Annonce du tournage d’un nouveau long métrage, tenue du 9e Marseille Web Fest, stand au Mipcom de Cannes, Créative Tour organisée par la Ville… La dernière semaine a été riche en événements pour la filière cinéma, et plus largement pour les industries créatives du territoire. A chaque fois, les acteurs locaux, à commencer par la Ville de Marseille, se félicitent de l’attractivité de la cité phocéenne. Les chiffres attestent d’une croissance très forte du nombre de tournage : une centaine en 2009 contre plus de 500 en 2016 assure la responsable de l’activité au sein de la ville, l’adjointe au maire Séréna Zouaghi. Sur les trois dernières années, le chiffre a progressé de 38%. Il n’y a que la filière des croisières, dans le domaine maritime, qui peut afficher de telles performances. Aix-Marseille-Provence revendique être la 2e plateforme de production de contenus et de tournages de films et de séries en France. Parmi les 502 tournages recensés en 2016, tous formats confondus (publicités, émissions tv, reportages compris), on dénombre 12 longs métrages et 12 séries télévisées pour un total 1 274 journées de tournage. Les retombées directes sont estimées à 40 millions d’euros cette année contre 30 millions en 2016.
Une luminosité unique
« Ville très puissante avec une forte personnalité » selon Dan Franck, l’écrivain et scénariste de la série Marseille de Netflix, la cité phocéenne est devenue en effet une place de tournage de référence. Elle accueille des séries et des films variés. Les incontournables « Plus belle la vie » ou « Caïn », la série « Marseille » avec Gérard Depardieu et Benoit Magimel (le tournage du volet 2 a eu lieu cet été), la saga des Taxis (le 5e opus a occupé le centre-ville un partie du mois d’août), « Family on the Go », une série chinoise, et une multitude de films : « la French » avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche, « Overdrive » avec Scott Eastwood sortit fin 2016. De grands classiques ont été tournés ici au 20e siècle à l’instar des films de Marcel Pagnol comme César (1936), Le Schpountz (1937), de Jean-Luc Godard (A bout de souffle en 1959), Marche à l’ombre de Michel Blanc (1984) ou Marius et Jeannette de Robert Guédiguian (1997)
L’acteur Kad Merad connaît bien la ville. Il possède une villa sur la presqu’île de Malmousque et vient régulièrement en vacances ou week-end. « C’est forcément agréable de venir tourner ici. Il y a un accueil particulier que l’on ne retrouve pas ailleurs. Il y a de l’entraide, de la gentillesse et des très bonnes équipes aussi, notamment les équipes de régie » insiste-t-il. Kad Merad sera à partir du mois de novembre, pour 40 jours de tournage, dans les rues de la cité avec notamment Julie Gayet pour le film « Beau Fils à papa ». Lors de la présentation du projet à l’Hôtel de ville, mercredi 18 octobre, le réalisateur comme le producteur du film ont souligné eux aussi les avantages de venir tourner ici. François Desagnat explique : « C’est la première que je tourne en dehors de Paris. Je pose de questions, j’ai des envies. Et j’ai l’impression que tout est possible. » « A Paris il y beaucoup plus de contraintes et tout est plus compliqué » ajoute Antoine Pezet, lui-même Marseillais d’origine.
Avec le savoir-faire de la mission cinéma de la Ville, qui occupe cinq personnes, le succès de Marseille repose avant tout sur son extraordinaire lumière et la diversité spectaculaire de ses décors naturels. « Il y a tout ! » s’exclame Kad Merad. Et le site de la Ville n’est pas en reste pour vendre la destination : « Qu’il s’agisse des panoramas des calanques – le premier parc péri-urbain d’Europe, classé Parc national des calanques – des sites industriels et portuaires des quais, des vieux quartiers du centre-ville et du Panier ou du littoral et d’une rade magnifique, Marseille, c’est une luminosité unique. » Tout un écosystème, riche de 1500 entreprises du cœur de métier (de la production à la projection en passant par le distribution, l’enregistrement…) vit sur la bête. « Le territoire recèle encore un fort potentiel en termes de techniques et de savoir-faire » avance la CCI. L’objectif assumé est d’intégrer le top 5 des villes d’Europe les plus attractives pour la filière audiovisuel-cinéma d’ici 2020. Symbole de ces ambitions, la création d’un Marseille écrit avec de grandes lettres blanches de 13,70 mètres de haut façon Hollywood sur la colline au-dessus de St Henri, à l’entrée nord de Marseille. Mais ce n’’est pas suffisant. Pour changer de braquer, « cela passera nécessairement par une réorganisation de nos services » confie un Stéphane Rizzo, responsable de la promotion territoriale à la Ville. En substance il faut se donner plus de moyens.
