Le Grand port maritime de Marseille (GPMM) est au cœur de la construction économique et social de la ville. Depuis toujours, il a façonné son histoire et soutenu son développement pourtant aujourd’hui, les habitants ne savent pas réellement ce qui s’y passe. Comment ce pilier de la cité phocéenne a pu se fermer aux citoyens : « Marseille s’est historiquement construite autour de son port mais la révolution industrielle a depuis forgé des barrages. Il faut à nouveau effacer cette frontière », explique Hugues Parant, le directeur général d’Euroméditerranée qui voit son développement étroitement lié à celui d’un port encore trop replié sur lui.
Un port en pleine mutation digitale et urbaine
Les activités logistiques et industrielles ont longtemps prédominé sur le port de Marseille mais aujourd’hui, une nouvelle vocation plus ouverte vers la ville est en train de naître. « La digitalisation nous amène de nouveaux métiers », relève Christine Cabau-Woehrel, la directrice générale du port de Marseille. Son rôle ne se limite plus au transport des marchandises et des passagers, il accueille désormais des géants du numérique comme Interxion qui est en train d’y installer deux de ses plus gros data center. Point de raccordement d’une dizaine de liaisons câblées sous-marines vers le continent africain, le Moyen-Orient et l’Asie, Marseille devient une porte d’accès internet vers le monde entier. Ce positionnement stratégique, qui a fait d’elle l’un des centres névralgiques du commerce de marchandises, est également un atout pour attirer les acteurs du digital. Fort de cette mutation, le port veut maintenant s’ouvrir un peu plus vers la ville et ses habitants pour multiplier les échanges et mieux expliquer son rôle dans le développement de la métropole.
Une charte pour créer un lieu pédagogique sur le port
A l’occasion du Smart City forum, le GPMM a signé jeudi 14 septembre avec la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence, le Département des Bouches-du-Rhône, la Métropole Aix-Marseille Provence ainsi que les villes de Marseille, Port-de-Bouc, Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône la charte des missions d’un « port center » aux côtés de l’association internationale des villes portuaires (AIVP). « Le Port Center est un outil didactique qui doit aider à mieux comprendre la dynamique ville-port aux générations futurs », tente de résumer Philippe Matthis, président de l’AIVP et directeur général du port de Bruxelles. Marseille est le quatorzième port du monde à adhérer à cette charte après Anvers, Rotterdam ou Vancouver… En fait, le GPMM dispose déjà d’un Port Center.
Un coup de jeune pour les port center de Fos
Le port center de Fos
Situé à la Fossette, au cœur de la zone industrialo-portuaire de Fos, il s’agit de l’ancien centre d’information du port autonome de Marseille (Cipam) rebaptisé en septembre 2016 « Port Center Fos 1 ». La direction va moderniser le bâtiment pour le rendre plus attractif et multiplier les échanges avec les étudiants, les entrepreneurs et les chercheurs du monde académique. « Nous avons le soutien de nombreuses structures comme Piicto, l’union des industries chimiques ou encore Aix-Marseille Université pour développer de nouveaux partenariats destinés à faire vivre le lieu », assure Christine Cabau-Woehrel. Un concours avec des étudiants en architecture va être lancé pour imaginer le visage du futur Port Center de Fos. Un deuxième site ayant la même vocation existe également non loin. Le Pavillon 2XL sur le terminal à conteneurs du même nom va également être rénové et prendra bientôt le nom de « Port Center Fos 2 ». Ces deux bâtiments restent cependant très éloignés des lieux de vie des habitants à qui ils sont censés s’adresser. Le véritable enjeu de cette charte réside donc dans la création d’un port center à Marseille.
