pour les outils déjà en place, la banque publique d’investissement « allonge le financement pour lisser le surcoût d’un passage d’une flotte de véhicules à l’électrique par exemple ».
Les critères ESG ont beau prendre du poids, pour les dirigeants prêts à se lancer dans un projet lié à la transition écologique, il peut être parfois difficile de trouver un accompagnement. Proposer des outils dédiés apporte une première réponse car cela permet de simplifier l’accès aux financements pour des projets qui peuvent avoir des difficultés à en trouver. Smalt Capital a par exemple fait le choix de dédier un fonds aux énergies renouvelables, un moyen de toucher des petits producteurs qui ont un déficit de financement. « Nous sommes sous les 30 000 euros, les acteurs plus importants n’y vont pas », présente François de Fautereau, gérant du pôle transition énergétique. « La transition énergétique va se traduire par une décentralisation de la production et donc de beaucoup de besoins de financements », embraye-t-il.
Multiplication des besoins et des acteurs
Une manière de dire que le gâteau sera assez gros pour tout le monde à condition d’avoir des outils adaptés. « On ne peut pas se faire concurrence car les besoins sont nombreux », abonde Julien Hostache, cofondateur et président d’Enerfip. Pour répondre aux différentes attentes, la société de financement participatif basée à Montpellier s’appuie sur plusieurs canaux afin d’apporter des solutions sur le court ou le long terme. Face à ces besoins de plus en plus nombreux, la MAIF a d’ailleurs fait évoluer son fonds « social et solidaire » en « impact » pour lui permettre « d’élargir » son champ d’action, précise Simone Chiavasa, directrice de participation du fonds d’investissement MAIF Impact.
Dans cette multiplication des besoins et des acteurs, le géant du conteneur CMA CGM a aussi lancé son fonds baptisé Pulse et doté d’un milliard et demi d’euros. L’armateur s’est également associé à Bpifrance via une contribution de 200 millions d’euros pour la décarbonation de la filière maritime. En interne, des mutations sont aussi en oeuvre avec le changement de 119 bateaux, sur les 600 actuellement opérés, pour qu’ils puissent utiliser des carburants alternatifs. « Nous faisons aussi de la formation par métier auprès de nos collaborateurs pour qu’ils comprennent leur rôle dans nos objectifs de décarbonation en apprenant à mieux gérer la flotte ou aider des vendeurs à mieux comprendre notre stratégie », détaille Anne-Sophie Cochelin, directrice RSE adjointe de CMA CGM.
Des entrepreneurs encore à convaincre
Au sein du Crédit coopératif Provence Alpes Côte d’Azur, on attire l’attention sur le mot « solidaire ». Son président Stéphane Salord rappelle que l’organisme propose « 100% de produits qui sont de l’investissement social responsable (ISR) », mais le chemin est encore long. L’épargne solidaire a beau atteindre les 25 milliards d’euros, elle reste « le parent pauvre de la finance » puisque cette somme ne représente que 0,45% de l’épargne des ménages français.
Des illustrations de ce que peuvent faire les financeurs pour convaincre les entrepreneurs. Car si les dirigeants sont souvent convaincus par la nécessité de faire évoluer leurs process, trop peu sont encore enclins à franchir le pas, remarque Camille Schneuwly. Bpifrance a d’ailleurs lancé son coq vert, une communauté de dirigeants « convaincus de la nécessité d’agir et déjà engagés dans la transition écologique », pour encourager le pas.
« Les projets d’énergie fossile sont encore plus financés que ceux d’énergies renouvelables », rappelle Julie Sansoucy, de l’ONG Reclaim finance. Une vision « macroéconomique » qui fait dire à Stéphane Salord que « c’est aux gens de décider, toutes les banques ne se valent pas il faut regarder lesquelles sont transparentes ». Quant aux risques de greenwashing, Julien Hostache se dit pragmatique et se satisfait de voir des financements arrivés. « C’est nous qui choisissons les projets à financer », explique-t-il. Ce qui représente déjà une première étape dans ce changement des mentalités.
Rémi Baldy
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