En avril 2021, Muriel Enjalran prenait la tête du Fonds Régional d’Art Contemporain de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Frac Paca). Elle explique comment ce lieu de la scène contemporaine compte attirer les visiteurs et participer au renouveau du quartier de la Joliette. Extrait du supplément Mécénat, de Gomet’ L’Hebdo diffusé en juillet 2021.
Vous êtes titulaire d’une maîtrise d’histoire sur le commerce et les échanges dans l’art du XVIIIe siècle à Marseille. Comment percevez-vous le rapport des Marseillais avec l’art contemporain aujourd’hui ?
Muriel Enjalran : Le rapport des Marseillais avec l’art contemporain est assez fort au regard du nombre de structures sur le territoire qui œuvrent à la création contemporaine. Je me suis penchée sur les échanges commerciaux dans l’art entre Marseille, le Levant et l’Orient, qui ont aussi formé un goût pour la culture et le métissage des cultures avec un moment florissant à Marseille au XVIIe où un certain nombre de collectionneurs ont soutenu des peintres marseillais. Cette relation avec l’art est donc très ancienne et d’autant plus riche que Mar- seille est un lieu de croisement des influences culturelles.
Pourtant, selon le rapport Admical, la Région Sud n’est pas très bonne élève pour le mécénat d’entreprise ?
M.E : Je pense qu’il y a beaucoup de concurrence avec le sponsoring dans le sport. Mais en tant que Frac, notre rôle est de mieux communiquer auprès de la sphère privée et de leur montrer en quoi la création contemporaine partage les valeurs de l’entreprise comme l’innovation et la prospection.
Comment procède le Frac pour trouver de nouveaux mécènes ?
M.E : Nous avons la chance d’avoir un cercle des mécènes constitué d’entreprises qui s’engagent sur plusieurs années auprès des programmations du Frac, à l’instar de nos deux mécènes importants : les Mutuelles du Soleil et Crosscall (10 000€ chacun). Notre société des amis est aussi très active sur le territoire et mobilise le tissu économique. Néanmoins, nous devons plus que jamais diversifier nos ressources financières.
En dehors du mécénat financier ?
M.E : Nous recherchons des entre- prises partenaires pour faire du mécénat de compétences. Les artistes ont parfois besoin de recourir à des savoir-faire particuliers auxquels les entreprises spécialisées peuvent répondre. Les projets de résidence d’artistes en entreprise peuvent contribuer à rendre nos relations de mécénat plus pérennes. A l’aune de mon projet, j’aimerais redévelopper plus fréquemment ces mises en résidences d’artistes.
« Les artistes peuvent aider à recréer du lien social dans une société fragmentée »
Muriel Enjalran
Votre projet s’intitule « faire société. » Que vouslez-vous dire ?
M.E : Faire société est un terme ambitieux mais je pense que les artistes, aux côtés d’autres citoyens, ont un rôle à jouer dans la construction du tissu social et dans la manière dont ils peuvent nous éclairer sur des événements et nous apporter le recul nécessaire. Les artistes peuvent, à la fois être sismographe et aider à recréer du lien social dans une société fragmentée.
Votre projet vise également à redynamiser le quartier de la Joliette. Comment comptez-vous attirer les visiteurs ?
M.E : Nous voulons nous adresser aux habitants ainsi qu’aux salariés qui occupent le quartier d’Euromediterranée. La question est complexe car ces publics se croisent peu et ils sont presque circonscrits à certains endroits. Pour les habitants, nous travaillons avec des associations de quartiers qui nous aident à emmener les familles au Frac. Par ailleurs, il y a beaucoup d’acteurs culturels dans le quartier comme le Théâtre de la Joliette ou les Docks, avec qui, je suis persuadée qu’en unissant nos forces et en faisant circuler nos propositions, nous pouvons croiser nos publics.
Comment faire pour qu’ils se rencontrent ?
M.E : J’ai l’envie d’impulser un événement sous forme d’une « biennale de la Joliette » avec un moteur artistique et culturel. L’idée serait de coconstruire l’événement de manière conviviale, à la jonction de l’art, du sport et du jeu. Cette notion de convivialité est très importante dans mon projet car les gens ont parfois peur de pousser la porte du Frac. Cette biennale pourrait montrer que le Frac est un lieu de vie accessible qui peut aussi aborder des sujets de culture populaire.