Rendez-vous incontournable des étés en Provence, les Rencontres de la photographie d’Arles célèbrent cette année leur 50e édition avec pas moins de cinquante expositions dans une vingtaine de lieux. Entre hommage, monographies, passé-présent-futur, femmes photographes, photographes de paysage, nouveaux talents ou photographes anonymes…, les angles sont toujours aussi multiples. Et aux organisateurs de conseiller d’y passer trois jours pour bien en profiter. Gomet en a fait l’expérience. Avis aux retardataires : les festivités se déroulent jusqu’au 22 septembre.
Premier jour. C’est à l’espace Croisière, site emblématique des Rencontres qui accueille à lui seul une douzaine d’expositions, que les organisateurs ont choisi de rendre hommage aux fondateurs du festival – le photographe Lucien Clergue, l’écrivain Michel Tournier et l’historien conservateur de musée Jean-Maurice Rouquette – en (re)programmant Hommage à Edward Weston, la première exposition des Rencontres. Un hommage « double » puisque cette fois, les cadavres de Flamant mort dans le sable, Chouette effraie abattue dans les ruines ou du Cimetière d’oiseaux, tirés de carnets inédits de Lucien Clergue, sont venus dialoguer avec les majestueux légumes, dont la célèbre feuille de chou, et autres objets inanimés d’Edward Weston.
Amusante saga des inventions
Au rez-de-chaussée du même bâtiment, ont pris place d’incroyables clichés issus des archives du Centre national de recherches scientifiques (CNRS) et des Archives nationales. Témoins de la politique nationale d’encouragement à la recherche scientifique et industrielle menée par la France entre 1915 et 1939, ils révèlent des inventions qui, aujourd’hui, font sourire tant par l’objet, souvent surréaliste, que par la pose prise pour en démontrer l’efficacité. La commissaire d’exposition, Luce Legal, y voit, à juste titre, une « esthétique poético-militaire » et nous montre à quel point les guerres ont largement influencé cette politique de l’innovation.
Du masque à gaz pour chevaux de Giroux à l’incroyable kit pour ramper sous les barbelés de Caufer, en passant par les épaulettes porte-brancard de Ballini, les visières de protection des docteurs Louis Landret et Aron Polack, le géophone pour écouter dans les mines, ou encore la sangle du lieutenant pour le transport des mitraillettes, le visiteur découvre également ces ingénieurs, militaires ou médecins « trouve tout ». Recherche et innovation se sont par la suite orientées vers la vie quotidienne. C’est alors au tour des appareils ménagers de prendre la pose – machines à laver, tapis brosse en caoutchouc, aspirateur balai dit « Aspirette » – mais également meuble classeur pour bureau, lance d’incendie pour pompiers, lampe de poche ou appareil pour enfiler le fil dans l’aiguille… Une plongée dans le passé qui distrait les festivaliers de tout âge.
Coup de cœur pour les installations de Marjan Teeuwen
Qui n’a jamais rêvé de pénétrer une image ? Physiquement et non virtuellement. C’est la proposition de la Néerlandaise Marjan Teeuwen avec son installation architecturale qui permet de mieux saisir sa démarche et vivre au cœur de son œuvre.
Dans un premier temps, sont exposées ses photographies grand format dans le labyrinthe exigu de la maison à l’entrée de l’espace Croisière. Marjan Teeuwen explore le cycle infernal construction/destruction/reconstruction. Ainsi, gravats, briques, terre, placo, carrelage… s’empilent en bandes organisées et forment une nouvelle architecture. L’artiste revoit les plans intérieurs et remonte les cloisons de ces maisons qui ont subi une tragique démolition comme celles de Gaza, avec une minutie incroyable, comme pour redonner une beauté au lieu. Et c’est réussi car le visiteur plonge littéralement dans ses tableaux, happé par les effets graphiques des empilements.
Mais le plus étrange reste à venir. En sortant de l’exposition, à quelques mètres, s’ouvre une porte par laquelle on s’engouffre dans un espace sombre et totalement clos. Marjan Teeuwen est passée par là. On apprendra qu’il a fallu à l’artiste trois mois et demie pour créer cette Destroyed House. En circulant dans cette incroyable architecture de débris de construction, les précédentes œuvres reviennent en mémoire. À chaque instant, la surprise de découvrir des espaces insolites côtoie l’inquiétude. D’un côté, on s’émerveille du concept, on admire la détermination de l’artiste, de l’autre, on ressent une gêne, un malaise, peut-être comme celui éprouvé face aux destructions en zones de conflit. Marjan Teeuwen a produit ici sa vingt-troisième installation.
Les expositions de Guillaume Simoneau, Pixy Liao, Lionel Astruc & Erik Bonnier, Yann Pocreau, Laurence Aëgerter complètent cette visite à l’espace Croisière, mêlant cathédrales, oiseaux, misère et intimité expérimentale.
Informations pratiques
> Rencontres de la photographie Arles 2019, jusqu’au 22 septembre, tous les jours de 10h à 19h30
> Espace Croisière – 65, bd Émile Combes – Arles
> Tarifs multiples : entrée lieu à l’unité de 5,50€ à 14€ / forfait journée 21€ et 26€ (en ligne) / forfait toutes expositions 24€ et 29€(en ligne) / entrée gratuite pour les moins de 18 ans.
> Site internet https://www.rencontres-arles.com/fr