Alors que la métropole Aix-Marseille-Provence est en plein insécurité juridique, voici un décryptage pour comprendre toutes les contestations judiciaires qui menacent la plus grande métropole de France d’entrer en vigueur au 1er janvier 2016.
La composition du conseil métropolitain suspendue
Un arrêté interpréfectoral du 1er septembre, pris par les préfectures des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse, départements sur lesquels s’étend la métropole (car Saint-Zacharie dans le Var, et Pertuis dans le Vaucluse doivent appartenir à Aix-Marseille-Provence), a fixé la répartition des sièges du conseil de la métropole entre les 92 communes faisant partie de cette nouvelle institution. Un autre arrêté préfectoral, du 12 octobre 2015, constate la composition du conseil de la métropole.
Mais, la commune d’Eguilles a déposé le 06 novembre une requête en annulation accompagnée d’un référé-suspension au tribunal administratif. C’est à dire qu’elle a demandé à la justice de suspendre l’exécution des arrêtés préfectoraux qui fixent la composition du conseil métropolitain. Le juge (des référés) a tranché en faveur de la commune d’Eguilles et a donc suspendu la composition du conseil métropolitain le 06 novembre dernier. D’autres communes : Pertuis, Gardanne et Cabriès ont entamé des procédures judiciaires contre la métropole, pour l’instant moins fructueuses que celle d’Eguilles.
Le ministère de l’Intérieur, opposé à une telle décision de justice, a saisi le Conseil d’Etat pour qu’il se prononce sur la décision du tribunal administratif. Celui-ci a confirmé, par sa décision, celle prise en première instance ajoutant dans un communiqué : «En attendant la décision du conseil constitutionnel et les suites qu’il conviendra de lui donner, le futur conseil de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ne peut donc pas siéger et les groupements de communes qui existent aujourd’hui peuvent continuer à fonctionner». Le conseil constitutionnel est donc amené à se prononcer sur les deux arrêtés qui fixent la composition du conseil de la métropole. En attendant cette décision suprême, la métropole ne pouvant entrer en vigueur au 1er janvier 2016, les EPCI (Marseille-Provence-Métropole, la Communauté du Pays d’Aix, la San Ouest Provence, l’Agglopole, le Pays de Martigues et l’Agglo du pays d’Aubagne et de l’Etoile continueront d’exister et de remplir leurs fonctions d’intercommunalités.
Une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) contre l’amendement Gaudin
Le sénateur-maire de Marseille et tout nouveau président de la métropole, Jean-Claude Gaudin, avait introduit dans la loi MAPTAM (première loi créant la métropole Aix-Marseille-Provence) un amendement qui ajoutait 20% de sièges au conseil de la métropole, au bénéfice des communes les plus importantes. Cette modification de la loi a fait passer de 200 à 240 le nombre de sièges du conseil de la métropole.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée par la commune d’Eguilles sur la représentation des différentes communes au sein de l’assemblée métropolitaine. La commune d’Eguilles attend que le conseil constitutionnel se prononce sur la constitutionnalité ou l’anticonstitutionnalité de l’article de loi (amendé par Jean-Claude Gaudin) qui crée des inégalités dans la répartition des sièges au conseil de la métropole. Car, en effet, Marseille obtient avec le système de répartition des sièges mis en place un élu pour environ 7500 habitants. Alors que des communes comme Allauch, Pertuis ou Gardanne n’ont qu’un élu pour plus de 20 000 habitants. D’autres au contraire sont avantagées en ayant également un élu pour quelques milliers d’habitants seulement.
Or, la jurisprudence (les décisions de justice existantes) donne bon espoir à la commune d’Eguilles porteuse de cette QPC car le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage admet seulement des écarts de représentativité de 20%. Or, dans le cas du conseil de la métropole, l’écart atteint parfois 300%.
Et ce n’est pas fini…
Plusieurs recours ont également été introduits auprès du tribunal administratif pour contester l’élection du président de la métropole intervenue le 09 novembre dernier. Ces recours se fondent sur la façon dont a été annulé puis reconvoqué le conseil métropolitain : les élus ont été prévenus par SMS de l’annulation, alors que la procédure impliquait une lettre recommandée avec accusé de réception. Mais les recours portent aussi sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée la séance. En effet, la séance officiellement convoquée a été levée par Maryse Joissains, qui la présidait en tant que doyenne des présidents d’EPCI. De fait, les contestataires arguent que la séance ouverte ensuite par Guy Teissier, et qui a abouti à l’élection du président de la métropole, est invalide car les élus n’ont pas été convoqués au préalable dans le respect de la procédure.
Hervé Fabre-Aubrespy, maire de Cabriès, candidat à la présidence de la métropole est l’un de ceux qui mènent la bataille juridique contre la mise en service de l’institution métropolitaine, en l’état actuel de la situation. Il a déclaré dans une note en date du vendredi 18 décembre : « Les communes à la pointe des recours contentieux contre la métropole [Eguilles, Gardanne, Pertuis, Cabriès NDLR] s’apprêtent à déposer un recours en annulation, accompagné d’une demande de suspension, contre toutes les délibérations du conseil de la métropole, en s’appuyant sur l’illégalité de sa composition.» Et d’ajouter : « Si elle devait être suspendue par le juge des référés, il serait démontré que le conseil de métropole, même avec un président qui se maintiendrait malgré l’annulation de son élection ne peut donc prendre aucune délibération juridiquement solide. Une assemblée et un président sans pouvoir donc. »