« Le matin, c’est la jeunesse du jour. Tout y est gai, frais et facile. Il ne faut pas l’abréger en se levant tard. » Ainsi parlait le philosophe allemand Arthur Schopenhauer qui, malgré une villégiature à Marseille, a toujours eu une approche pessimiste du monde. Certains chez les Républicains prient depuis ce funeste dimanche 11 juin, pour qu’il ait eu raison à l’avance et rêvent sans doute que les abstentionnistes qui ont mis du temps à Marseille pour se lever en ce jour d’élection, se réveillent avant le second tour. Pari risqué, si l’on regarde la situation après le raz de marée dominical qui a vu la macronie s’enrichir de fiefs où on ne l’attendait sans doute pas. Nous pensons bien évidemment à nos voisins varois, qui voient tous leur sortants qui coulaient depuis si longtemps une confortable république, se retrouver promis à des repos forcés sous les parasols des places ou les chênes du haut pays.
A Marseille ou dans le pays d’Aix et au-delà la situation n’est guère plus reluisante où des têtes d’affiche comme Guy Teissier, Bruno Genzana, Bernard Deflesselles et autres Valérie Boyer, se voient menacés ou recalés. Il y a quelques semaines encore, ils triomphaient sur leur compte Facebook où en tweetant prématurément la victoire en chantant.
Il serait facile d’ironiser. Comme de courte vue de voir dans ces résultats telluriques le seul résultat de partis en capilotade, ou d’absence chronique de doctrine exprimée. La République en Marche a séduit. Les électeurs qui se sont rendus sur le champ de course électoral, ont voulu donner une chance à l’étalon qu’ils ont nommé pour la magistrature suprême.
La surprise c’est qu’ici, comme ailleurs ils aient choisi de donner une chance au renouveau plutôt que de suivre une tradition rebelle si souvent décrite dans l’histoire de la Provence. Marie-Arlette Carlotti sortie de sa retraite forcée, disait sur France 3 que le système de la Ve République était à bout de souffle. Il aurait été plus juste de reconnaître que ce sont ceux qui en profitent depuis tant de décennies qui ont manqué d’air. Les électeurs de l’aire métropolitaine ont opté pour le « dégagisme », prôné avec un bel en train par Jean-Luc Mélenchon et mezzo voce par son allié communiste.
Le parti républicain a commis l’erreur de penser que cela ne concernerait que le parti socialiste. Il n’avait pas compris que, pour nombre de citoyens, il était un frère siamois. M. Mélenchon qui a réussi l’exploit ce même dimanche de rendre mortifère l’endroit le plus festif de Marseille – le Dock du Sud – peut s’enorgueillir d’avoir tenu parole. En fait il devra attendre dimanche prochain pour tenter de « remplacer » Patrick Mennucci, ce qui est loin d’être acquis. Avec les frondeurs et le parti communiste, il n’aura finalement réussi qu’à enterrer un mort vivant. Un PS bucco rhodanien notamment, qui s’est auto-métastasé à coups de scandales, de débats douteux, de pré-carrés improbables et d’absence totale de direction.
Jean-David Ciot porte douloureusement sa croix lui qui avait cru pouvoir trouver refuge dans la future majorité présidentielle. Quant aux autres ils peuvent commander les cartons qui permettront d’évacuer des archives de la rue Montgrand, les facsimilés de fausses cartes et autres dossiers compromettants.
Restent les scores du FN moins hauts évidemment que ceux qu’attendait Stéphane Ravier visiblement très agacé par cette France qui a choisi la plage plutôt que l’ombre des tours de béton. Ses promesses d’un ordre nouveau n’ont plus l’écho qu’elles avaient encore il y a peu. Comme Mélenchon, il conteste le verdict des urnes en lui opposant la très faible participation. Les électeurs, qui ne sont pas c’est vrai majoritairement macron-compatibles, ne semblent pas avoir ressenti l’urgence de s’opposer à la marée en marche.
Dimanche prochain ce n’est pas au marégraphe sur la corniche Kennedy qu’il faudra aller mesurer la montée des eaux, mais une fois encore dans les bureaux de vote. Si la macronie prend un peu plus l’ascendant, il faudra s’exercer pour reconnaitre son député. C’est de cette révolution que Macron parlait dans son livre. Pour le moment, elle est en marche.