Un port center à Marseille pour les bassins Est
« Nous avons bien évidemment lancé une réflexion sur la création d’un port center à Marseille », promet Christine Cabau-Woehrel. Mais pour l’instant, le projet reste à définir. Ce futur lieu, symbole du lien entre la ville et le port, sera vraisemblablement consacré aux activités des bassins Est. Il pourra, par exemple, présenter les fameux nouveaux métiers en cours de développement sur le port avec l’arrivée des acteurs du numérique comme Interxion. L’activité croisière, en plein essor sur Marseille, y aura également sa place avec la possibilité d’en expliquer son impact économique sur la ville et même sur son environnement. Le port travaille également sur les questions de logistique urbaine avec comme ambition « de réduire les distances entre le débarquement des marchandises et le consommateur final », explique la directrice. Le futur Port Center de Marseille servirait ainsi de laboratoire pour trouver de meilleurs pratiques en terme de logistique du dernier kilomètre. Philippe Matthis, le président de l’AIVP, se félicite de la signature de cette charte et rappelle son importance : « Elle permet de rappeler l’atout que son les ports pour le développement des métropoles. Dix-sept des vingt-cinq plus grandes villes du monde sont connectés à un port. Ils auront un rôle majeur dans le développement des plus grandes cités de la planète et Marseille doit en tirer pleinement profit », insiste-t-il.
Les port center du monde entier peuvent varier de 100 m2 à 1 000 m2 mais le plus bel exemple à ce jour semble celui d’Anvers qui propose un espace dédié à tous ces métiers, un outil de suivi en ligne des flux marchandises ou encore un show-room des projets croisés entre le port et la ville. « Malgré les normes sécuritaires, il y a des possibilités pour ouvrir davantage les ports aux citoyens. Si nous voulons résister à la pression immobilière, nous devons abaisser nos frontières », avoue Philippe Matthis. Si pour l’heure, aucun lieu n’est arrêté pour l’installation du futur Port Center de Marseille, une implantation sur le périmètre de l’établissement public Euroméditerranée semble la plus logique et serait un symbole fort d’une véritable coopération entre la ville urbaine et la ville-port qui ont encore du mal à travailler ensemble.
Des relations toujours tendues entre le port et Euroméditerranée
Hugues Parant rappelle les devoirs du port envers la Ville à Christine Cabau-Woehrel
Lors de la conférence sur le smart port du smart city forum qui se déroulait jeudi 14 septembre au Pharo, Hugues Parant, le directeur général d’Euroméditerranée (photo ci-dessus), s’est senti un peu oublié dans les débats. Invité pour donner son point de vue sur le thème « smart cities et villes portuaires : quels défis pour demain ? », il n’a été interrogé qu’au bout d’une bonne demie-heure alors que les autres invités présentés fièrement l’ouverture de leurs ports respectifs aux nouvelles technologies et leur dimension de « smart port ». « Le thème de ce forum est la smart city et pas le smart port », a-t-il lancé en s’adressant clairement Christine Cabau Woehrel, « pourtant, je n’entends que peu de projets d’ouverture vers la ville de Marseille », a-t-il complété. Il en a profité pour rappeler les engagements du GPMM au travers de la charte Ville-Port et lancer : « Le port ne pourra bientôt plus n’avoir de frontières que pour la sécurité de ses installations. Les barrières physiques doivent tomber ». Les deux établissements voisins se retrouvent souvent en conflit sur des questions d’emprises foncières comme pour l’agrandissement de la place de la Joliette ou l’installation du futur casino marseillais. « Je tiens à rappeler qu’il n’y aurait jamais eu de Mucem, ni de Terrasses du Port sans Euroméditerranée », a-t-il poursuivi. Soucieuse de calmer son interlocuteur, Christine cabau-Woehrel s’est rapidement excusée de ne pas avoir mentionner l’établissement public lors de l’énumération des projets menés par le port. Cette courtoisie de dernière minute n’a semble-t-il pas suffi à contenter Hugues Parant qui a continué à pointer du doigt le GPMM : « Nous essayons d’attirer de jeunes cadres talentueux sur Euroméditerranée et ces derniers sont parfois très soucieux de la qualité de l’environnement. Pour progresser, il va falloir réduire l’impact écologique du port, notamment les particules fines émises par les bateaux à quai ».