Le challenge Hydro Business Meeting a récompensé quatre startups innovantes pour les grandes compagnies de la filière eau. Parmi elles, Green Cityzen travaille sur une solution pour lutter contre les odeurs d’égouts à Marseille.
En pleine canicule, les rues de Marseille sont souvent envahies d’odeurs d’égouts des plus désagréables. Le coupable, c’est le sulfure d’hydrogène, un gaz incolore et mortel à forte dose. Il exhale des avaloirs et des stations d’épurations heureusement en faible quantité mais avec un parfum d’oeuf pourri très nauséabond. La Seramm, filiale du groupe Suez, en charge de l’assainissement de la ville, cherche à mieux comprendre le phénomène. Elle s’est associé avec une startup marseillaise, Green Cityzen, qui a remporté mardi 25 juin le challenge du Hydro Business Meeting de la chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence.
Des capteurs pour détecter les points noirs
La Seramm travaille depuis plus d’un an avec la startup marseillaise Green Citizen qui développe des capteurs hypersensibles pour détecter la présence de ce gaz odorant dans l’air. « Avant, on savait détecter le gaz à forte dose qui pouvait tuer des agents incapables de le sentir dans des endroits confinés. Pour le repérer à très faible dose, quand il émet cette odeur de pourri, nous avons du développer un capteur mille fois plus sensible », explique François Hamon, co-fondateur de Green Cityzen avec ses deux associés, Alexandre Boudonne et Guy Lecurieux. Les premiers prototypes du capteur, la Humm Box, sont enfin prêts et la startup entame la phase pilote de déploiement à Marseille. Une dizaine de capteurs ont été installés sur certains points chauds dans l’hypercentre comme le Cours Pierre Puget ou encore la rue Sainte. Green Cityzen va aussi installer des instruments pour mesurer le vent, la pluie et les conditions climatiques les plus propices aux épisodes malodorants : « Le sulfure d’hydrogène a tendance à se développer avec la hausse de température. Cet été devrait être particulièrement dur pour Marseille mais cela nous permettra de mieux comprendre l’origine des odeurs. Le but est de proposer à Suez des modèles prédictifs pour anticiper l’apparition des odeurs dans la rue », avance François Hamon. Ce premier test donnera des premiers indicateurs à la Seramm pour lutter contre les mauvaises odeurs avant un déploiement plus massif dans toute la ville. « Pour couvrir Marseille dans son ensemble, il faudrait installer une centaine de capteurs », estime le dirigeant de Green Cityzen. Et ce service à un coût qui va se répercuter sur la facture du client de la Seramm : La Métropole. « On doit maintenant convaincre la Métropole de l’efficacité de notre solution pour qu’elle accepte d’en payer le prix », prévient Yves Fagherazzi, le directeur général de la Seramm. La société anticipe déjà la prochaine étape pour définitivement supprimer la source des odeurs.
Suez cherche à supprimer la création du sulfure d’hydrogène
Le sulfure d’hydrogène est produit par des bactéries qui prolifèrent dans le réseau d’assainissement des eaux de la ville. « Mais on ne peut pas empêcher la multiplication de ces bactéries », prévient Yves Fagherazzi. La Seramm attaque donc le problème sous un angle différent. Les bactéries créent le sulfure d’hydrogène en se nourrissant de molécules d’hydrogène. La stratégie de Suez est d’injecter des particules d’azote plus attractives pour les bactéries que l’hydrogène et ainsi empêcher la création de sulfure d’hydrogène. « On sait très bien le faire mais la question est de savoir à quel niveau du réseau on doit injecter l’azote pour être bien sûr d’intervenir avant la création du sulfure d’hydrogène », explique le directeur de la Seramm. Ici aussi, des tests sont en cours mais le calendrier pour la mise en pratique devrait être plus long que pour la solution de Green Cityzen. La startup marseillaise travaille sur un autre sujet avec Suez. Elle installe des capteurs à ultrasons pour repérer les avaloirs remplis de déchets.
