Le réajustement du gigantesque projet Iter à Cadarache était attendu depuis 2022, depuis que Pietro Barabaschi, a été nommé directeur général suite au décès de son prédécesseur Bernard Bigot et que concomitamment de graves défaillances ont été constatées sur un certain nombre de pièces vitales du projet.
Le Covid a ralenti les révisions, mais l’ingénieur italien ne veut prendre aucun risque, quitte à choquer les équipes de Cadarache. Le retard était évident, puisqu’il a fait démonter un certain nombre de pièces monumentales pour faire des révisions. Il a dû appliquer des préconisations nouvelles de l’Autorité de sûreté nucléaire et la réalisation de certains éléments ne s’est pas avérée aussi évidente que ce que les ingénieurs et les bureaux d’études avaient prévu.
En langage diplomatique cela s’énonce ainsi : Une nouvelle « feuille de route actualisée a été soumise au conseil pour évaluation et les avancées réalisées dans la construction, la fabrication, l’assemblage, ainsi que dans la démonstration de sûreté et les procédures d’autorisation ».
En conférence de presse, Pietro Barabaschi, concède que « la pandémie de Covid-19 a entraîné la fermeture de certaines usines pour la fourniture des composants d’Iter, a réduit la main-d’œuvre associée et a déclenché d’autres impacts tels que retards dans le transport maritime, avec des difficultés liées à la réalisation d’inspections de contrôle qualité, etc. Les composants inédits d’Iter se sont révélés plus difficiles que prévus. Des problèmes de qualité ont été expérimentés dans la conception, la fabrication et la culture de projet, ce qui conduit à certains composants clés nécessitant des réparations, comme indiqué précédemment.De plus, la planification de certains aspects de la fabrication et l’assemblage se sont révélés trop optimistes. »
Le miracle d’Iter, en attendant qu’il soit un miracle énergétique, est qu’il fait toujours cohabiter et travailler ensemble des pays qui s’affrontent militairement sur le terrain. Les 19 et 20 juin étaient autour de la table l’Europe, membre hôte du programme, qui finance à peu près la moitié du coût de construction et les six autres membres engagés dans cette entreprise : la Chine, l’Inde, le Japon, la République de Corée, la Fédération de Russie et les États-Unis.
Un miracle de la coexistence pacifique et de la capacité de la science à réunir les meilleurs chercheurs de la planète pour construire la plus grande installation expérimentale de fusion jamais imaginée. Tout cela pour, rappelons-le, découvrir le secret à l’origine de l’énergie du soleil et des étoiles. « Quand des noyaux d’atomes légers fusionnent pour former des noyaux plus lourds, une grande quantité d’énergie est libérée. La recherche sur la fusion vise à développer cette source d’énergie à la fois sûre, fiable et respectueuse de l’environnement. »
Le plus grand aimant du monde
Le projet est inatteignable pour un pays isolé. « La construction d’Iter narre Pietro Barabaschi, nous oblige à prendre en compte de manière réaliste les défis d’un projet unique en son genre. Le volume et le poids du tokamak Iter sont près de 10 fois supérieurs à ceux des plus grands tokamaks existants. Iter comportera le plus grand aimant du monde.L’actuel record mondial, le Guinness du plus grand aimant est celui de l’aimant toroïdal de l’Atlas au Cern à Genève : il a une masse froide de 370 tonnes, fonctionne à 4 teslas et stocke 1,08 giga joule d’énergie. En comparaison, le plus grand aimant d’Iter, a une masse froide de plus de 6 000 tonnes, fonctionne à 12 Tesla et stocke 41 gigas joules d’énergie (près de 40 fois plus d’énergie). »
Le calendrier est donc reporté à 2035 pour l’ouverture d’une phase d’expériences scientifiques. Et avec l’allongement des travaux, le budget enfle : le directeur général d’Iter a déclaré que le coût supplémentaire pour l’organisation s’élève à 5 milliards d’euros, un chiffre qui est encore en cours d’examen.
S’ouvrir aux start-up
Enfin, le conseil d’administration souligne dans son communiqué officiel que l’équipe scientifique doit s’ouvrir et, en langage diplomatique, on lui demande de faire respirer l’écosystème de recherche en s’appuyant sur les forces vives du privé. Au mois de novembre 2023, le même conseil avait demandé à Iter d’engager un dialogue avec le secteur privé.
L’atelier qu’Iter a organisé en mai 2024 a suscité une forte participation de start-up engagées dans la fusion, de fournisseurs, d’instituts de recherche, de laboratoires nationaux, d’universités ainsi que d’agences gouvernementales et d’organisations non gouvernementales. Les 300 participants ont réaffirmé l’importance qu’ils attachent à la mission d’Iter et au caractère essentiel de sa contribution à la recherche et au développement de la fusion par le secteur privé. Le conseil a encouragé la poursuite de ces échanges. Sera-t-il entendu ?
Le directeur qui a la réputation d’être un homme à poigne a également réorganisé le projet en interne « pour relever les défis et améliorer la culture de la qualité des projets ». Et il a obtenu satisfaction et les 5 milliards d’euros s’ajouteront au budget.
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