Tiraillés entre le plaisir de voir enfin une offre importante, une émulation et le risque de disperser le public, les organisateurs se disent tous optimistes vis à vis de cette multiplication de festivals. Mais en privé, certains confient de réelles craintes et un énervement palpable sur le manque de coordination entre tous pour choisir les dates. En effet, chaque festival est un gros risque qui engage des frais d’organisation considérables et un investissement énorme de la part des personnes. «Jusqu’à la dernière minute on espère que le festival aura lieu» confie un organisateur, en signe des difficultés.
Des échecs qui ternissent la réputation
Ces dernières années justement, il y a eu quelques échecs importants. Un exemple est celui du Get a Kool Festival qui, faute de public, avait dû annuler une de ses soirées, celle du vendredi, au Dock des Suds en juillet 2013. Un second, plus nuancé, a été celui du Believe in Marseille qui s’est tenu les 20 et 21 juin 2014 sur l’esplanade du J4, face au Mucem. Deux étudiants d’Euromed, dont le fils de Samia Ghali la sénatrice PS des Bouches-du-Rhône, avaient créé l’événement avec la volonté de faire «un festival identitaire à Marseille» disaient-ils avant sa tenue. Les deux jeunes organisateurs avaient pourtant pris leur temps avant de se lancer, il a fallu 2 ans avant que le projet voit le jour, mais cela n’a pas suffit malgré une programmation qui se voulait ambitieuse.
Ces échecs auraient, selon Benjamin Aguad, « contribué à la mauvaise réputation de Marseille » dans ce milieu. Il ajoute que certains « font un festival uniquement pour l’argent que ça leur amène » sans toutefois se risquer à citer de noms. Avec cela, il devient difficile d’attirer le public qui, même s’il est demandeur, réserve souvent à la dernière minute. Et cela donne une certaine insécurité aux organisateurs qui ont en mémoire les échecs des années précédentes notamment celui de Get a Kool.
Peu de lieux fait pour les accueillir
Au niveau des lieux disponibles pour ce genre d’événements, les difficultés sont multiples. Mis à part la Friche de la Belle de Mai et le Dock des Suds, il n’y a pas énormément d’emplacements. L’île du Frioul n’est disponible que pour Mimi, le fort d’Entrecasteaux s’y prête bien mais il ne dispose pas d’installations électriques ce qui complique l’organisation. De plus, un incident y a coûté la vie à une personne il y a deux ans. Ce drame a, dans un premier temps, poussé la mairie à ne plus le laisser à disposition. Cette année, Rockisland y revient mais « avec des normes de sécurité renforcées » selon la mairie, notamment par la présence accrue de pompiers sur place. Les plages du Prado ne peuvent pas accueillir toute les manifestations. Il reste les nouveaux lieux proches de la Joliette. L’esplanade du J4 du Believe In Marseille a été extrêmement compliqué à obtenir pour les organisateurs comme ils le racontaient avant le festival. Le festival Acontraluz fin août 2014 y a tenu sa première édition et reviendra cette année (lire notre reportage). Quand au J1, c’est un endroit parfaitement adapté mais qui reste trop cher, selon les organisateurs de Rockisland.
La Mairie, un acteur difficile à convaincre
L’une des autres difficultés, c’est de convaincre la mairie du sérieux du projet et de l’amener à le soutenir financièrement. Lorsqu’un projet de ce type est jeune, il est fragile et une aide publique, ou son absence peut être déterminants. Par exemple, les organisateurs du Believe in Marseille en 2014 avant la manifestation, déclaraient qu’ils n’avaient eu aucune aide publique. De tous ces nouveaux festivals, aucun ne bénéficie de subventions. Si le Watsa dit pouvoir compter sur un soutien actif du maire du IV secteur (6e et 8e arrondissement) Yves Moraine. «Il nous soutient pour que le Watsa perdure notamment vis à vis d’autres personnes de Marseille, il est venu nous rendre visite l’an dernier et a fait un excellent discours et depuis il nous suit» souligne l’organisateur. Mais pas de subventions en vue. Le Delta ne fait état que de partenaires privés tout comme l’Edition même si ce dernier a fait une demande qui n’a pas aboutie. De toutes façons, d’après Anne-Marie D’Estienne d’Orves, adjointe à la mairie de Marseille en charge de la culture, « il faut au moins avoir fait une première manifestation avant d’envisager une aide. » L’élue ajoute : «les subventions accordées dépendent de l’ancienneté de l’événement et de sa taille, ensuite, tout cela se fait lors de rencontres et selon l’intérêt de la ville. »
Lire les deux premiers volets de notre enquête :
[Enquête] La déferlante des festivals de musique à Marseille (1/4)
[Enquête] Festivals de musique à Marseille : une envie et une énergie qui part d’ici ! (2/4)