Vider les bouches avant que les déchets ne finissent dans la mer
Bien souvent, les petites bouches d’égout placées sous les trottoirs sont encombrés de déchets multiples : canettes, bouteilles en plastiques et autres détritus… « Et lors des épisodes pluvieux, tout cela remonte à la surface et finit à la mer », se désole Yves Fagherazzi. Green Cityzen a inventé un autre capteur qui permet d’alerter la compagnie dès qu’un avaloir est saturé. « On a développé une application qui cartographie les avaloirs de la ville et prévient la Seramm de la moindre anomalie pour qu’elle déclenche l’intervention d’un agent », explique François Hamon. Même chose que pour les odeurs, la solution est en phase de test avec une cinquantaine de capteurs installés dans les zones les plus touchées de la ville et les plus proches de la mer.
Une première levée de fonds et des contrats pour Green Cityzen
Créée en 2016, Green Cityzen multiplie les solutions écologiques grâce à ses capteurs. Elle a également développé un système d’arrosage intelligent pur les services d’entretien des espaces verts des collectivités. « En règle général, on arrose trop ce qui est mauvais pour le développement des plantes et la gestion des ressources. Notre outil mesure le taux d’humidité de la terre et s’appuie sur les prévisions météorologiques pour planifier l’arrosage au plus juste », avance François Hamon. Après avoir effectué ses premiers tests avec Nice et Angers, la startup vient de remporter son premier gros contrat avec la ville de Florence. « On travaille aussi avec les producteurs de truffes qui optimisent leurs récoltes grâce à nous », ajoute le dirigeant. D’autres contrats devraient venir récompenser le travail de la société qui compte désormais huit salariés et voit son chiffre d’affaires doubler chaque année. Green Cityzen vient aussi de boucler sa première levée de fonds « dont le montant reste confidentiel », prévient François Hamon. L’un des investisseurs serait le directeur général de Wiko, Michel Assadourian.
Les autres lauréats du challenge Hydro Business Meeting :
La chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence a organisé un grand concours autour de l’innovation dans le secteur de la filière eau. Quatre défis ont été proposés aux startups du territoire. Les lauréats pourront bénéficier de l’aide des grands groupes partenaires pour poursuivre leurs travaux et mettre au point leurs solutions.
1. La startup azuréenne Klearia, issue du CNRS, a remporté le défi « sécurité d’alimentation en eau potable » lancé par la Société Eau de Marseille Métropole. Elle développe et commercialise des capteurs innovants, basés sur la même technologie que les tests de grossesse et les glucomètres. Ils permettent un accès simple et peu couteux de l’analyse des micropolluants pour l’optimisation des procédés de traitement et pour améliorer la qualité des eaux produites. La solution proposée par l’entreprise est le PANDa, un analyseur portable pour les traces de métaux dans l’eau qui fournit des analyses in situ rapides et à sensibilité élevée. La technologie utilise des capteurs miniatures permettant à n’importe qui de réaliser, sans formation, des analyses avec des temps de réponse temps réel.
2. Le marseillais Subsea tech est le lauréat du défi « ouvrages hydrauliques de demain » proposé par EDF. Il a mis au point des solutions robotisées capables de parcourir jusqu’à 5 km dans des canalisations de diamètre inférieur à 50 cm pour effectuer des inspections visuelles et sonar et mettre en évidence des problèmes structurels et fonctionnels. EDF compte l’utiliser pour inspecter son réseau hydraulique dans la région Paca afin d’effectuer les travaux de maintenance.
3. Enfin, l’aixois Nauvelis a été choisi par la Métropole Aix-Marseille Provence sur la thématique « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations ». Nauvelis met à disposition une plateforme d’interconnexion dédiée aux objets et services connectés pour faciliter le développement de nouveaux services. Cette solution de monitoring tout en un, permet de regrouper les données de sources multiples. Son approche modulaire permet de construire l’infrastructure brique par brique tout en levant les incertitudes liées au choix technique.
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