L’équipe toulousaine du professeur Jean-Philippe Girard (photo), qui dirige l’Institut de pharmacologie et de biologie moléculaire de Toulouse (IPBS), a annoncé jeudi 6 septembre le lancement d’une étude pionnière sur des protéines capables de développer des vaisseaux sanguins qui combattent le cancer. Ce programme labellisé par la Fondation Arc durera trois ans et coûtera 420 000€.
Gomet’ Santé : En quoi consiste cette étude ?
Jean-Philippe Girard. Il s’agit d’un changement de dogme. Avant nos découvertes, le monde médical considérait que les vaisseaux sanguins avaient un rôle néfaste car ils favorisaient le développement du cancer, en l’irriguant et lui apportant nourriture et oxygène. Certains traitements consistaient ainsi à bloquer certains vaisseaux mais ces approches se sont révélé décevantes. Ce que nous avons découvert, c’est qu’au niveau de la tumeur, tous les vaisseaux ne sont pas équivalents. Nous avons donc montré que les vaisseaux classiques irriguent en effet la tumeur, mais qu’il existe d’autres types de vaisseaux, nommés HEV (pour High endothelial venules), qui luttent contre le cancer.
Quel est le rôle de ces vaisseaux ?
J.-P.G. Chez un sujet sain, on les trouve dans les ganglions, les amygdales et les végétations. Leur rôle dans le cancer est de capturer les lymphocytes circulant dans le sang et de les drainer jusqu’à la tumeur. Ces vaisseaux sanguins constituent donc une porte d’entrée au sein du cancer pour les globules blancs et particulièrement pour les lymphocytes tueurs, qui détruisent les cellules cancéreuses. En outre, parmi les globules blancs figurent les lymphocytes naïfs qui, au contact de la tumeur, apprennent peu à peu à la combattre.
A quel objectif voulez-vous aboutir et avec quelle méthode ?
J.-P.G. Nous voulons à présent savoir comment transformer des vaisseaux sanguins classiques en vaisseaux HEV. Nous étudions donc les différences entre ces deux types de vaisseaux. Le but du programme est in fine de mettre au point des molécules, sous la forme d’agents de type protéines, activatrices des vaisseaux HEV. Ensuite il faudra les tester et affiner les traitements mais les essais cliniques ne démarreront pas avant au moins cinq ans. L’idée serait de combiner cette solution avec l’immunothérapie. Mais ce traitement ne serait efficace que pour les cancers solides, donc pas pour les leucémies et les lymphomes. Entre 5 et 15 personnes travaillent sur cette étude, à la frontière entre recherche biologique et médecine. Peu d’équipes travaillent sur ce sujet dans le monde, la compétition commence à démarrer aux Etats-Unis avec davantage de moyens mais nous avons 25 ans d’avance. En moyenne, nous faisons de grandes avancées tous les 5 à10 ans. Ces vaisseaux sont difficiles à étudier : ils sont rares et, même si nous sommes capables d’isoler leurs cellules, il est impossible de les mettre dans des boîtes de culture. Nous utilisons des technologies de pointe et nous pouvons par exemple voir la capacité de ces vaisseaux à capturer des lymphocytes en temps réel.