ArcelorMittal met un froid dans la décarbonation industrielle européenne. Après les déclarations du ministre de l’industrie Marc Ferracci expliquant ce week-end dans des propos rapportés par l’AFP que compte tenu de la crise actuelle de « la sidérurgie européenne (…) avec un niveau de demande et de prix de l’acier atteignant un bas historique » le groupe ArcelorMittal a pris « la décision d’ArcelorMittal de reporter son investissement dans la décarbonation du site de Dunkerque, qui ne tourne actuellement pas à pleine capacité » le sidérurgiste est sorti de son silence mardi 25 novembre. Et les nouvelles partagées dans un communiqué ne sont pas bonnes… Y compris pour le site de Fos-su-Mer qui n’est pas isolé dans la problématique générale du groupe et de tout le secteur.
Le groupe indien, numéro 2 mondial de l’acier, reconnaît avoir « annoncé ces derniers temps son intention d’investir dans des installations constituées d’unités de réduction directe (DRI) et de fours électriques (EAF), capables de fonctionner à l’hydrogène, pour remplacer plusieurs de ses hauts-fourneaux en Europe et produire de l’acier avec des émissions de CO2 réduites – une première étape stratégique vers la réduction de ses émissions. et que les Etats ont, dans chaque cas, offert un soutien financier à ces projets, avec l’approbation de la Commission européenne.»
Il prend désormais ses distances avec ses objectifs. Pour le seul site de Fos, une première initiative a été concrétisée avec le lancement d’un four poche électrique, symbole précurseur de la nouvelle ère décarbonatée de la sidérurgie. Le four poche inauguré en septembre 2024 représente un investissement de 76 millions d’euros, porté par le groupe et soutenu à hauteur de 15 millions d’euros par l’État dans le cadre de France relance (intégré à France 2030 et opéré par l’Ademe). Dans un second temps, ArcelorMittal devait construite un four à arc électrique de 300 MW, capable de fondre l’acier recyclé. Le démarrage était prévu en 2030, avec une capacité de production de deux millions de tonnes par an. Le montant exact de cette installation dernier cri n’est pas indiqué. La direction évoquait un investissement de « plusieurs centaines de millions d’euros », et sollicitait une nouvelle fois l’appui de l’État, à travers le programme France 2030.
ArcelorMittal : « L’hydrogène vert évolue très lentement »
Et il en explique les raisons : « Ces projets étaient fondés sur une combinaison favorable de réglementation, de technologie et d’évolution du marché, qui devait faciliter ces investissements de décarbonation en contribuant à compenser l’accroissement significatif de nos investissements et de nos coûts opérationnels que cette transition impliquait. Notre capacité à utiliser le gaz naturel jusqu’à ce que l’hydrogène vert devienne compétitif figurait parmi ces facteurs. Mais la réglementation, l’énergie et l’environnement de marché européens n’ont pas évolué dans une direction favorable. L’hydrogène vert évolue très lentement vers un statut de source d’énergie viable et la production d’acier par un DRI au gaz naturel en Europe n’est pas encore compétitive comme solution de transition. »
ArcelorMittal invoque également la concurrence internationale face à laquelle la compétitivité européenne de ses sites n’est pas garantie, loin de là : « le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) actuel présente des faiblesses importantes, tandis que les mesures de défense commerciales ont besoin d’être renforcées pour faire face aux importations croissantes qui sont la conséquence des surcapacités chinoises, et que les clients semblent peu disposés à payer un supplément de prix pour de l’acier à faibles émissions de CO2. »
Une décision repoussée à 2025
Seule lueur d’espoir, ArcelorMittal dit de ne pas avoir pris de décisions irréversibles surs ses projets de décarbonation. « Avant de prendre des décisions finales d’investissement, il est indispensable d’avoir une visibilité complète sur l’environnement réglementaire qui garantira qu’une production d’acier plus coûteuse peut être compétitive en Europe en l’absence d’un prix mondial du carbone. Nous attendons plusieurs développements importants en 2025, notamment la révision prévue du MACF, une révision anticipée des mesures de sauvegarde de l’acier et la publication du Plan d’action pour l’acier et les métaux. Une fois en vigueur, ces initiatives détermineront le cadre de compétitivité pour les investissements de décarbonation en Europe. Dans l’intervalle, nous poursuivons nos études d’ingénierie et nous analysons également une approche par étapes, en commençant par la construction de fours électriques, qui pourraient aussi être alimentés par de l’acier recyclé, pour réduire significativement les émissions. »
ArcelorMittal essaye de rassurer et se dit toujours engagé pour sa décarbonation et vise toujours d’atteindre le zéro émission nette d’ici à 2050. Au passage il rappelle que « du point de vue des émissions absolues, les sites d’ArcelorMittal en Europe ont réduit leurs émissions de 28,2 % depuis 2018, en grande partie en raison de la baisse de la production, elle-même liée à la faiblesse de la demande.»
Aditya Mittal : « J’espère que de nouvelles initiatives vont voir le jour »
Les déclarations d’Aditya Mittal, directeur général d’ArcelorMittal, fils du fondateur du groupe, le milliardaire indien Lakshmi Mittal, résument l’état de la situation et renvoient à 2025 les prochaines décisions: « ArcelorMittal reste absolument engagé dans la décarbonation. C’est ce que nous devons faire, tant pour l’entreprise que pour la planète. Je reste convaincu que nous pouvons encore atteindre notre objectif de zéro émission nette d’ici 2050, mais la manière dont nous y parviendrons pourrait différer de ce qui a été annoncé précédemment. Nous sommes très reconnaissants du soutien que les gouvernements nous ont accordé pour contribuer à accélérer ce processus. Toutefois, l’ampleur du défi nécessite de nouvelles initiatives pour débloquer des investissements plus importants. Nous aurions voulu aller plus vite, mais la réalité est que l’environnement réglementaire nécessaire pour soutenir la compétitivité de ces investissements n’est pas encore en place. J’espère que de nouvelles initiatives vont voir le jour pour soutenir l’accélération de la transition. Le Green Deal Industrial Plan et le Plan d’action pour l’acier et les métaux, et la législation qui découlera de ces plans, seront importants, de même que la réglementation qui stimulera la demande. Certains de nos clients veulent de l’acier à faibles émissions de CO2, mais ceux qui en veulent et qui sont prêts à payer un supplément de prix pour cela sont encore très minoritaires. Les décisions prises par les pouvoirs publics en 2025 devraient, je l’espère, contribuer à clarifier la manière dont nous pourrons avancer dans la décarbonation de nos sites, en nous appuyant sur notre dimension mondiale unique, notre combinaison unique de technologies et de matières premières, et notre innovation qui est à la pointe de notre industrie.»
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