Avec 227,8 millions de tonnes par an, le secteur du bâtiment est le principal producteur de déchets et représente 70% de la production totale sur le territoire national. En Paca, les déchets du BTP pèsent plus de 14,8 millions de tonnes en 2014. Face à ce constat, la Région, compétente dans ce domaine a établi un plan de prévention et de gestion. Objectifs : traiter l’intégralité des flux de déchets d’ici 2025 et en valoriser 70% d’ici 2020. « L’attractivité de notre région est aussi liée à la gestion des déchets, explique Julien Langlet, secrétaire général adjoint à la préfecture. Un artisan qui ne trouve pas de solution de proximité pour la gestion de ses déchets perd en compétitivité. En 2017, la croissance s’est renouvelée dans le secteur, cela signifie donc une augmentation de la demande et donc, de la production de déchets. »
L’enjeu est donc de remplacer le modèle linéaire classique de gestion par un modèle circulaire de valorisation. Mais problème : un espace de stockage insuffisant sur la région. Une enquête sur les perceptions, les pratiques et les attentes des professionnels du bâtiment en Paca menée par l’entreprise de conseil en développement durable Nomadéis souligne que : « le manque de stockage identifié sur le territoire se traduit par une recrudescence de dépôts sauvages et des déchèteries illégales. » Des pratiques qui concernent tous types d’entreprises du bâtiment, quelle que soit leur taille. A cela s’ajoute la méconnaissance de la responsabilité du producteur de déchet : « Des opérations de contrôle ont permis de constater que les gestionnaires et producteurs de déchets (artisans, maîtres d’œuvre, distributeurs) ne mettaient pas en application l’obligation de les trier à la source et de les valoriser (décret « 5 flux »). » Ceux-ci pensent en effet qu’il est uniquement du ressort des déchèteries et des installations spécialisées de valoriser les ordures.
Des mesures concrètes initiées par la Région
Outre le développement de sites de réemploi et de filières de valorisation de proximité, la modernisation des centres de tri, pour atteindre les objectifs du Plan, la Région a pour mission d’accompagner les entreprises, grâce notamment à la communication et à la formation. « Les maîtres d’ouvrage, publics ou privés, n’inscrivent pas suffisamment dans leurs marchés les volets de gestion et de valorisation des déchets, explique Barbara Cholley, chargée de mission Environnement et Déchets au Conseil régional. Nous avons donc créé un rassemblement d’une quarantaine de maîtres d’œuvre afin de les sensibiliser à ces sujets et faire émerger de nouvelles pratiques d’économie circulaire. » Deux réunions de ce « club » sont prévues, la première a lieu le 12 avril et durera trois jours. A terme, un guide avec des exemples de prescriptions pourrait voir le jour.
Dans ce contexte, les appels à projets Filidéchet, initiés par la Région et l’Ademe, visent à soutenir et promouvoir les projets innovants et expérimentaux reproductibles, concourant de façon concrète aux objectifs de réduction de la quantité et d’optimisation de la valorisation des déchets. Ils sont destinés aux entreprises et structures œuvrant dans le secteur économique implantées ou souhaitant s’implanter en région Paca et sont ouverts à tous les secteurs professionnels et à tout type de filière. Cette année, une soixantaine de projets ont été retenus.
Enfin, un consortium emmené par la Région vient également d’être sélectionné pour le projet européen Life SmartWaste, avec en chef de file la Région. « L’équipe de travail se met en place, précise Arthur de Cazenove, chef de projet et études au service Environnement de la Région. 18 collectivités locales partenaires investissent sur le territoire : renouvellement de conteneurs, solutions transversales entre maîtrise d’ouvrage et aménagement en faveur d’une gestion commune des déchets, études sur des sites de recyclage de déchets inertes, plateformes de compostage, plans de prévention des déchets… Plus d’une centaine d’actions sont prévues sur six ans, pour un montant total de 34 millions d’euros, dont 10 millions d’euros de soutien européen. »
Des bonnes pratiques… à répliquer
Pourtant, mettre en place une vraie filière de réemploi constituerait un levier de dynamisme économique avec à la clé, « 500 000 emplois au niveau national », précise Julien Langlet. Situées en amont de la chaîne de collecte, les entreprises du bâtiment représentent un maillon essentiel dans la structuration de ces filières. Mais trop peu de données existent encore. « L’enjeu est de consolider les démarches d’économie circulaire pour atteindre nos objectifs fixés par le plan régional », affirme Barbara Cholley, conseillère régionale.
Face à ces enjeux, certains acteurs s’organisent et proposent des solutions concrètes. R-Aedificare par exemple, une association marseillaise créée en 2016, a pour ambition de développer la filière du réemploi des matériaux de construction en rassemblant les acteurs du territoire : architectes, acteurs du BTP, maîtrise d’œuvre, etc. A Marseille, Envirobat BDM intègre la gestion des déchets dans une démarche de développement durable globale pour le bâtiment. De même, Miramas fait figure de proue et montre le rôle-clé de la gouvernance urbaine pour favoriser l’économie circulaire d’une ville, y compris en ce qui concerne les déchets du BTP. Pour favoriser le réemploi de matériaux issus de déconstructions et de rénovations, elle mise sur leur mutualisation et sur la coordination de maîtres d’ouvrage, en faisant tomber les barrières des chantiers. Elle réalise aussi une plateforme de stockage pour le réemploi.
La sénatrice PS Samia Ghali suggère la création d’une éco-taxe
Dans une question écrite à Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement, Samia Ghali suggère la création d’une éco-taxe pour lutter contre les décharges sauvages : « Depuis quelques mois, de nombreuses « pages » sur les réseaux sociaux dévoilent ce que les Marseillais – et bon nombre de Français – subissent en silence. L’indignation citoyenne a pris le pas sur l’inaction politique et sur les mauvaises habitudes. Des groupes citoyens se sont constitués, dénonçant au gré des images chocs, des situations de saleté, de laisser aller des pouvoirs publics, ou encore des pollutions de masse organisée tels que les déchets du BTP, les délestages de carcasses de voitures ou bien des amoncellements de pneus, tout ceci dans la plus grande illégalité. La ville de Marseille – comme de nombreuses autres villes de France – doit faire face à ce véritable fléau, la législation en vigueur ne nous dote pas de moyens coercitifs assez forts pour enrayer efficacement ce problème environnemental et ce manque de civisme. La flagrance est rare, les sanctions pénales et les amendes insuffisantes pour être dissuasives, aussi je souhaite développer une proposition nouvelle avec la création d’une eco-taxe sur des produits et matériaux spécifiques ainsi que sur les chantiers et autres travaux du BTP finançant la gratuité de l’accès aux décharges en dessous d’un certain tonnage mensuel ou journalier. »