Marianne Carpentier, la présidente de Primi, le cluster régional qui regroupe les industries créatives, elle même responsable d’un studio de tournage de 700 m2 en motion capture (groupe Newen) basé au pôle média confirme. « Oui il y a des tournages qui tombent de partout mais il y a aussi des pertes car l’équipe en place, très compétente, ne peut pas tout gérer. Ils sont débordés. » Du coup elle constate que certaines affaires comme les tournages de pub TV partent ailleurs à Barcelone ou au Portugal, faute de réponses aux questions. « Le formulaire qu’il faut remplir en ligne trois semaines avant un tournage, ça ne marche pas dans la pub où les décisions se prennent en 72h… » Un vrai manque à gagner car c’est la pub qui fait vivre une partie de la filière.
La carte métropolitaine
Pour mieux s’organiser, Marianne Carpentier compte sur la Métropole citant en exemple de bonnes pratiques la commission du film de la Côte d’Azur- Cannes ou celle du Var. Gaby Charroux le maire de Martigues a bien pris l’initiative de lancer en novembre 2016 sous l’égide du Conseil de territoire du Pays de Martigues une plateforme Cinéma et Audiovisuel. Mais elle n’émerge pas aujourd’hui comme un instrument métropolitain. Olivier Marchetti, le patron de Provence Studios basé dans la ville croit aussi beaucoup à une gestion métropolitaine pour jouer sur les complémentarités de tous les acteurs. « Nous ne sommes qu’à 40% de taux d’occupation de nos studios. Nous avons encore du potentiel » constate-t-il, mais attention selon lui à ne pas sur estimer le marché. « Il y a beaucoup de concurrence. il faut donc être prudent dans le lancement de nouveaux projets. » D’autant que selon lui, Marseille souffre d’une faiblesse chronique face à Paris. « Le nombre de salles de théâtre nous pénalise car de nombreux acteurs acceptent de jouer dans des séries à partir du moment où ils peuvent jouer aussi au théâtre en soirée. » Il manque pourtant des lieux pour capter des productions dans la durée. A l’instar de la série de TF1 Demain nous appartient qui a cherché des locaux à Marseille mais n’a pas trouvé, « la caserne du Muy un temps proposée ne correspondait au besoin » confie Marianne Carpentier. Le tournage, les 5 millions d’investissements de Newen et les 200 emplois à la clé sont partis à Sète…
La productrice Sabrina Roubache (Gurkin), qui porte un projet de « hub digital international cinéma » dans les quartiers nord, estime également que le territoire doit progresser et s’organiser. « Nous voulons faire connaître les acteurs qui contribuent à l’écosystème du cinéma sur Aix-Marseille-Provence, les valoriser et, bien sûr, favoriser le business. » expliquait-t-elle en ouverture de la rencontre lors du Creative Tour organisé par la Ville en parallèle du marseille Web Fest. « Quand la filière joue collectif elle obtient des résultats » souligne-t-elle citant en exemple le « lobbying de LPA, Les Producteurs associés, auprès de la Région. Résultat : le fonds de dotation vient d’être multiplié quasiment par 2 passant de 3,5 millions à 5,8 millions. » La concurrence entre les régions pour attirer les tournages s’exacerbe observe Olivier Marchetti. « Xavier Bertrand des Hauts de France a mis 10 millions sur la table. Il a pu ainsi récupérer le tournage du Baron Noir. » Le développement de la filière est inscrit dans les priorités de notre mandature à la CCI Marseille Provence affirme Sabrina Roubache, élue l’année dernière dans l’assemblée consulaire sur la liste de Jean-Luc Chauvin. Et pour joindre le geste à la parole, elle annonce : « Je lance une démarche de concertation à l’échelle métropolitaine avec les acteurs de la filière pour identifier les bons leviers clés de développement. »